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Lettres à la princesse/Lettre140

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Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 196-198).

CXL


Ce dimanche.
Princesse,

Je me suis empressé d’écrire un mot à M. de L.. pour l’avertir légèrement.

Heureux de n’être point de ces grandeurs, je ne laisse pas de sentir une absence : quelque chose me le dit quand je ne le saurais pas.

La pièce de nos amis[1] se relève : elle a eu pour elle toute la presse, à peu près. Saint-Victor a été parfait… Son goût comme son amitié se sont réveillés à la fois pour être juste. — Je crains pourtant que le succès ne reste tout littéraire.

Je serai à Votre Altesse samedi, si vous le voulez bien, ou vendredi, si vous l’aimez mieux.

Vous faites des heureux là-bas : c’est votre lot. Je vous réserve pourtant encore une bonne petite action pour le retour. — Le Constitutionnel est sous le séquestre avec cinq hommes de police qui gardent les scellés : c’est à croire qu’on avait affaire à une bande de voleurs. Que ces procédés nuisent au seul organe du gouvernement ! Est-ce qu’il en a trop ? On a choisi exprès ou comme exprès décembre, où se fait d’ordinaire le grand renouvellement d’abonnés. On en perdra un millier du coup. Les gens qui viennent pour se réabonner demandent si la société est en liquidation.

Et tout cela, parce que le ministère de M. Boudet, quoique averti, a fait un mauvais choix, il y a deux ans !

Je crains que Limayrac ne soit ébranlé. Si l’on nous donne Granier-Cassagnac, bonsoir ! je m’en vais.

En voyant ces choses dont je souffre, mais non personnellement, je rends grâce à la personne que vous savez, Princesse, qui a tout fait pour me mettre au-dessus de ces vicissitudes ! et je vous remercie du fond du cœur. — Il y a un bien mauvais esprit qui souffle : ces tapages obstinés de théâtre sont un symptôme.

M. Troplong hésite pour l’Académie, l’archevêque aussi : Amédée Thierry se faufile et tâche de leur couper l’herbe sous le pied. — Peu importe ! — M. Rouher est un homme sage.

Je passerai le mercredi à penser à vous, Princesse. — Savez-vous que mon cabinet de travail ressemble maintenant à un petit temple ! Il me devient difficile de ne pas laisser voir le nom de la déesse à laquelle il est comme dédié.

Daignez agréer, Princesse, mes sentiments de tendre et respectueux attachement.


  1. Henriette Maréchal, par MM. de Goncourt (5 décembre 1865).