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Lettres à la princesse/Lettre050

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Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 63-66).
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L


Ce 18 juin, jeudi.
Princesse,

J’ai reçu votre bonne lettre. J’avais vu le petit bijou Daphnis et Chloé ; ce sont des jeux de petits amours ; il faut passer aux érudits d’aimer ces choses à la folie, ils ont à dévorer dans leur métier tant de choses ennuyeuses !

Le rapport est très-bien fait et fera un bon effet, mais en France on est si naturellement pour l’opposition ! La liste civile, fi donc ! De là, même dans les analyses qu’on en fait, peu de bon vouloir et de l’infidélité. Les choses pourtant finissent par parler et prévaloir, lorsque les hommes durent. Il faut user ses ennemis.

Je viens de recevoir de M. de Falloux une singulière lettre ; il se ravise, il a lu l’anecdote Breguet, il n’en veut pas. Je joins ici copie de cette partie de sa lettre. S’il y a moyen d’avoir une réitération de témoignage, j’en serai charmé ; car nous sommes d’honnêtes gens, et nous ne voulons que la vérité. Je me contenterai de lui dire que la déclaration du valet de chambre ne signifie rien, et que la mortification chrétienne, la pénitence du bon général a pu échapper à ce valet de chambre : il suffit qu’une personne d’intelligence l’ait remarquée. Oh ! que la vérité donne de mal à trouver, et qu’elle rencontre de difficultés en chemin !

Je me remets un peu à sortir. Après mon gros travail de vendredi, je compte bien me dédommager de ma privation, et aller saluer Notre-Dame de Saint-Gratien.

Daignez agréer, Princesse, l’expression de mon respectueux attachement.


La guerre intestine a recommencé au Constitutionnel entre la propriété, la gérance et l’administrateur politique. La rédaction politique et littéraire est assise sur un procès en permanence. Nouvel exemple de l’habileté et de l’adresse qui président à toutes choses grandes et petites !

Voici l’extrait de la lettre de M. de Falloux :

« Monsieur et cher confrère,

 » Je viens de relire dans les Nouveaux Lundis[1] les deux articles consacrés à Mme Swetchine et je conserve l’impression que j’en avais reçue d’abord. Je demeure convaincu que ce qui me paraît injuste tient à l’antagonisme radical des points de vue ; je reconnais avec gratitude dans l’appréciation de plusieurs détails une étude sérieuse, l’équité et même la bienveillance d’intention.

 » Je n’hésite donc pas à vous exprimer la surprise que m’a causée l’addition de la note finale. Je me suis étonné d’abord que vous m’ayez rendu responsable d’un article du Monde dans le volume même où vous avez retracé la carrière polémique de M. Louis Veuillet et rappelé des dissidences qui ne sont pas moins vives dans le Monde qu’elles ne l’étaient dans l’Univers.

Quant à l’anecdote dont vous vous armez par représailles, elle est, permettez-moi de l’affirmer, aussi peu digne d’une critique élevée que de Mme Swetchine. Aucun de ceux qui l’ont connue n’aura besoin de témoignages pour démentir le fait en le lisant. Mais j’ai voulu me munir de renseignements certains, en vue des hommes de l’autre bord qui vous ont induit en erreur. Voici ce que me fait répondre Cloppet, l’homme de confiance du général et de Mme Swetchine pendant trente ans : « Le général a eu longtemps trois montres, deux en argent et une en or ; il a donné successivement à des personnes qui l’ont servi les deux montres en argent ; il ne s’est jamais dessaisi de la montre en or, et il l’a léguée par testament à un jeune Ségur… etc.

» de falloux. »


  1. On trouvera la réponse à cette lettre dans la réimpression du tome premier des Nouveaux Lundis.