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Louÿs – Poésies/Astarté 3

La bibliothèque libre.
Slatkine reprints (p. 73-75).

I
La lune n’a pas pris réellement la forme de leur visage ; il n’est pas vrai qu’une couple de lotus soit devenue leurs deux yeux, ni que leur corps élancé ait été fait avec de l’or ; mais les gens simples ont été induits en erreur par les poètes, et tout en sachant bien que le corps des belles aux yeux de gazelle est fait de peau, de chair et d’os, ils lui rendent un culte mystérieux.
                                             bhartrihari st. 77.


ASTARTÉ


À André Gide.


Elle siège, croisant d’une immobile étreinte
Un bras nu sur les seins verts spirales d’or fin
Et cambre au bord du thrône où rêve le dauphin
Sa peau de lune froide et d’air nocturne peinte.

D’un long ruban d’iris sa chevelure est ceinte
Où dort le croissant clair sur le disque divin.
Ses yeux purs abaissés réverbèrent sans fin
L’incolore nombril comme une étoile éteinte.

Elle tient dans ses doigts extatiques et bleus
Au pli vierge du sexe un lotus fabuleux —
Et deux tiges de lys qui sortent des aisselles

Glissent le long du corps leur geste divergent
Toucher dans le reflet des nuits universelles
Le marbre où sont fléchis ses pieds ornés d’argent.