Lotus de la bonne loi/Chapitre 20

La bibliothèque libre.
Lotus de la bonne loi
Version du soûtra du Lotus traduite directement à partir de l’original indien en sanscrit.
Traduction par Eugène Burnouf.
Librairie orientale et américaine (p. 233-237).
◄  XIX
XXI  ►


CHAPITRE XX.

EFFET DE LA PUISSANCE SURNATURELLE DU TATHÂGATA.

Ensuite les centaines de mille de myriades de kôṭis de Bôdhisattvas, en nombre égal à celui des atomes contenus dans mille univers, qui étaient sortis des ouvertures de la terre, réunissant tous leurs mains en signe de respect devant Bhagavat, lui parlèrent ainsi ; Nous expliquerons, ô Bhagavat, cette exposition de la loi, lorsque le Tathâgata sera entré dans le Nirvâṇa complet, nous l’expliquerons dans toutes les terres de Buddha habitées par Bhagavat, autant qu’il en existe, et autant de fois que Bhagavat entrera dans le Nirvâṇa complet.f. 204 a. Nous désirons posséder, réciter, enseigner, expliquer, écrire une exposition de la loi comme celle-là.

Ensuite les nombreuses centaines de mille de myriades de kôṭis de Bôdhisattvas ayant Mañdjuçrî pour chef, qui habitent dans cet univers Saha, les Religieux et les fidèles des deux sexes, les Dêvas, les Nâgas, les Yakchas, les Gandharvas, les Asuras, les Garudas, les Kinnaras, les Mahôragas, les hommes et les êtres n’appartenant pas à l’espèce humaine, ainsi qu’une multitude de Bôdhisattvas aussi nombreux que les sables du Gange, parlèrent ainsi à Bhagavat : Et nous aussi, ô Bhagavat, nous expliquerons cette exposition de la loi, quand le Tathâgata sera entré dans le Nirvâṇa complet. Du haut des airs où nous serons suspendus avec un corps invisible, nous ferons entendre notre voix, et nous ferons croître les racines de la vertu dans les êtres chez qui elles ne seront pas encore développées.

Alors Bhagavat s’adressa ainsi au Bôdhisattva Mahâsattva Viçichtatchâritra, suivi d’une troupe, d’une grande troupe, précepteur d’une troupe, lequel se trouvait à la tête de ces premiers Bôdhisattvas Mahâsattvas suivis chacun d’une troupe : Bien, bien, ô Viçichtatchâritra, c’est comme cela que vous devez agir ; vous avez été mûris par le Tathâgata pour l’intelligence de cette exposition.

f. 204 b.Ensuite le bienheureux Çâkyamuni et le bienheureux Tathâgata Prabhûtaratna qui était entré dans le Nirvâṇa complet, tous deux assis sur un trône au milieu du Stûpa, se mirent à sourire ensemble. Leur langue sortit de l’ouverture de leur bouche et atteignit jusqu’au monde de Brahmâ. Il s’en échappa en même temps plusieurs centaines de mille de myriades de kôṭis de rayons. De chacun de ces rayons s’élancèrent plusieurs centaines de mille de myriades de kôṭis de Bôdhisattvas, dont le corps était de couleur d’or, qui étaient doués des trente-deux signes caractéristiques d’un grand homme, et qui se trouvaient assis sur un trône formé du centre d’un lotus. Et tous ces Bôdhisattvas, qui s’étaient rendus dans ces centaines de mille de myriades d’univers, situés aux points principaux et intermédiaires de l’espace, restèrent suspendus au milieu des airs dans les divers points de l’horizon et enseignèrent la loi. Tout de même que le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni, vénérable, opéra ce prodige, effet de sa puissance surnaturelle, au moyen de sa langue, de même aussi le Tathâgata Prabhûtaratna, vénérable, de même tous les Tathâgatas, vénérables, qui, venus de cent mille myriades de kôṭis d’autres univers, étaient assis, chacun sur un trône au pied d’arbres de diamant, opérèrent ce même prodige, effet de leur puissance surnaturelle.

f. 205 a.Alors le bienheureux Çâkyamuni, le Tathâgata Prabhûtaratna et tous ces Tathâgatas, vénérables, opérèrent cet effet de leur puissance surnaturelle pendant cent mille années complètes. Ensuite, à la fin de ces cent mille années, ces Tathâgatas, vénérables, ayant ramené à eux leur langue, firent entendre dans le même temps, au même instant, dans le même moment, le bruit qu’on produit en chassant avec force la voix de la gorge, et celui qui s’entend quand on fait craquer ses doigts. Par ce grand bruit, les centaines de mille de myriades de terres de Buddha qui se trouvaient dans les dix points de l’espace, furent toutes ébranlées, remuées, agitées, secouées ; toutes tremblèrent et s’émurent ; et tous les êtres, quels qu’ils fussent, qui existaient dans ces terres de Buddha, Dêvas, Nâgas, Yakchas, Gandharvas, Asuras, Garudas, Kinnaras, Mahôragas, hommes et créatures n’appartenant pas à l’espèce humaine, tous du lieu où ils se trouvaient, virent, grâce à la puissance du Buddha, cet univers Saha. Ils virent les centaines de mille de myriades de kôṭis de Tathâgatas, assis chacun sur un trône auprès d’arbres de diamant, le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni, vénérable, assis sur un trône, et le Tathâgata Prabhûtaratna, vénérable, qui était entré dans le Nirvâṇa complet, assis sur un trône, au milieu du grand Stûpa fait de substances précieuses,f. 205 b. avec le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni ; enfin ils virent les quatre assemblées réunies. À cette vue, ils furent frappés de surprise, d’étonnement et de satisfaction. Et ils entendirent une voix venant du ciel qui disait : Par delà des centaines de mille de myriades de kôṭis d’univers, en nombre immense et infini, est un monde nommé Saha : là le Tathâgata Çâkyamuni, vénérable, explique aux Bôdhisattvas Mahâsattvas le Sûtra nommé le Lotus de la bonne loi, ce Sûtra où est expliquée la loi [etc., comme ci-dessus, f. 4 a]. Témoignez avec un zèle ardent votre satisfaction de ce Sûtra, et rendez hommage au bienheureux Tathâgata Çâkyamuni, vénérable, et au bienheureux Tathâgata Prabhûtaratna, vénérable.

Alors tous ces êtres, après avoir entendu cette voix qui venait du ciel, prononcèrent, de l’endroit où ils se trouvaient et tenant les mains jointes en signe de respect, les paroles suivantes : Adoration au bienheureux Tathâgata Çâkyamuni, vénérable, complètement et parfaitement Buddha ! Ensuite ils couvrirent la partie de l’espace qu’occupe l’univers Saha, de fleurs, d’encens, de parfums, de guirlandes, de substances onctueuses, de poudres odorantes, de vêtements, de parasols, de drapeaux, d’étendards, de bannières, ainsi que d’ornements,f. 206 a. de parures, de vêtements, de colliers, de chapelets, de joyaux et de pierres précieuses de toute espèce, dans le but de rendre hommage au bienheureux Çâkyamuni et au Tathâgata Prabhûtaratna, ainsi qu’à cette exposition de la loi du Lotus de la bonne loi. Ces fleurs, ces encens, [etc., comme ci-dessus, f. 205 b] ne furent pas plutôt répandues, qu’elles se dirigèrent du côté de l’univers Saha. Là ces masses de fleurs, formèrent un grand dais de fleurs suspendu au milieu des airs au-dessus des Tathâgatas qui étaient assis, tant dans l’univers Saha, que dans les cent mille myriades de kôṭis d’autres univers réunis tous sous son ombre.

Ensuite Bhagavat s’adressa ainsi aux Bôdhisattvas Mahâsattvas qui avaient pour chef Viçichtatchârin : Ils ont un pouvoir qui dépasse l’imagination, ô fils de famille, les Tathâgatas, vénérables, parfaitement et complètement Buddhas. Quand, dans le dessein de communiquer cette exposition de la loi, je passerais, ô fils de famille, plusieurs centaines de mille de myriades de kôṭis de Kalpas à exposer les nombreuses énumérations des avantages qu’elle possède, en me servant des diverses introductions à la loi, je ne pourrais atteindre le terme des mérites de cette exposition de la loi. Toutes les lois des Buddhas, leur supériorité,f. 206 b. leurs mystères, leur état si profond, tout cela se trouve enseigné par moi en abrégé dans cette exposition de la loi. C’est pourquoi, ô fils de famille, quand le Tathâgata sera entré dans le Nirvâṇa complet, il faudra, après l’avoir vénérée, la posséder, l’enseigner, la réciter, l’expliquer, l’honorer. Et dans quelque lieu de la terre, ô fils de famille, que cette exposition de la loi vienne à être récitée, expliquée, enseignée, écrite, méditée, prêchée, lue, réduite en un volume, que ce soit dans un ermitage, ou dans un Vihâra, ou dans une maison, ou dans un bois, ou auprès d’un arbre, ou dans une ville, ou dans un palais, ou dans un édifice, ou dans une caverne, il faudra, dans cet endroit même, dresser un monument à l’intention du Tathâgata. Pourquoi cela ? C’est que cet endroit doit être regardé comme [le lieu où] tous les Tathâgatas [ont acquis] l’essence même de l’état de Bôdhi ; c’est qu’il faut reconnaître qu’en cet endroit, tous les Tathâgatas, vénérables, sont parvenus à l’état suprême de Buddha parfaitement accompli ; qu’en cet endroit, tous les Tathâgatas ont fait tourner la roue de la loi ; qu’en cet endroit, tous les Tathâgatas sont entrés dans le Nirvâṇa complet.

Ensuite Bhagavat prononça dans cette occasion les stances suivantes :

1. C’est une condition qui échappe à l’intelligence, une condition utile au monde, que celle des êtres établis dans la sciencef. 207 a. des connaissances surnaturelles, qui, doués d’une vue infinie, manifestent ici-bas leur puissance magique pour réjouir toutes les créatures.

2. L’organe de la langue [de ces Buddhas] qui atteignit jusqu’au monde de Brahmâ, en lançant des milliers de rayons, fit voir un prodige, effet d’une puissance surnaturelle, lequel apparut pour ceux qui sont arrivés à l’état suprême de Bôdhi.

3. Les Buddhas chassèrent avec force la voix de leur gosier et firent entendre une fois le bruit que produit le craquement des doigts ; ils attirèrent l’attention de ce monde tout entier, de ces univers situés dans les dix points de l’espace.

4. Pleins de bonté et de compassion, ils manifestent leurs qualités, ainsi que ces miracles et d’autres semblables, pour que ces êtres, remplis de joie, possèdent ce Sûtra, lorsque le Sugata sera entré dans le Nirvâṇa complet. 5. Quand même je passerais plusieurs milliers de kôṭis de Kalpas à chanter les louanges des fils de Sugata qui posséderont cet éminent Sûtra, lorsque le Guide du monde sera entré dans le Nirvâṇa complet,

6. Je ne pourrais atteindre le terme de leurs qualités, qui sont infinies comme celles de l’éther dans les dix points de l’espace ; car elles échappent à l’intelligence les qualités de ceux qui possèdent toujours ce beau Sûtra.

7. Ils me voient, ainsi que tous ces Guides [des hommes] et ce Guide du monde qui est entré dans le Nirvâṇa complet ; ils voient tous ces Bôdhisattvas si nombreux, ainsi que les quatre assemblées.

8. Un tel fils de Sugata me comble maintenant ici de satisfaction ; il réjouit et tous ces Guides [du monde], et cet Indra des Djinas qui est entré dans le Nirvâṇa, ainsi que les autres Buddhas établis dans les dix points de l’espace.

f. 207 b.9. Les Buddhas des dix points de l’espace, tant passés que futurs, ont été et seront vus et adorés par celui qui possède ce Sûtra.

10. Il connaît le mystère des Meilleurs des hommes, il arrive bien vite à méditer comme eux sur ce qui a fait l’objet de leurs méditations dans l’intime essence de l’état de Bôdhi, celui qui possède ce Sûtra, qui est la loi véritable.

11. Sa puissance est sans limites ; semblable à celle du vent, elle ne rencontre d’obstacles nulle part ; il connaît la loi, il en connaît le sens et les explications, celui qui possède cet éminent Sûtra.

12. Il connaît toujours la liaison des Sûtras qu’ont exposés les Guides [du monde] après y avoir réfléchi ; lorsque le Guide [des hommes] est entré dans le Nirvâṇa complet, ce sage connaît le vrai sens des Sûtras.

13. Il brille semblable à la lune et au soleil ; il resplendit de la lumière et de l’éclat qu’il répand autour de lui ; parcourant la terre dans tous les sens, il forme un grand nombre de Bôdhisattvas.

14. Aussi les sages Bôdhisattvas qui, après avoir entendu une énumération des avantages de ce Sûtra, semblable à celle que je viens de faire, le posséderont au temps où je serai entré dans le Nirvâṇa, parviendront-ils, sans aucun doute, à l’état de Buddha.