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Lettres sur les hommes d’État de France/07

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LETTRES
SUR
LES HOMMES D’ÉTAT
DE LA FRANCE.

LETTRE SEPTIÈME.


Paris, le 1er mai 1836.

En 1785, naquit un nouveau rejeton d’une des plus illustres familles de la France, un noble enfant qu’on éleva dans le beau et vaste château de Broglie, où ses yeux, en s’ouvrant à la lumière, virent d’abord la gloire de ses aïeux, l’épée du premier de Broglie suspendue aux murs, et la fameuse casaque noire du maréchal trouée de partout par les batailles ; vieux château tout retentissant des noms de Pizzighitone, d’Egra, d’Hastenbeck et de Lawfeld, et flanqué, en guise de trophées, comme Chambord, au temps du maréchal de Saxe, de canons enlevés aux ennemis de la France, par ces vaillans et infatigables soldats, les de Broglie. La vieille race de gentilshommes qui habitait ce château, à la naissance de Charles-Achille-Victor de Broglie, cet enfant couronné de tant de beaux noms militaires, dans ses langes, n’était pas une race dégénérée de ses ancêtres. C’était le maréchal de Broglie, qui avait débuté soixante ans auparavant, à l’armée de Bohême, que commandait son père, et qui portait encore vigoureusement ses vieilles blessures des lignes de Weissembourg, de la bataille de Haguenau, du siége de Fribourg, de l’armée de Flandres et de la guerre de sept ans ; qui parlait à ses enfans de la régence, du maréchal d’Estrées, du maréchal de Contades, du prince de Soubise et de Mme de Pompadour, qui commanda si long-temps tous ces généraux ! C’était ensuite l’abbé de Broglie, un abbé qui eût été digne d’être l’aumônier de Grégoire VII, qui fut prévôt en Pologne, évêque en Piémont et dans les Flandres, après avoir passé de longues années dans le donjon de Vincennes, où le relégua Napoléon, et qui fut déposé de son siége épiscopal de Gand, en punition d’avoir commencé trop tôt la révolution catholique des Pays-Bas. C’était encore le fils aîné du maréchal, soldat depuis l’âge de quatorze ans, qui, après avoir embrassé son nouveau-né, s’en alla combattre pour la liberté américaine, avec Lafayette, parce qu’il fallait bien qu’un de Broglie se battît quelque part, laissant en garde à toute cette vaillante famille son seul enfant, et sa femme, une femme digne de vivre au milieu des Broglie, elle qui était fille du grave et modeste maréchal de Rosen, notre second Catinat. C’était enfin le second fils du maréchal, que nous avons vu encore si vif, si ardent sur ses vieux jours, aussi violent, aussi soldat sur les bancs de la chambre des députés, que dans le régiment émigré des cocardes blanches que son père forma sur le Rhin, et pour lequel il abandonna l’église qui ne lui convenait pas mieux qu’à son oncle, le turbulent abbé de Broglie. Voilà au milieu de quels hommes se passa l’enfance de M. le duc de Broglie ; voilà sous quelles influences il naquit ! Le berceau de l’homme le plus pacifique qui soit au monde fut ombragé par des drapeaux conquis, l’esprit le moins accessible aux séductions de la gloire militaire n’eut pour premières instructions que des récits de batailles, et quelles batailles ! celles où avaient figuré son bisaïeul et son grand-père, et son père qui les lui contait. Sa jeunesse se passa au milieu du trouble des guerres et des révolutions ; et à vingt ans, Napoléon lui mit en main une épée qu’il repoussa doucement, en demandant une plume. Le moyen, monsieur, de modifier une organisation aussi fermement arrêtée dès son principe, et d’exercer quelque influence sur un esprit que ni les traditions de famille, ni l’éducation, ni le sang qui l’anime, ni les hommes qui ont pris le plus d’autorité sur leur temps, ni les évènemens qui ont parlé le plus haut, n’ont pu détourner un instant de sa paisible vocation !

« C’est un grand avantage que la qualité, dit quelque part Pascal ; dès dix-huit ans, elle met un homme en passe d’être connu et respecté comme un autre pourrait avoir mérité à cinquante ans ; ce sont trente ans gagnés sans peine. » — M. de Broglie avait reçu en outre une éducation profonde et solide ; ses pensées le portaient à la méditation ; les langues de l’Europe et l’antique langue grecque lui étaient familières ; tous ces avantages de l’esprit et de la science, il ne se souciait pas de les porter dans les camps où il eût été encore trop jeune pour paraître en négociateur, qui était un grade qu’on ne gagnait aussi en ce temps-là qu’à la pointe de son épée. Il entra donc, comme auditeur dans le conseil d’état, et bientôt Napoléon le chargea de différentes missions. On le vit en Illyrie, à Valladolid, à Varsovie, dans l’ambassade de l’abbé de Pradt, qui dut lui rappeler un peu l’abbé de Broglie, son grand-oncle, et enfin à Vienne près de M. de Narbonne, qu’il suivit au congrès de Prague, où l’on essaya vainement de rétablir par les négociations la fortune déjà chancelante de la France, et d’empêcher la coalition de ramener nos armées du Rhin, des Alpes et des Pyrénées, la crosse en l’air, comme disait énergiquement Napoléon. Pour un homme tel qu’était déjà M. de Broglie, ce congrès de Prague était une belle étude. Napoléon avait en Allemagne quatre cent mille hommes et douze cents pièces de canon ; il occupait d’importantes positions, et les places fortes depuis l’embouchure de l’Elbe jusqu’à Mayence ; le sénat-conservateur avait encore deux ou trois générations de conscrits à lui livrer ; à Lutzen et à Bautzen il avait montré que le coup d’œil et l’ardeur qui avaient gagné cent batailles rangées, n’étaient pas éteints, et cependant il négociait, il ne se lassait pas de demander des armistices ; ses plénipotentiaires avaient ordre d’écouter patiemment les réponses hautaines de l’Autriche et ses propositions, et de ne repousser que ce qui était déshonorant. Le chêne pliait, l’aigle abaissait ses ailes, pour laisser passer la tempête. Napoléon écoutait la Russie, il écoutait l’Autriche ; il ne portait pas la main sur la garde de son épée quand M. de Metternich lui dictait pour conditions la dissolution du duché de Varsovie, le rétablissement des villes anséatiques, l’abandon des provinces illyriennes, la nomination au protectorat de la confédération du Rhin ; quand, en un mot, l’Autriche proposait à peu près les traités de 1815. Et pour mieux exposer sa pensée, pour la rendre plus souple, plus liante, pour diminuer tout ce qu’avait en soi d’impérieux, d’altier et d’incommode aux autres, le titre de plénipotentiaire de l’empereur Napoléon, il en avait revêtu le comte de Narbonne, l’homme le plus aimable et le plus séduisant, le plus insinuant, le plus facile à vivre qui fût dans son empire ; courtisan de l’ancien régime, qui avait bravement versé son sang dans les batailles de l’empire ; soldat d’Austerlitz et de Wagram, ambré, poudré et dameret, même au bivouac et dans les neiges de la Russie. C’était là l’homme sous lequel le jeune duc de Broglie allait faire son apprentissage de futur ministre des affaires étrangères.

M. de Broglie n’apprit pas plus de M. de Narbonne à se faire souple et facile, qu’il n’avait appris du maréchal de Broglie à commander des soldats. L’exemple de Napoléon dans les champs de Wagram n’avait pas fait de M. de Broglie un officier ; l’exemple de Napoléon dans les négociations de Dresde et de Prague ne fit pas de lui un diplomate. M. de Broglie garda ses idées natives, cette sorte de rudesse et de raideur, qui est la seule chose qu’il tienne de cette grande race militaire d’où il est descendu, cette pensée inflexible qui est la seule épée qu’il ait jamais tenue en ses mains, mais dont il se sert d’une manière impitoyable. Il revint en France en 1813, sans avoir rien appris du monde et des hommes mais les diverses missions qu’il avait remplies parmi tant de nations différentes, mais aussi sans avoir rien perdu de sa droiture et de sa probité, qui sont ce qu’il y a de plus inébranlable en lui, après ses opinions et ses systèmes.

M. de Broglie monta rapidement au rang qui lui était destiné. En 1814, il devint pair de France, l’un des plus jeunes membres de cette assemblée. Il n’avait pas encore atteint l’âge pour prendre part aux délibérations, et il fut, pendant cette année, auditeur à la chambre des pairs, comme il avait été, sous l’empire, auditeur au conseil d’état. La vie politique de M. le duc de Broglie ne commença donc qu’en 1815, à la mort du maréchal Ney. Dans cette mémorable nuit du 5 décembre, où le malheureux Ney fut condamné, M. de Broglie prit plusieurs fois la parole en sa faveur, et revendiqua le droit de voter, qu’on lui contestait. Seize pairs votèrent pour la déportation, ce furent les comtes de Lally-Tollendal, Curial, de Richebourg, de Malleville, Delaroche, Lanjuinais, Klein, Hervin, de Gouvion, Colaud, Chollet, Chasseloup, Berthollet, le duc de Montmorency et le duc de Broglie.

Dès-lors la place de M. duc de Broglie fut distinctement marquée dans la chambre des pairs ; et cette place, il ne la quitta pas durant toute la restauration. L’homme d’état qui avait voté contre la peine de mort en matière politique, vota contre l’ordonnance du 24 juillet, en demandant une amnistie plus complète, avec cette fine causticité qui a fait la fortune politique de M. de Broglie dans l’opposition, et qui a causé sa ruine chaque fois qu’il s’est trouvé au pouvoir. Puis, il parla tour à tour, et d’année en année, en faveur de la liberté individuelle, contre la saisie préalable des écrits, contre la violation du secret des lettres, contre les lois de censure, contre la détention préventive, contre tout ce que la restauration se crut obligée de faire pour résister à une menaçante opposition, toutes choses qui se firent depuis, parce que la même nécessité amena les mêmes moyens de défense, toutes choses que M. de Broglie fut obligé d’approuver de son silence et souvent de sa signature, quand il se trouva dans le conseil.

Maintes fois, dans ces lettres que je vous écris de loin en loin, monsieur, les hommes se sont présentés sous deux faces, et sous deux faces toujours bien opposées. C’est l’histoire banale d’un grand nombre d’hommes d’état. La jeunesse d’abord, et tous les rêves qui l’accompagnent, de nobles et généreux projets, une indignation pleine de verve, qui soutient et anime le talent, l’amour effréné et pur de la liberté et de toutes les libertés, la haine des abus, une chose publique livrée à l’examen de tous, sans tache, sans arbitraire, sans priviléges, un régime tel que le décrivait Platon ; puis, quand le temps est venu de se mettre à l’œuvre, quand le pouvoir tombe aux mains de ceux qui voulaient le façonner ainsi, l’âge mûr est déjà là, et avec l’âge mûr, l’expérience, la triste expérience des difficultés du gouvernement, la connaissance de la corruption des partis, tout ce qui se révèle à vous quand vous vieillissez dans le maniement des affaires, tout ce qui fait qu’on débute comme l’assemblée constituante, et qu’on finit comme le directoire, ou si les temps sont meilleurs comme le consulat et l’empire, et alors, selon qu’on est Pombal ou Mazarin, Canning ou Villèle, le cœur se brise ou se bronze, ainsi que disait Chamfort ; le ministère devient la critique amère de la vie politique qui l’a précédé, et ceux qui ne prennent part à rien et qui regardent, crient à l’apostasie et à l’abjuration ! Hélas ! il faut bien le dire à ceux qui ne le savent pas encore, et qui croient naïvement qu’ils échapperont à cette loi commune, l’entrée aux affaires d’un homme qui a prêché la liberté et la réforme, est toujours plus ou moins une apostasie. Heureux et dignes de l’être ceux qui n’abandonnent pas leurs principes et qui ne font que les modifier, qui ne cèdent qu’aux nécessités du pouvoir et non aux caprices et aux entraînemens de la force, et qui ne se révoltent pas effrontément contre leur vie passée ! Souffrez donc, monsieur, que je ne tourne pas contre M. de Broglie ses discours à la chambre des pairs pendant les quinze années de la restauration, et que je ne m’en fasse pas une arme contre lui ; car M. de Broglie est un de ces hommes dont je vous parle maintenant, qui pleurent sincèrement leur jeunesse politique, et qui voudraient bien retrouver, au milieu des jours sombres du pouvoir, le soleil éclipsé du printemps. Croyez-moi, n’augmentons pas les douleurs du supplice qu’endure M. de Broglie, depuis que cette ame droite s’est dit qu’elle en demandait trop aux ministres qu’elle combattait autrefois, depuis qu’elle s’est avouée son insuffisance à faire monter avec elle au pouvoir les principes qu’elle avait protégés. Ce serait une cruauté bien inutile que d’ajouter au trouble qui s’est emparé de l’ancien défenseur de Ney, de l’accusateur du ministère qui, en 1810, réprimait les émeutes le sabre à la main, de l’homme juste qui s’est vu contraint de se livrer à son propre blâme d’autrefois, et d’encourir la condamnation qu’il avait prononcée sur d’autres. Quel sort que celui-là pour un homme de doctrines qui formulait déjà dès son enfance la vie entière comme un théorème, et qui résistait à toutes les impressions pour ne pas déranger l’édifice géométrique de sa morale et de sa philosophie ! Nous l’avons vu réduit à venir à la tribune avouer l’insuffisance de ses principes, les rejeter comme de faibles réseaux, et proclamer l’empire absolu de la nécessité comme le dernier terme de la sagesse d’un homme d’état. Voilà donc où ont abouti les longues méditations de M. de Broglie, ses études, ses travaux, ses liaisons avec tous les hommes supérieurs de l’Europe, son commerce assidu avec Bentham et Benjamin Constant, son culte pour Mme de Staël, une vie tout entière de régularité, de méthodisme, et de retraite au milieu du monde le plus dissipé ! Au néant, au fatalisme turc, au déni de la perfectibilité politique, et à la triste condition de n’avoir à répondre que par un rire amer à ceux qui ont conservé leurs espérances d’autrefois. Autant valait vivre comme tous les Broglie, se faire soldat, enfourcher un cheval, batailler, guerroyer, et ne croire en ce monde qu’à la raison du sabre et à la logique du canon !

Encore si, en cédant à la nécessité, M. le duc de Broglie avait franchement reconnu cette divinité qu’il a proclamée du haut de la tribune ; mais M. de Broglie semble avoir séparé le monde politique en deux zones. Ses systèmes restent debout au milieu des nécessités qui les battent ; il a si peu l’habitude d’être en présence des faits, que, dès qu’ils ont cessé de peser sur ses doctrines, elles se relèvent plus inflexibles que jamais, jusqu’à ce qu’elles rencontrent de nouveaux faits qui les terrassent. C’est ainsi que M. le duc de Broglie a traversé trois fois le pouvoir, et qu’il en est sorti trois fois par la même porte, l’obstination. Vous pouvez être assuré, monsieur, que ces trois déroutes successives n’ont pas laissé de traces dans son esprit, et qu’il viendrait se faire battre une quatrième fois sur le même terrain, avec le même sang-froid. C’est un singulier spectacle, difficile à comprendre, et dont M. de Broglie ne se rend peut-être pas bien compte à lui-même, que celui-ci. M. de Broglie a évidemment renoncé à pratiquer les principes qu’il soutenait dans ses discours de la restauration ; ses actes politiques sont là pour l’attester, et en théorie il défend chaleureusement ces principes ; en lui, la raison et l’action se séparent, la tête abandonne le bras, et c’est tout au plus si la nécessité, cette mystérieuse puissance invoquée par M. de Broglie, pourrait justifier ces étranges contradictions.

C’est un plaisir sans mélange que de suivre M. le duc de Broglie dans sa vie politique de la restauration, quand il figurait dans l’opposition de la chambre des pairs. Une raison sèche et mêlée d’ironie, mais éclairée, mais haute, donne un caractère tout particulier à ses paroles, auxquelles des travaux politiques ajoutent une grande valeur. D’ordinaire, c’était par des exemples pris dans les discussions du parlement anglais ou dans la législation américaine qu’il appuyait ses motions. On savait que M. de Broglie avait passé sa vie dans l’étude ; on le voyait à peine dans son salon, tant il était occupé à méditer sur les institutions anciennes et modernes. Sa science ne se communiquait guère, non plus que sa philosophie ; mais de temps en temps, un grand travail spécial, attribué à M. le duc de Broglie, apparaissait dans quelque recueil périodique en France, en Suisse ou en Angleterre ; et comme la connaissance des affaires était justement ce qui manquait dans le parti libéral, qui, dans l’isolement où on le tenait de l’administration, ne subsistait que d’esprit, d’éloquence et de talens dépourvus de faits, il se trouva que M. de Broglie devint l’homme le plus considérable de son parti, quoiqu’il n’en fût ni le plus brillant ni le plus capable. Aux yeux de tous, M. de Broglie était le premier ministre qui devait sortir des rangs de l’opposition libérale ; à lui seul revenait de droit la mission de régulariser le nouvel ordre des choses. C’était le Sieyes de ce temps, Sieyes par son obscurité, par le silence qu’il gardait presque sans cesse, Sieyes par le dédain qu’il avait pour les hommes, mais Sieyes surtout par son inhabilité à les manier.

En 1817, on le vit défendre, à la chambre des pairs, la liberté individuelle, d’un ton qui faisait peu prévoir le système de rigueur et d’intimidation auquel s’est cru forcé d’en venir M. de Broglie, dont le sort est de ne voir jamais se réaliser le bien qu’il avait rêvé. — On répète sans cesse, disait M. de Broglie, qu’il faut soutenir, fortifier le gouvernement ; que le principe des révolutions est dans sa faiblesse. De quelle force et de quelle faiblesse entendent parler ceux qui tiennent ce langage, et que signifie dans leur bouche le mot gouvernement ? Prétendent-ils par ce mot distinguer, entre les citoyens, le petit nombre chargé du maniement des affaires, d’avec le grand nombre qui subit la loi ? Oh ! sans doute, en ce sens, le gouvernement est faible, et il a besoin de secours pour vaincre les résistances. Il ne s’agit que de savoir comment le fortifier… Au siècle où nous vivons et avec la facilité qu’a chaque citoyen d’isoler ses intérêts de ceux de l’état, la soumission ne peut naître que de la confiance. La force du gouvernement est dans la disposition des citoyens à lui obéir. En vain accumulerait-on en sa faveur pouvoirs sur pouvoirs ; combien, dans les funestes comités de la Convention jusque et compris le 20 mars, n’avons-nous pas vu de gouvernemens successifs écrasés sous le poids d’une force gigantesque, assemblage monstrueux de tous les droits qu’ils avaient enlevés à la nation ! En Amérique, la proposition d’une loi semblable, portée en 1805 à la chambre des représentans, y fut unanimement repoussée. Le peu de succès des moyens de rigueur n’engagera-t-il jamais le gouvernement à user de ceux de l’indulgence ? » Quinze ans plus tard, M. de Broglie, ministre, écoutait avec colère de semblables discours prononcés contre lui, l’un des auteurs des lois de septembre, par des membres de l’opposition, qui, dans quinze ans peut-être, auront essuyé à leur tour de semblables reproches. Quid sit futurum cras, fuge quærere ! dit l’homme qui a tout éprouvé et tout prévu, le philosophe Horace.

Plus tard M. de Broglie disait, à propos d’une loi sur la contrainte par corps : « La détention perpétuelle, et même la détention prolongée au-delà d’un terme modéré, est une offense gratuite à l’humanité. » Après l’attentat de Louvel, M. le duc de Broglie s’éleva et vota contre la loi de la presse, que le ministère voulait faire passer à la faveur de ce crime, et il attaqua violemment ceux qui attribuaient à l’influence des journaux le déplorable évènement qui avait consterné la France. « Les principes dangereux sont-ils donc autorisés par la loi, disait M. de Broglie ? Ne prononce-t-elle pas, au contraire, des peines graves contre l’écrivain qui, en les propageant, chercherait à ébranler les bases de la société ? C’est donc à l’inexécution des lois, non à leur impuissance, qu’il faut attribuer le désordre dont on se plaint. » Pensées fort justes qui ont retenti souvent, mais en vain, aux oreilles de M. le duc de Broglie, dans la discussion des lois de septembre.

Dans une autre circonstance, après les émeutes du mois de juin 1820, M. de Broglie disait encore ces paroles-ci : « Je me sens blessé de l’indifférence hautaine avec laquelle le gouvernement a constamment accueilli ces scènes de douleur… Je me plains de n’avoir pas entendu s’échapper un regret, pas une parole sensible, pas un accent de douleur constitutionnelle, à la vue de la capitale en proie aux soldats. » Cette douleur constitutionnelle, M. de Broglie l’a éprouvée sans doute, quand il a vu, non pas seulement la capitale, mais les deux principales villes du royaume, ravagées, ensanglantée, et aux prises avec les soldats, qui marchaient par ordre du cabinet dont il faisait partie ; mais la nécessité le voulait, et elle a réduit au silence la juste douleur de M. de Broglie.

Le célèbre Bentham, qui a renversé tant d’idées admises jusqu’à lui, en économie politique et en législation, avait tout réduit à la doctrine de l’utilité. Selon Bentham, il fallait rayer du code des nations tous les droits naturels et imprescriptibles, attendu, dit-il dans ses Principes de législation, qu’on ne peut raisonner avec des forcenés qui se targuent d’un droit que chacun d’eux entend à sa façon. Dans ce système, Bentham évalue tout selon le gain qui doit en revenir, et d’après lui, quand la somme des gains de toute espèce, que fait une nation, dépasse la somme de ses pertes et de ses dommages, cette nation est bien gouvernée, et à coup sûr la morale est satisfaite. M. de Broglie s’est abstenu, jusqu’à ce jour, de donner la clé de sa philosophie politique, et vous voyez, monsieur, la peine que nous avons à la trouver. Ne serait-il pas le disciple secret de l’auteur des Principes de législation et la nécessité n’a-t-elle pas été tout bonnement empruntée à l’utilité du vieux Jérémie Bentham, devant qui tout disparaît, droits naturels, droits acquis, comme disparaissaient les vœux devant ce dieu romain, qui déliait les sermens. À ce compte, la philosophie de M. de Broglie rentrerait dans les premières idées de l’école doctrinaire ; sa nécessité ou son utilité, prise d’un certain point de vue, serait tout simplement le pape de M. de Maistre, ce qui signifie un pouvoir suprême ou absolu quelconque, homme ou principe, il n’importe, et nous aurions enfin trouvé, entre M. de Broglie et ses amis politiques, l’unité que nous cherchons.

Car l’école doctrinaire a débuté, vous le savez bien, monsieur, par le principe de l’aristocratie et peut-être par le principe du despotisme. En 1814, M. Royer-Collard et M. Guizot en étaient là, du moins. Lisez les premiers écrits de M. Guizot, voyez ses premiers projets de loi, anonymes, il est vrai, et lisez les discours que fit en ce temps-là M. Royer-Collard. Tout cela est identique. Je n’ai rien à dire de M. de Broglie. M. de Broglie était à peine né à la vie politique ; en 1815, il parla pour la libre défense des accusés ; mais c’était un principe philantropique qui pouvait très bien s’allier aux idées d’aristocratie, sinon de pouvoir absolu. D’ailleurs, M. de Broglie avait servi Napoléon ; il avait administré pour un despote l’Illyrie et une province d’Espagne ; et l’exposition de ses principes sur la liberté, exposition bien incomplète, n’eut lieu, pour la première fois, qu’en 1817, à l’époque où le petit noyau de l’école doctrinaire commença à passer du côté de la démocratie. Vinrent ensuite les discours de M. de Broglie, pour la liberté individuelle, pour la liberté de la presse, les pamphlets de M. Guizot et les discours si renommés de M. Royer-Collard, qui le firent élire par sept colléges. L’école doctrinaire apparaît ; mais bientôt M. Royer-Collard, ainsi que M. de Broglie, se taisent, en s’enfermant dans le voile impénétrable de leurs nuages, et M. Guizot reste le seul dieu visible de cette trinité ; bien plus, il se fait homme et daigne se promener au milieu de ses disciples, les enseigner et rompre le pain avec eux. Aussi M. Guizot eut-il seul les avantages de la popularité ; et avec les avantages, les traverses et les infortunes. Il souffrit pour la doctrine, et fut destitué ; mais la morale populaire qu’il avait prêchée fructifia par la persécution, et il sortit du tombeau politique où l’avaient descendu les scribes et les pharisiens de la restauration, pour devenir ministre. Ici commence la troisième phase de l’école, ou plutôt elle revient au point d’où elle était partie.

Dès-lors, M. Royer-Collard se tait absolument et pour cause, son temps de parler n’étant pas encore revenu ; mais M. Guizot parle, M. de Broglie parle aussi, et ils tombent parce que leurs paroles sont trop claires. La Nécessité qui voulait qu’on souffrît la démocratie, et plus tard une incomplète aristocratie bourgeoise, est descendue en langues de feu sur les têtes des apôtres de l’école doctrinaire, et leur a annoncé que le retour de l’aristocratie véritable est proche. C’est là ce qui a fermenté sourdement, ce qui s’est laissé voir, et ce qui a véritablement renversé à deux fois les ministres doctrinaires, d’abord dans la personne de M. de Broglie, et ensuite dans deux personnes en une seule, M. de Broglie et M. Guizot ; c’est là ce qui a fait choir ceux qui avaient résisté à toutes les répugnances, et non pas une question de rentes et une question d’indemnité aux Américains, qui n’étaient en effet que des questions secondaires. Il se peut que M. Guizot et même que M. de Broglie reprennent la direction des affaires, mais, croyez-le bien, ce ne sera pas le jour où la question de la réduction de la rente sera abandonnée, où les idées diplomatiques de M. de Broglie triompheront dans une circonstance quelconque, mais ce sera seulement quand la bourgeoisie aura été vaincue, n’importe où et comment, quand l’aristocratie des titres sera assez forte pour dominer de nouveau, n’importe de quelle manière, et quand un ministère tory sera l’expression des sentimens politiques de la France. En attendant, M. Guizot et ses amis s’efforcent de pousser vers la gauche les ministres, leurs successeurs. Je ne sais s’ils y parviendront ; mais il pourrait bien arriver que le ministère, secondé par leurs propres penchans, les rejetât dans la droite d’où ils sont sortis, et cela sans trop d’efforts. On peut facilement prévoir le temps où s’opérera ce phénomène. Arrivent des élections générales, et vous verrez les doctrinaires et les légitimistes voter ensemble ; chacun des deux partis pourra pratiquer sa foi, sans que ces deux croyances jurent beaucoup de se trouver ensemble. Mais revenons à M. le duc de Broglie.

La révolution de juillet le prit au dépourvu et le surprit comme tout le monde, plus que tout le monde. M. de Broglie, comme je vous l’ai dit, s’était tenu à l’écart. Son opposition se maintenait dans les limites de la chambre des pairs, enceinte bien close alors, fermée à la publicité, et dans l’étroit espace de son salon, lieu d’élite aussi, où ne pénétrait qu’un petit nombre d’hommes éminens et d’idées de choix. Le salon de M. le duc de Broglie avait en ce temps-là une réputation aussi grande que celle de M. de Broglie lui-même. Ce salon, dont Mme la duchesse de Broglie faisait les honneurs avec tant de noblesse et de distinction, était, comme aujourd’hui, une arène politique et religieuse, où s’assemblaient le matin des méthodistes et le soir des doctrinaires, où l’on avisait tour à tour aux moyens de propager l’Évangile parmi les naturels de la Cafrerie et de la Nouvelle-Zélande, chez les Bahanutzies et les idolâtres de Lattakou, et de répandre les idées constitutionnelles anglaises parmi les indigènes de la Beauce et de la Picardie, chez les Tourangeaux et les sauvages de la Basse-Bretagne. Là se distribuait et se confectionnait, selon l’heure et le besoin, la Bible en langue esquimaude et chippeway, ou la Revue Française en langue doctrinaire, que tant de zélés missionnaires qui y travaillaient ne purent jamais propager qu’à un très petit nombre de volumes, quoique M. le duc de Broglie l’enrichît de travaux importans et de traités de législation pleins de science et de profondeur. Mais qu’il y avait loin de ces élégantes spéculations, de ces professorats intimes et de ces prédications sur des coussins de velours, aux allocutions et au tumulte des rues et de la place publique ! De tous les habitués du salon de M. de Broglie, M. Guizot était le seul qui se fût aventuré, avec deux ou trois de ses jeunes amis, à descendre dans les clubs et les associations populaires, et encore les bien-aimés disciples qui l’avaient suivi s’étaient retirés tout à coup, effrayés de ces violentes habitudes oratoires, qui contrastaient si vivement avec les discussions du cercle poli où ils avaient reçu leur baptême politique. M. Guizot lui-même était revenu peu édifié de ce lieu, et en faisait une description qui rappelait un peu l’enfer de Virgile : Loca turbida, tristes sine sole domos. Que fut-ce donc quand il fallut passer du monde déjà peu pacifique des idées dans le monde des faits et des révolutions, quand le jour vint tout à coup d’appliquer ces théories qu’on fabriquait dans un coin du faubourg Saint-Germain à l’usage d’un état politique qu’on ne s’attendait pas à voir si tôt venir ! M. de Broglie hésita, recula ; il aida M. Guizot à rédiger cette protestation qui respectait tous les droits de Charles X, et qu’une plume plus révolutionnaire que la leur changea en un glorieux acte de rébellion. Le soir de la troisième journée, on le vit arriver de nuit, et sous un manteau, chez M. Laffitte, où il refusa d’accepter les pouvoirs de commissaire qu’on lui offrait ; mais le lendemain il fallut bien franchir les derniers scrupules, et M. de Broglie se trouva, un peu malgré lui, avouons-le, appartenir bien réellement à la révolution de juillet. Le 30 juillet, M. de Broglie accepta les fonctions de commissaire provisoire au ministère de l’intérieur et des travaux publics. La lieutenance-générale du royaume avait été déférée au duc d’Orléans.

Je ne suis pas de ceux qui font un crime à M. de Broglie et à M. Guizot d’avoir essayé de sauver la liberté de la France, sans vouloir détruire le gouvernement qui avait tenté de l’étouffer. Des esprits judicieux et réfléchis ne pouvaient renoncer tout à coup à toutes leurs habitudes intellectuelles. Il fallait porter atteinte au principe de la légitimité, et ces deux savans publicistes avaient eu beau méditer sur la révolution de 1688, et sur les effets favorables qu’elle avait eus pour la nation anglaise, il ne leur était pas démontré que le moment était venu, pour la France, d’opérer une semblable révolution. Confians dans l’avenir de leurs théories, ils ne doutaient pas qu’elles triomphassent un jour, et comme ils s’occupaient de l’éducation religieuse et politique du pays, peut-être, sages précepteurs qu’ils étaient, pensaient-ils que leur écolier n’était pas encore assez mûr ni assez instruit pour lui accorder son émancipation. On ne peut les blâmer de ce qui n’était, après tout, qu’un acte de sollicitude. Chacun a droit d’agir selon sa conscience et le sentiment de son devoir. Or, que voulez-vous ? L’élève de Voltaire et l’enfant mutin de la révolution ne s’était pas encore assez amendé au gré de M. de Broglie et de M. Guizot, et ils répugnaient à lui couper ses lisières !

Elles tombèrent cependant, et M. Guizot ainsi que M. de Broglie acceptèrent d’assez bonne grace leur nouvelle situation. Dans une de mes lettres, je vous ai dit bien au long, monsieur, les douleurs de M. Guizot ; ce furent aussi les douleurs de M. de Broglie. Mêmes désappointemens, mêmes retours sur soi, même embarras des hommes, même difficulté à les conduire, et même irritation quand ils résistaient. Vous avez vu quelquefois un cocher inexpérimenté renoncer, faute de savoir les manier, à la puissance des rênes, et recourir au fouet. C’est M. de Broglie, c’est M. Guizot.

Je ne recommencerai pas le récit que je vous ai déjà fait. Le 21 août, M. de Broglie fut nommé ministre de l’instruction publique et des cultes, tandis que M. Guizot avait le département de l’intérieur. M. Molé était ministre des affaires étrangères. Ce fut le ministère de la non-intervention, principe qui fut nettement posé par M. Molé. Dès le commencement de son ministère, M. de Broglie vit déjà quelle différence il y a entre l’homme qui professe des théories politiques au fond de son cabinet, et le ministre qui lutte avec les affaires. M. de Tracy proposa l’abolition de la peine de mort. C’était une louable pensée que celle qui animait M. de Tracy. Les ministres de Charles X, qui avaient été arrêtés, se trouvaient sous une accusation capitale, et ils devaient les premiers éprouver les effets de cette réforme. Mais les ministres de Louis-Philippe pouvaient craindre qu’on ne les accusât de vouloir l’impunité pour les violateurs de la charte, et l’effervescence populaire était loin d’être calmée. M. de Broglie, qui avait professé si haut l’abolition de la peine de mort, dut s’abstenir de prendre part à cette discussion. Ce fut la première épreuve de ce genre ; elle se renouvela depuis, à propos de l’affranchissement des noirs, et de presque toutes les questions philantropiques dont il s’était fait le soutien, pendant le temps de la restauration. Dans ce premier ministère qui se passa en longues querelles sur l’origine, la nature, les résultats et le but de la révolution de juillet, M. de Broglie s’abandonna à l’impulsion que donnait M. Guizot à son parti. Des émeutes avaient eu lieu à l’occasion de la proposition de M. de Tracy pour l’abolition de la peine de mort. Le peuple de Paris voulait la peine de mort, il lui fallait sa guillotine, à ce bon peuple, il lui fallait l’échafaud avec l’espoir d’y voir monter les ministres de Charles X ! Le gouvernement avait résisté à l’émeute, comme c’était son devoir ; mais en même temps, il avait été obligé de déclarer, dans le Moniteur, que l’abolition universelle et immédiate de la peine de mort n’était pas possible, et qu’il avait résolu d’ajourner la proposition. Aujourd’hui que cette proposition serait sans péril, la philantropie de M. le duc de Broglie ne s’est pas encore réveillée de l’engourdissement où l’émeute l’avait plongée.

Le ministère de M. Laffitte se forma. M. Guizot reprit sa place de député, et M. de Broglie rentra dans la chambre des pairs. L’un et l’autre combattirent le ministère de M. Laffitte, et M. Guizot, que sa position sociale moins éminente et aussi son caractère portaient à être moins réservé et plus actif, entama avec M. Odilon Barrot cette lutte mémorable qui ne se termina pas à l’avènement du ministère de M. Périer. M. de Broglie, et M. Guizot surtout, soutinrent ce ministère. C’est alors, c’est dans le cabinet de Casimir Périer où ils aidaient le ministre de leur plume, comme ils l’aidaient de leur parole à la tribune, que se prépara l’alliance de M. Thiers et de M. Guizot. On m’a dit, et je ne sais si le fait est exact, que M. Périer eut souvent à lutter contre M. Guizot, qui ne trouvait pas dans la légalité des armes assez puissantes contre les efforts des partis. Casimir Périer, et je vous ai déjà dit cela aussi, monsieur, Casimir Périer avait un autre principe. Il disait, de ce ton durement railleur qui lui était propre, qu’il fallait être bien maladroit pour ne pas trouver toutes les armes possibles, arbitraires ou non, dans les quarante mille lois qui existent. — Mais M. Guizot n’était pas de cet avis (on l’a vu depuis), non plus que M. de Broglie. Enfin, le 11 octobre 1832, Casimir Périer étant mort, M. le duc de Broglie entra pour la première fois au ministère des affaires étrangères, sous la présidence du maréchal Soult, ayant pour collègues, à l’instruction publique et à l’intérieur, M. Guizot et M. Thiers.

Vous ne voulez pas, monsieur, que je suive ce cabinet dans toutes ses transformations, depuis le 11 octobre 1832 jusqu’à sa fin, advenue le 11 février 1836 ; longue période, pendant laquelle M. le duc de Broglie sortit deux fois du ministère, et la seconde fois pour n’y rentrer sans doute jamais. Ce qu’il faut admirer dans ce ministère, c’est sa durée. Il fallait que la nécessité de se réunir fût bien grande, puisque M. Thiers s’entendit si long-temps avec M. Guizot, puisque deux élémens si contraires ne rompirent pas leurs liens ! En disant que l’un de ces liens principaux fut M. de Broglie, je crois vous faire l’éloge de l’ancien ministre des affaires étrangères. M. Guizot est un homme de résistance, comme est M. Thiers, quoique l’esprit de résistance de celui-ci soit moins âpre et moins violent ; mais, hors de là, rien ne rapprochait, et tout éloignait au contraire ces deux hommes, dont l’intelligence a pris deux routes différentes. Il paraît, au contraire, que M. de Broglie et M. Thiers s’entendaient assez bien, mieux même qu’on ne pourrait le croire. M. de Broglie a toujours passé pour un esprit inabordable et pour un caractère redouté, à cause de ses formes exclusives et de sa décision. Ces défauts de M. de Broglie ont été exagérés, et une certaine opiniâtreté, quelquefois incommode, une distraction habituelle, digne d’être peinte par La Bruyère, ont pu motiver ce jugement. Je sais du moins qu’au 11 octobre, quand il fut question de former un ministère, le roi et tous les ministres désignés s’empressèrent d’offrir le portefeuille des affaires étrangères à M. de Broglie, tandis que tout le monde semblait, au contraire, avoir peur de M. Guizot. Mais M. de Broglie refusa de faire partie d’un cabinet où ne serait pas M. Guizot, et M. Guizot n’entra qu’ainsi au ministère de l’instruction publique, dont les portes lui furent ouvertes par la main fidèle de son ami.

Je veux rectifier encore à vos yeux, monsieur, une autre opinion erronée qu’on a de M. de Broglie. On a toujours supposé que M. Guizot était l’ame du conseil, et que M. de Broglie, tout instruit, tout profond rédacteur de lois et de traités qu’il est, n’était que l’ombre de M. Guizot. Moi-même j’ai long-temps partagé cette erreur, et j’ai cru comme tout le monde, c’est-à-dire comme tout le monde qui ignore le côté véritable des affaires, que tout se passait entre M. Thiers et M. Guizot, lutte et efforts communs, division et rapprochemens, discussions de mesures politiques et de systèmes. Or, il n’en était rien. La vérité est que M. Guizot, à part son système général de résistance et d’intimidation, agissait peu dans le conseil, quand il s’y débattait de grandes mesures politiques, et surtout quand on traitait des affaires extérieures qui sont les plus grosses affaires de ce temps. La raison en est que M. Guizot sait mal ces affaires, que, politiquement parlant, il est peu travailleur, et que, toujours prêt à composer un éclatant discours de tribune, il a peu de temps à donner à un mémoire ou à un rapport de cabinet, qui doivent rester dans l’ombre. En un mot, M. Guizot n’est pas trouveur autour d’une table du conseil ; il n’est pas doué de cette qualité qui distingue si éminemment M. Thiers, et qui l’a rendu indispensable même à M. Guizot. Elle manque même totalement à M. Guizot, tandis que M. de Broglie la possède à un certain degré. Au conseil, quand il prévoyait qu’il serait question des affaires de l’Europe, M. Guizot arrivait tard, il écoutait mal, et n’avait pas d’idée à lui. L’éminence de son esprit et sa supériorité bien constatée l’abandonnaient à ces heures-là. Croirait-on que dans la discussion de l’intervention en Espagne, M. Guizot se prit à dire à plusieurs reprises, et comme pour résumer la discussion : Eh bien ! on peut suivre les deux voies. C’est comme s’il eût proposé d’envoyer une armée entre le Rhin et les Pyrénées. — M. de Broglie, au contraire, est fécond ; il aime les affaires autant que M. Guizot aime le pouvoir, deux choses qui ne sont pas identiquement les mêmes ; il trouve au besoin des idées et des expédiens, mais il ne faut pas que ce besoin soit très pressant, car la faconde de M. le duc de Broglie n’est ni diligente ni rapide, et elle a besoin de délai et de repos. Or, dans un cabinet, quand les évènemens se pressent au dehors, ils ne sont pas de nature à attendre patiemment une décision ; un conseil est une bataille où la rapidité du coup d’œil et de la manœuvre décident de tout, et deux heures, prises sur la marche d’un courrier pour réfléchir, sont souvent aussi fatales que le retard d’un corps d’armée. Cependant, c’est ici le cas de dire le proverbe vulgaire : Mieux vaut tard que jamais. M. de Broglie arrivait tard avec son avis, mais son avis arrivait. Il prenait son temps pour réfléchir sur la question russe, la question espagnole et la question ottomane ; mais ce temps passé, les affaires se controversaient entre M. Thiers, M. de Broglie, et un troisième qui n’est pas sans intelligence des affaires diplomatiques, et elles se décidaient sans prendre les deux voies. On peut voir, dans le cabinet du ministre des affaires étrangères, un vaste fauteuil à la Talleyrand, qui s’y trouve encore, je suppose, à moins que M. Thiers ne l’ait repoussé comme un meuble inutile. Ce fauteuil servait aux méditations de M. de Broglie. Je tiens ce détail d’un des membres les plus spirituels du corps diplomatique. Quand les ambassadeurs étrangers venaient rendre visite au ministre des affaires étrangères, ils le trouvaient au fond de ce fauteuil, la tête dans ses mains, et tellement abîmé dans ses réflexions, qu’il n’entendait ni la voix de l’huissier qui annonçait l’ambassadeur, ni les premières paroles qui lui étaient adressées. Je ne dis pas que M. de Broglie a toujours eu de bonnes inspirations dans son fauteuil ; loin de là, je crois, d’après de bons auteurs, et à en juger d’après ce que nous avons vu, qu’il y a éprouvé de fâcheuses distractions, source de bien des fautes ; mais ces fautes sont de lui, comme ce qu’il a fait de bien, et non pas de M. Guizot. M. Guizot a assez de sa propre responsabilité et de son propre mérite, sans lui attribuer le mérite et les actes de M. de Broglie.

Puisque j’ai commencé à vous parler de la manière dont M. le duc de Broglie recevait les ambassadeurs, continuons. Je ne sais, monsieur, si vous savez ce que c’est qu’un ambassadeur le jour de ses dépêches ? Ce jour-là, il faut que l’ambassadeur écrive à sa cour. S’il est en France, à Paris par conséquent, il écrira de la France et de Paris. Il lui faut ce jour-là, selon l’importance de l’ambassadeur et de la cour, quatre pages ou six pages sur l’esprit public du pays où il réside, sur la marche du gouvernement, sur sa disposition à l’égard des gouvernemens étrangers, etc. Alors l’ambassadeur se met en quête, l’ambassadeur d’un côté, et les secrétaires d’ambassade de l’autre ; l’ambassadeur chez les ministres, et les secrétaires dans les bureaux du ministère. Si l’ambassadeur trouve un ministre des affaires étrangères qui cause, qui discourt, qui parle des affaires (sans dire les secrets du cabinet), qui s’ouvre autant qu’on peut s’ouvrir quand on est ministre, et ministre d’un tel département, la dépêche s’en ressent. On a prêté à ce gouvernement et à ce ministère des projets hostiles qu’ils n’ont pas, dit la dépêche ; les explications du ministre donnent l’assurance que les dispositions sont toujours bonnes ; le ministre a dissipé telle défiance qui s’était élevée d’après un certain bruit, et quand vingt dépêches, écrites sous cette influence, sont expédiées à vingt gouvernemens, bien des difficultés qui naissaient, et qui auraient pu grossir, se trouvent aplanies. Mais il faut que la dépêche parte, il faut qu’elle parte, et qu’elle renferme des faits ; et quand le ministre se tait, et ne fait pas lui-même la dépêche de l’ambassadeur, en s’expliquant dans son cabinet, d’autres la font pour lui, ses ennemis souvent, ses amis quelquefois, ce qui est plus dangereux encore ; car, un jour de dépêches, un ambassadeur prend ses nouvelles où il peut ; c’est un journaliste, et un journaliste qui n’est pas contrôlé par la publicité.

Il en est ainsi dans la discussion des affaires ; elle est facile quand on s’entretient familièrement ; elle est hérissée de difficultés quand on parle comme on parlerait du haut d’une tribune, ou du haut d’un trône, et c’est ce que faisait M. de Broglie. Le duc de Broglie avait un système de fierté pour la France. Ce système consistait à ne jamais dire que ce qui était rigoureusement nécessaire, à écouter silencieusement les objections de la diplomatie, et à remettre, avec gravité, la réponse à quelques jours. Ne blâmons pas le délai, il est bon de réfléchir en ce monde ; mais, le jour venu, M. de Broglie offrait des siéges aux ambassadeurs, et leur tenait un long discours, beau discours, il est vrai, prononcé avec cette convenance parfaite et ce choix de la parole qui distinguent M. de Broglie ; mais c’était un discours, et comme un discours appelle un autre discours, la séance se changeait en un interminable, congrès, au lieu d’une conférence intime. Aussi les affaires ne s’achevaient pas chez M. de Broglie ; et quand elles ne se faisaient pas ailleurs, elles ne se faisaient pas du tout.

Les ambassadeurs, repoussés par ces manières, s’éloignaient du ministre des affaires étrangères ; on ne les voyait plus dans le salon de M. de Broglie, et ils ne se présentaient jamais dans son cabinet que dans le cas de nécessité urgente, ce qui faisait dire à M. de Talleyrand : « Je ne sais comment a fait M. de Broglie, mais il a trouvé moyen de se rendre désagréable tout à la fois à Londres, à Vienne et à Saint-Pétersbourg ; c’est jouer de malheur. » — Cependant l’état de l’Europe voulait des relations plus suivies et plus faciles avec les puissances. L’Angleterre et la Russie se trouvaient placées d’une manière, sinon hostile, du moins peu bienveillante vis-à-vis l’une de l’autre. Lord Ponsomby, esprit remuant, que lord Palmerston avait peine à retenir, causait de fréquentes inquiétudes à Constantinople. D’ailleurs, lord Palmerston lui-même était forcé de se montrer hautement opposé à la Russie dans le parlement, où le parti tory, qui avait pris les devans, l’eût accusé de manquer à la politique nationale de l’Angleterre. De son côté, M. de Metternich, quoique toujours épris du statu quo, et fidèle à la vieille politique de l’Autriche, qui penche vers l’Angleterre, était en termes plus que froids avec lord Palmerston, dont le caractère n’était pas tout-à-fait sans analogie avec celui de M. de Broglie. M. de Talleyrand lui-même était brouillé avec lord Palmerston, et, dans cet état de choses, la France avait à la fois à perdre ou à gagner, selon la direction plus ou moins habile, plus ou moins souple et liante de sa politique extérieure. Le maintien de la paix dépendait surtout de la conduite qu’on tiendrait avec la Russie. Les hommes bien informés savaient que la Russie n’avait pas le dessein de s’emparer de Constantinople et de la mer Noire ; ils n’ignoraient pas qu’un parti sage s’est formé depuis quelques années en Russie, parti qui prend tous les jours plus d’influence dans le cabinet de l’empereur, et qui semble avoir adopté pour maxime les belles paroles qu’un savant diplomate, feu d’Hauterive, voulait qu’on inscrivît sur l’arc de triomphe de Cherson, où les flatteurs avaient gravé ces mots : Chemin de Constantinople. L’inscription de M. d’Hauterive était celle-ci : « Les forces de cet empire ne serviront plus désormais à l’agrandir, mais à le gouverner. » — Voilà ce que disait, dans un admirable rapport au premier consul, dans son livre intitulé : État de la France à la fin de l’an viii, un homme sage et expérimenté, dont la voix semble retentir aujourd’hui au bout du monde, trente-six ans après s’être fait entendre inutilement. Et, en effet, jamais les forces et les ressources de l’empire russe n’ont plus été tournées vers l’amélioration. Les hommes capables sont envoyés sur tous les points du globe pour étudier l’administration, les arts, les sciences, et s’instruire de tous les perfectionnemens de l’industrie, de tous les procédés agricoles que permettent d’employer les cent climats de la Russie. En Suède, des agens russes étudient la culture des grains, en Angleterre, les assolemens, les chemins de fer ; en France et en Piémont ils apprennent à cultiver la soie, et chaque jour de nouveaux procédés s’introduisent dans les provinces russes. La connaissance de ces dispositions de la Russie pouvait servir à calmer l’Angleterre, où les hommes d’état savent aussi bien que nous que la Russie n’interviendra à Constantinople qu’autant que des troubles éclateraient en Orient ; mais, pour parler avec avantage, il fallait s’entendre avec la Russie en même temps qu’avec la Prusse et avec l’Autriche, mettre du liant et du tact dans les rapports, et, sans abandonner notre précieuse alliance avec l’Angleterre, calmer les défiances que causait la crainte d’une collision entre les cabinets de Londres et de Saint-Pétersbourg. Or, faire tant de choses, s’entendre avec tant de monde à la fois, c’est ce que M. de Broglie était incapable de faire.

Il ne fallait donc pas que l’alliance anglaise, qui devait être notre base fondamentale, nous isolât des autres nations. Le véritable système français devait être de marcher, dans toutes les questions, en ligne avec l’Angleterre, de lui rendre service pour service, et non de s’exposer à tous les ressentimens pour des questions tout anglaises, tandis que l’Angleterre ferait retraite quand il y aurait lieu à défendre les intérêts de la France. Il était temps de dire à l’Angleterre : « Ne faites rien contre nos intérêts, et ne nous demandez pas de soutenir exclusivement les vôtres, si vous voulez que notre alliance soit durable et sincère. » En même temps qu’on tenait ce langage, il fallait décider le cabinet anglais à se joindre à la France pour signifier la paix au vice-roi d’Égypte et au sultan, et pour les contraindre, par des forces combinées, à la maintenir. Or, tout ceci ne pouvait se faire qu’en se présentant à l’Angleterre entouré des meilleures relations et en mesure de lui garantir sur tout le continent la paix qu’on exigeait d’elle pour l’Orient. C’était encore ce que M. de Broglie était incapable de faire.

Tout semblait se concerter pour ce rapprochement. Après l’attentat de Fieschi presque tous les souverains de l’Europe avaient écrit au roi des lettres autographes dans lesquelles perçait un désir marqué d’établir des relations solides. Les diplomates étrangers, ralliés autour de M. de Talleyrand, le pressaient de travailler à l’établissement complet de la bonne harmonie entre les puissances européennes et la France, mais le caractère personnel et la hauteur de M. de Broglie les éloignaient : c’était comme un effort pour eux que de franchir la porte du cabinet d’un ministre qu’ils trouvaient toujours monté sur un ton si froid et si oratoire. – « Les souverains nous avaient gâtés, me disait un jour, à ce sujet, un des plus anciens et des plus spirituels ambassadeurs ; figurez-vous la contrainte que nous éprouvions en nous trouvant assis devant M. de Broglie, nous qui avions été accoutumés, dans les congrès, à faire les affaires en parcourant gaiement la diagonale d’un cabinet avec Nesselrode, Metternich et l’empereur Alexandre, et en parlant de tout à propos de diplomatie. »

Ce n’est pas que le bon vouloir manquât tout-à-fait à M. de Broglie, mais comme disait le même diplomate qui l’avait bien observé, il a beau tenter de nous embrasser dans ses momens d’expansion, il ne pourrait le faire, car les mains lui manquent, il est manchot. Et puisque j’ai signalé la supériorité de M. de Broglie sur M. Guizot dans le conseil, je dois dire aussi que M. Guizot s’entend au contraire, malgré son ton dogmatique, à s’emparer des hommes par un ton parfait de cordialité, par la flatterie, et surtout par une absence complète d’humeur. Il faut avoir vu M. Guizot dans les couloirs de la chambre, allant de l’un à l’autre, se montrant simple, naturel et bienveillant, pour se faire une idée de la sociabilité et de toute la douceur qu’il peut avoir quand il ne parle pas à la tribune.

La diplomatie étrangère en était là de ses observations sur M. de Broglie, quand la question des rentes, et la singulière apostrophe : Est-ce clair ? que M. de Broglie adressa à la chambre, amenant la seconde retraite de M. de Broglie, donnèrent l’espoir d’un favorable renouvellement des relations diplomatiques entre les puissances de l’Europe. C’est une belle tâche que M. Thiers se trouve avoir, et il a dû sentir quelque émotion en se voyant appelé à la remplir ; mais quelque vaste que soit ce projet d’union, il l’exécutera plus facilement que la conciliation des partis, qui est aussi le rêve de M. Thiers, et dont il commence sans doute à revenir un peu.

Il faut rendre encore ici justice à l’élévation du caractère de M. de Broglie. On ne l’a pas vu s’animer et prendre part à cette querelle mesquine où M. Guizot joue, devant la chambre, le singulier rôle de pacificateur, tandis que le soir et le matin, ses amis, réunis autour de lui, préparent de nouveaux élémens de discorde. M. de Broglie assiste en sage et en philosophe à ces tristes débats ; et depuis sa sortie du ministère, toutes ses démarches ont été marquées d’une noblesse qui n’est qu’à lui. Ainsi, quand, dans l’interrègne ministériel, M. Guizot s’agita pour obtenir la présidence de la chambre des députés, à l’insu de M. Thiers, qui avait eu, mais ouvertement, la même pensée, M. de Broglie ne soutint pas M. Guizot. Plus tard, lorsque la séparation des membres de l’ancien cabinet devint indispensable, ce fut M. de Broglie qui contribua à faire cesser les hésitations de M. Thiers, qui reculait devant la présidence ; et la manière dont M. de Broglie a soutenu le nouveau ministère dans la discussion de la loi des chemins vicinaux prouve assez qu’il ne lui tendait pas un piége. Cette petite scène ministérielle, où M. se Broglie invita M. Thiers à le remplacer, mérite d’être contée. Las d’être si long-temps sans ministres, le roi convoqua aux Tuileries tout son ancien cabinet ; là, il dit aux membres du conseil qu’une situation aussi équivoque ne pouvait durer plus long-temps, et il leur demanda s’ils se sentaient le courage de se présenter en masse devant la chambre, malgré le vote en faveur de la réduction. L’hésitation fut grande ; mais le roi la termina en disant aux ministres qu’ils n’avaient qu’une alternative : se présenter à la chambre et reprendre leurs places comme si rien ne s’était passé, ou se séparer, et autoriser M. Thiers à former un cabinet dont il aurait la présidence. — Le premier mot d’assentiment vint de M. de Broglie, et, certes, ce fut le plus sincère, le seul sincère, devrais-je ajouter.

Ce qui a manqué à M. de Broglie dans cette longue carrière politique qu’il a suivie, et que nous venons de parcourir rapidement, ce n’est ni l’autorité du caractère, ni le courage, ni l’instruction, ni l’esprit, car il a un esprit profond et original, c’est un peu de tact et d’abandon. M. de Broglie a été homme d’état de trop bonne heure ; il s’était fait un monde politique, il l’avait trouvé dans les livres, avant que d’entrer dans le monde réel, et quand les faits vinrent déranger ses théories, il détourna les yeux pour ne pas les voir, et ses théories restèrent ce qu’elles étaient. Pendant que le monde s’agitait et se remuait autour de M. de Broglie, lui, il restait immobile, attendant patiemment, mais vainement, l’heure de ramener le monde à lui ; car le monde, vous le savez, ne revient sur ses pas pour personne. L’exemple de M. de Broglie prouve que la science, l’étude, l’esprit et les plus nobles qualités, ne suffisent pas dans les affaires, et que la connaissance des hommes, et une certaine communauté avec leurs penchans, sont des nécessités pour un homme d’état. Hors d’un ministère, M. de Broglie n’aura pas moins une grande autorité, et une autorité d’autant plus méritée qu’on ne le voit pas s’agiter avec aigreur pour ressaisir le pouvoir qui lui a échappé. Il faut convenir qu’il y a quelque grandeur à se placer ainsi au-dessus des faiblesses politiques, et à n’adopter d’un parti que ses principes sans épouser ses petites passions.


(West-End-Review.)