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Lettres à la princesse/Lettre075

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Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 98-99).

LXXV


Ce mardi.
Princesse,

En effet, cette Commission, assemblée dès trois heures et demie, n’a été congédiée qu’à cinq heures et demie sonnées, et je me suis vu trop en retard pour espérer de retrouver les élèves réunis. Ce n’est pas là vivre, c’est bourrer la vie. Je suis las d’ailleurs et saturé de ce travail intense. Je prendrai une quinzaine de répit d’ici à peu. Puis je courrai mes cinq ou six derniers mois de traité : après quoi je modifierai mon régime, qui, à cet état de tension, me devient insupportable. Je me permets de vous donner ce détail, Princesse, sachant l’intérêt amical que vous me portez, et aussi pour invoquer votre indulgence dans ces mois forcés que j’achève, et où ma pensée se dégage souvent de sa tâche pour regretter ou rêver un emploi meilleur[1].

Daignez agréer, Princesse, l’assurance de mon respectueux attachement.


  1. M. Sainte-Beuve regrette ici un emploi meilleur de son temps, c’est-à-dire celui où il aurait pu, au lieu de morceler sa pensée en articles à la semaine, faire un livre de longue haleine. C’était là son rêve : il l’a en partie réalisé, quand il a eu des loisirs, par son étude sur Proudhon, mais il n’a pas même eu le temps d’achever cet ouvrage. La maladie le surprit comme il terminait la première partie, et puis il ne pouvait renoncer, quoi qu’il en eût, à ses articles hebdomadaires. Trop de sujets le tentaient, et le critique ne voulait pas abdiquer.