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Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Mémoire sur l’expression du terme général des séries récurrentes, lorsque l’équation génératrice a des racines égales

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MÉMOIRE
SUR
L’EXPRESSION DU TERME GÉNÉRAL
DES SÉRIES RÉCURRENTES,
LORSQUE L’ÉQUATION GÉNÉRATRICE A DES RACINES ÉGALES[1].


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, année 1792 et 1793.)


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J’ai donné, dans les Mémoires de 1775[2], une méthode et des formules très-simples pour avoir le terme général d’une suite récurrente, dont on connaît les premiers termes. Mais ces formules ont, comme toutes celles qui sont des fonctions des différentes racines d’une même équation, l’inconvénient de ne pouvoir servir que lorsque toutes les racines sont inégales. Le cas de l’égalité de deux ou plusieurs racines demande des réductions et des transformations fondées sur ce principe du Calcul différentiel que des quantités égales peuvent être supposées différer entre elles de quantités infiniment petites ; mais l’application de ce principe aux formules dont il s’agit exige des attentions particulières, et donne lieu à des résultats nouveaux et remarquables pour leur simplicité c’est ce qui m’a engagé à en faire la matière de ce Mémoire.

1. Je commencerai par rappeler les principales formules de l’endroit cité.

Soit la série

dans laquelle on ait constamment cette équation, entre termes consécutifs,

(A)

étant des coefficients constants quelconques. L’expression du terme général sera de cette forme

les quantités étant les différentes racines de l’équation

(B)

que j’appelle équation génératrice, et les coefficients étant de cette forme

et ainsi de suite.

Je remarque d’abord qu’on peut donner à ces expressions une forme plus simple et plus commode pour le calcul, en observant que, si dans le produit

on change après le développement les puissances

en

on aura le numérateur de l’expression de que de même on aura celui de l’expression de en faisant le même changement dans le produit

et ainsi des autres. De sorte qu’avec cette condition on pourra supposer d’abord

2. Cela posé, soit les deux premiers termes de l’expression de deviendront infinis.

Faisons, pour abréger,

on aura

et les deux termes

deviendront

Faisons maintenant

étant une quantité infiniment petite, on aura

Substituant ces valeurs dans les deux termes dont il s’agit, effaçant ce qui se détruit et faisant ensuite on aura pour résultat

C’est la valeur des deux premiers termes de l’expression de Et le troisième terme de la même expression deviendra alors, à cause de

La valeur des autres ne sera sujette à aucune difficulté.

Si outre on avait encore ce qui est le cas de trois racines égales, alors deviendrait infini, ainsi que la valeur du troisième terme ; les trois premiers termes seraient donc infinis, et il faudrait faire de nouveau

Soit

on aura

et, différentiant suivant

Donc, faisant

on aura

De plus

deviendra

et

deviendra

Enfin le troisième terme étant représenté par

deviendra, en mettant pour

savoir

Faisant toutes ces substitutions, effaçant ce qui se détruit et faisant ensuite on trouvera pour la valeur des trois premiers termes de la quantité

Si l’on avait encore en sorte que les quatre racines fussent égales entre elles, on trouverait, en suivant la même marche, que les quatre premiers termes de l’expression de savoir

dont chacun serait infini, pris ensemble se réduiraient à la quantité suivante

en faisant

et ainsi de suite, la loi de la progression étant visible d’elle-même.

Pour pouvoir employer ces expressions, il faudra développer les différents produits

et ainsi de suite en puissances, de et changer ensuite dans ces puissances les exposants en indices, c’est-à-dire changer

en

en conservant les coefficients de ces puissances.

3. La difficulté qui résulte des racines égales est donc résolue d’une manière générale ; mais les expressions qu’on vient de trouver étant données en fonction de toutes les racines on peut désirer de les avoir en fonction de la seule racine ce qui donnera même à nos formules plus de simplicité.

Pour cela, nous remarquerons que, puisque sont les racines de l’équation (B), on aura

En faisant on aura

retranchant cette quantité du premier membre de l’équation précédente et divisant ensuite par on aura

en faisant, comme dans le no 2 du Mémoire cité,

Faisons dans l’équation précédente on aura

retranchant cette quantité du premier membre de la même équation et divisant le tout par on aura

en faisant

Pareillement on trouvera

en faisant

et ainsi de suite.

4. 1o Soit maintenant on aura

Faisant dans et substituant les valeurs de en on trouve

Donc

2o Soit on aura d’abord

Faisant dans et substituant les valeurs ci-dessus de on trouve

De sorte qu’on aura

et ainsi de suite.

Faisons ces substitutions dans les formules trouvées plus haut pour le cas des racines égales, et changeons, comme nous l’avons prescrit, les puissances en on trouvera ces résultats fort simples :

1o Dans le cas où la quantité

pour la valeur des deux termes

2o Dans le cas de la quantité

pour la valeur des trois termes

et ainsi de suite.

5. En considérant ces résultats, il est clair qu’on eût pu les trouver plus simplement, en substituant dans l’expression du coefficient à la place de

sa valeur

et considérant cette quantité comme une fonction de car, en la désignant par on eût eu, de même, pour le coefficient la quantité

de sorte que l’on eût eu pour les deux termes l’expression

laquelle eût donné sur-le-champ, en faisant

On eût trouvé de la même manière, pour le cas de trois racines égales, en faisant

que les trois premiers termes

auraient donné

ce qui, en faisant se réduit à

C’est aussi de cette manière que je m’y étais pris d’abord pour résoudre le cas des racines égales ; mais, quoiqu’elle conduise à des résultats exacts, il me semble qu’on ne peut pas l’adopter sans précaution ; car il est remarquable que la quantité qu’on y prend pour une simple fonction de contient toutes les autres racines sans que, de même, celle qu’on y prendrait pour une fonction de contiendrait les autres racines sans et ainsi de suite ; ce qui doit au moins laisser quelque doute sur la bonté de cette méthode ; mais d’après celle que nous avons suivie, il n’en doit rester aucun sur l’exactitude de nos résultats.

6. Mais ces résultats n’ont pas encore toute la simplicité dont ils sont susceptibles ; car les quantités que nous avons désignées par dépendent à la fois des différentes racines et il faut les réduire à n’être que des fonctions de la seule racine

Pour cela je fais, comme dans le no 2 du Mémoire déjà cité,

je change pour un moment en j’aurai

pour l’équation (A) du no 1 ci-dessus, dont les racines sont De sorte que, par la nature des équations, j’aurai

équation identique.

Donc : 1o En différentiant et faisant ensuite on aura

2o Si on a

Soit

on aura

donc, différentiant et faisant ensuite on aura

et ainsi de suite. D’où l’on tire

3o Si on a

Soit

on aura

Différentiant et faisant ensuite on aura

d’où l’on tire

et ainsi de suite.

On aura donc par ces substitutions, en supposant qu’on ait mis à la place de dans

et ainsi de suite (2). Donc enfin, substituant ces valeurs dans les formules du no 3, on trouvera :

1o Que, lorsque les deux termes

de l’expression du terme général se réduiront à cette expressiom

en faisant

2o Que, lorsque les trois termes

se réduiront à

en faisant

3o Que, lorsque les quatre termes

se réduiront à

en faisant

et ainsi de suite.

7. Ces formules sont un peu différentes de celles que j’avais données sans démonstration dans le Mémoire cité pour le cas de l’égalité des racines.

Je m’étais aperçu de leur inexactitude après l’impression du Mémoire ; mais entraîné par d’autres objets, j’avais toujours différé à revenir sur celui-ci que je regardais comme moins important ; et j’ai été prévenu à cet égard par un Membre de la Société Italienne, Jean François Malfatti, qui a donné sur ce sujet un savant Mémoire dans le tome III du Recueil de cette Société. Comme l’analyse de cet Auteur est fort longue et conduit à des résultats un peu compliqués, j’ai cru devoir chercher à résoudre cette question d’une manière plus directe et plus conforme à la simplicité de la méthode générale exposée dans mon Mémoire de 1775 ; c’est ce qui a occasionné les recherches précédentes ; mais, quoique les formules auxquelles je suis parvenu ne paraissent rien laisser à désirer pour la simplicité et la généralité, néanmoins, comme ces formules sont différentes pour les différents cas de l’égalité de deux racines, de trois, de quatre, on pourrait désirer encore une formule qui renfermât tous ces cas ; et voici celle que j’ai trouvée, et que je présente aux Géomètres en les invitant à la démontrer directement.

En conservant les valeurs de des nos 3 et 6, savoir, en faisant

je fais, pour abréger,

dénotant, comme l’on voit, une fonction donnée de

Je considère ensuite la formule

et, après l’avoir développée en série suivant les puissances ascendantes de je ne retiens que les termes où la quantité ne se trouve point, en rejetant ceux qui se trouveront divisés ou multipliés par des puissances de je dis que ces termes seront ceux de l’expression du terme général qui proviendront de la racine soit que cette racine soit une racine simple, ou double, ou triple,

Ainsi, si est une racine simple, on aura tout de suite

pour le terme dû à cette racine.

Si est une racine double, alors et la formule se réduira à

Donc les termes dus à la racine double seront

ou bien (6)

ou bien encore

comme on l’a trouve dans le numéro cité.

Si est une racine triple, alors on aura

ce qui réduira la formule à celle-ci

Faisant le développement suivant les méthodes ordinaires, on trouvera que les termes indépendants de seront les mêmes que ceux qui résultent des formules données ci-dessus pour le cas de trois racines égaies ; et ainsi de suite.


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  1. Ce Mémoire et les quatre suivants, les derniers que Lagrange ait publiés dans le Recueil de l’Académie de Berlin, sont compris sous le titre commun Recherches sur plusieurs points d’Analyse relatifs à différents endroit des Mémoires précédents.
    (Note de l’Éditeur.)
  2. Œuvres de Lagrange, t. IV, p. 151.