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Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Théorie des variations séculaires des éléments des Planètes/1

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THÉORIE
DES VARIATIONS SÉCULAIRES
DES ÉLÉMENTS DES PLANÈTES.


PREMIÈRE PARTIE

CONTENANT LES PRINCIPES ET LES FORMULES GÉNÉRALES POUR DÉTERMINER CES VARIATIONS.


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, année 1781.)


Séparateur


Si les Planètes étaient simplement attirées par le Soleil, et n’agissaient point les unes sur les autres, elles décriraient autour de cet astre des ellipses invariables suivant les lois de Képler, comme Newton l’a démontré le premier, et une foule d’Auteurs après lui. Mais les observations ont prouvé que le mouvement elliptique des Planètes est sujet à de petites variations, et le calcul a démontré que leur attraction mutuelle peut en être la cause. Ces variations sont de deux espèces les unes périodiques et qui ne dépendent que de la configuration des Planètes entre elles ; celles-ci sont les plus sensibles, et le calcul en a déjà été donné par différents Auteurs ; les autres séculaires et qui paraissent aller toujours en augmentant, ce sont les plus difficiles à déterminer tant par les observations que par la Théorie. Les premières ne dérangent point l’orbite primitive de la Planète ; ce ne sont, pour ainsi dire, que des écarts passagers qu’elle fait dans sa course régulière, et il suffit d’appliquer ces variations au lieu de la Planète calculé par les Tables ordinaires du mouvement elliptique. Il n’en est pas de même des variations séculaires. Ces dernières altèrent les éléments mêmes de l’orbite, c’est-à-dire la position et les dimensions de l’ellipse décrite par la Planète ; et quoique leur effet soit insensible dans un court espace de temps, il peut néanmoins devenir à la longue très-considérable.

C’est une Théorie complète de ces sortes de variations que j’entreprends de donner ; objet qui intéresse également les Astronomes par son utilité pour la perfection des Tables, et les Géomètres par les recherches nouvelles d’analyse auxquelles il donne lieu. Quoique j’aie déjà rempli une partie de cet objet dans les Mémoires sur les équations séculaires des nœuds et des inclinaisons des Planètes[1], et sur l’altération de leurs mouvements moyens[2] ; et que j’aie même donné, il y a longtemps, dans les Recherches sur les Satellites de Jupiter[3], et dans celles sur Jupiter et Saturne[4], des méthodes et des formules générales pour déterminer ce genre d’inégalités, dont on n’avait encore qu’une connaissance imparfaite et peu exacte ; je crois cependant devoir reprendre cette matière en entier, pour la traiter à fond et d’une manière plus directe et plus rigoureuse que je ne l’ai fait. C’est à quoi sont destinées ces nouvelles Recherches, que je divise en deux Parties. Je donnerai dans la première les formules nécessaires pour déterminer les variations des éléments d’une Planète, réduites à la forme la plus générale et la plus simple ; et j’en ferai, dans la seconde, l’application aux variations séculaires des excentricités, des aphélies, des nœuds et des inclinaisons des six Planètes principales.

section première.
méthode générale pour déterminer les variations des éléments
des planètes, causées par leur action mutuelle.

1. On entend par éléments de l’orbite elliptique d’une Planète la moitié du grand axe de l’ellipse, ou la distance moyenne de la Planète au Soleil ; la position de ce grand axe sur le plan de l’orbite, ou le lieu des apsides ; le rapport de la distance des deux foyers au grand axe, ou l’excentricité l’angle que fait avec l’écliptique le plan de l’orbite, ou son inclinaison ; et l’angle que fait avec une ligne fixe, donnée de position sur l’écliptique, l’intersection de ces deux plans, ou la position de la ligne des nœuds. Ces cinq quantités déterminent complètement la grandeur et la position de l’ellipse ; elles sont par conséquent différentes pour les diverses Planètes ; mais elles demeurent les mêmes pour chaque Planète en particulier, du moins tant qu’on fait abstraction des dérangements qu’elle peut éprouver de la part des autres Planètes. Ainsi les quantités dont nous parlons n’entrent point dans les équations différentielles des orbites des Planètes, parce que ces équations sont générales pour toutes les Planètes ; mais elles entrent ensuite comme constantes arbitraires dans les intégrales de ces équations, c’est-à-dire dans les équations algébriques des orbites.

Pour déterminer l’effet des forces perturbatrices d’une Planète sur ses éléments, il n’y aura donc qu’à traiter les équations différentielles de son orbite comme on ferait si ces forces n’existaient pas, et l’on parviendra ainsi à des équations intégrales semblables à celles de l’orbite non troublée, mais dans lesquelles chaque constante arbitraire se trouvera augmentée d’une quantité variable, provenant des forces perturbatrices, et qui exprimera les dérangements causés par ces forces à l’élément de l’orbite représenté par la même constante. De cette manière l’effet total des perturbations sera renfermé dans les variations des éléments ; et pour avoir la partie séculaire de ces variations, il suffira de rejeter tous les termes qui contiendraient des sinus et cosinus, comme ne pouvant donner que des variations périodiques. Tel est, en général, l’esprit de la méthode que je vais développer et appliquer aux Planètes.

2. Considérons d’abord le mouvement d’un corps mû autour d’un centre fixe en vertu d’une force réciproquement proportionnelle au carré de la distance, et dérangé en même temps par des forces perturbatrices données, et très-petites vis-à-vis de la force principale ; ce qui est le cas de toutes les Planètes.

Soient les trois coordonnées rectangles qui déterminent la position du corps à chaque instant, et dont l’origine est supposée dans le centre de la force principale ; nommant la quantité de cette force à la distance et la distance du corps au centre, c’est-à-dire le rayon vecteur de l’orbite, en sorte que

on aura pour l’expression générale de cette force, laquelle étant décomposée suivant les trois coordonnées donnera ces trois-ci

Soient de plus toutes les forces perturbatrices réduites à trois, dirigées suivant les mêmes coordonnées, et représentées par

Enfin soit le temps écoulé depuis une époque donnée, et dont les éléments soient pris pour constants.

On aura, par les premiers principes de la Dynamique, ces trois équations différentielles du second ordre

lesquelles serviront à déterminer le mouvement du corps, en vertu des forces

3. Il faut maintenant intégrer ces équations de manière que, si l’on faisait abstraction des quantités il en résultât pour l’orbite des équations algébriques.

Pour cela je fais d’abord ces trois combinaisons, qui servent à chasser les termes divisés par

Il est visible que les premiers membres de ces équations sont intégrables. Je fais donc

(A)

substituant ces valeurs et intégrant, j’aurai

(B)

Les constantes nécessaires pour compléter ces intégrales sont évidemment contenues dans les quantités lesquelles le deviennent elles-mêmes lorsque les forces perturbatrices s’évanouissent.

4. En chassant de ces dernières équations les différences ce qui ne demande que de les ajouter ensemble après les avoir multipliées respectivement par on aura sur-le-champ cette équation finie

(C)

laquelle sous cette forme appartient à un plan passant par l’origine des coordonnées, et dont la position dépend des quantités Car il est facile de démontrer que l’inclinaison de ce plan sur celui des et aura pour tangente la quantité et que l’intersection des deux plans fera avec l’axe des un angle dont la tangente sera

Le corps se trouvera donc toujours dans ce plan. Or lorsqu’il n’y a point de forces perturbatrices, et que par conséquent les quantités sont constantes, la position du plan est invariable, et le corps décrit alors une orbite plane. Mais si ces quantités sont variables, la position du plan doit l’être aussi ; cependant elle peut être censée constante pendant que le corps décrit chaque élément de sa trajectoire. Car les équations (B), étant multipliées respectivement par donnent celle-ci

qu’on voit n’êtreautre chose que la différentielle de l’équation (C) au plan, en y regardant les quantités comme constantes.

5. Ainsi le plan dont il s’agit passera par chaque élément de l’orbite du corps, et sera celui dont l’intersection avec le plan de l’écliptique se nomme en Astronomie la ligne des nœuds. De sorte que, si l’on nomme la tangente de l’inclinaison de l’orbite sur le plan de projection que nous supposons être celui des et et l’angle de la ligne des nœuds avec une ligne fixe qui est en même temps l’axe des on aura

et de là

On connaîtra donc les variations des éléments et par le moyen des formules différentielles (A) ; c’est le chemin que nous avons suivi dans le Mémoire sur les nœuds et les inclinaisons des Planètes, imprimé parmi ceux de l’Académie des Sciences de Paris pour l’année 1774.

6. Pour déterminer les variations des autres éléments, il faut trouver de nouvelles intégrales des équations proposées, en sorte qu’on puisse en déduire l’équation algébrique de l’orbite. À cet effet je remarque que la différentiation des quantités dans lesquelles

donne ces formules

Or, par les équations (B), on a déjà

donc on aura

Si maintenant, dans ces équations multipliées par on substitue à la place des quantités leurs valeurs tirées des équations différentielles données, savoir (2)

on aura les transformées suivantes

Ces équations sont évidemment intégrables lorsque les forces perturbatrices sont nulles, auquel cas les quantités deviennent constantes (3). Je fais donc, en général,

(D)

équations qui étant ajoutées respectivement aux précédéntes les rendent intégrables, en sorte qu’on aura les intégrales suivantes

(E)

Les constantes arbitraires que l’intégration introduit sont renfermées dans les quantités lesquelles le deviennent elles-mêmes dans le cas où sont nulles.

7. Les intégrales qu’on vient de trouver en donnent immédiatement une algébrique, en éliminant les différences et pour cela je les ajoute ensemble après les avoir multipliées respectivement par ce qui, à cause de

donne celle-ci

laquelle, en vertu des équations (B). devient

(F)

Cette équation considérée sous cette forme est évidemment du second degré, à cause de

de sorte qu’en la combinant avec l’équation linéaire (C), on aura pour la projection de l’orbite une section conique ; et l’orbite elle-même en sera une aussi, tant que les quantités seront constantes.

8. Pour déterminer dans ce cas la nature et la position de l’orhite, je commence par remarquer que des six constantes dont nous parlons il n’y en a que cinq d’arbitraires. Car, si l’on multiplie les équations intégrales (E) respectivement par et qu’ensuite on les ajoute ensemble, on aura, en vertu de l’équation déjà trouvée (C), celle-ci

(G)

laquelle exprime un rapport général qui doit subsister entre les six quantités soit qu’elles soient constantes ou non.

Cela posé, je fais, pour abréger,

et, prenant trois autres quantités telles que

je suppose
(H)

étant de nouvelles variables ; j’aurai d’abord, en vertu de l’équation de condition (G),

De sorte que les deux équations de l’orbite (C) et (F) se réduiront à cette forme très-simple

Or

et si l’on substitue les expressions précédentes de qu’on ait égard à l’équation de condition, et qu’on observe que

on aura

d’où l’on peut conclure que les quantités sont aussi des coordonnées rectangles, qui répondent aux mêmes points que les coordonnées et qui ont la même origine, mais une position différente.

9. L’équation

fait voir que la courbe est toute dans le plan des coordonnées et et l’équation

dans laquelle

à cause de montre que cette courbe est une ellipse dans laquelle est le paramètre du grand axe, est l’excentricité, ou la distance des foyers divisée par le grand axe, est le rayon vecteur partant de l’un des foyers, et l’abscisse prise sur le grand axe depuis le même foyer et dirigée vers l’apside supérieure.

Et pour connaître la position de cet axe relativement au plan de projection, il n’y a qu’à supposer, dans les formules (H), les coordonnées nulles, ce qui, à cause de donne

or il est visible que, si l’on nomme l’angle que la projection de cet axe sur le plan des coordonnées fait avec l’axe des et l’angle que le même axe fait avec ce plan, on aura

c’est-à-dire

d’où, à cause de

on tire

Au reste, si l’on substitue ces valeurs de ainsi que celles de et tirées des formules du no 5, dans l’équation de condition (G), on aura

d’où résulte la formule

10. Lorsqu’on veut avoir égard à l’effet des forces perturbatrices, les quantités que nous avons supposées constantes ne le sont plus, et l’orbite telle que nous venons de la déterminer variera d’un instant à l’autre, mais elle pourra néanmoins être prise pour invariable pendant que le corps décrit chacun de ses éléments. En effet les équations (E) du no  6 étant multipliées respectivement par et ajoutées ensemble, donnent, à cause de

or cette équation est évidemment la différentielle de l’équation (F) ; en y regardant les quantités comme constantes.

Ainsi, dans le cas de la variabilité de ces quantités, les deux équations (C) et (F) de l’orbite du corps ont la propriété que ces mêmes quantités y peuvent être regardées comme constantes dans la différentiation de ces équations (4). D’où l’on peut conclure que le corps sera mû à chaque instant comme s’il décrivait réellement l’ellipse déterminée par ces équations ; mais cette ellipse variera continuellement de position et de grandeur, et l’on connaîtra les variations de ses éléments au moyen des formules différentielles (A) et (D) des nos 3 et 6.

11. Les réductions que nous avons faites ci-dessus (8) étant générales, soit que les éléments de l’orbite soient constants ou non, comme on peut s’en convaincre aisément par la nature de nos formules, il s’ensuit que, si dans les formules (H) on substitue pour leurs valeurs tirées des équations

on aura, en général,

en faisant, pour abréger,

Ces expressions de en sont les résultats des deux équations (C) et (F) combinées avec la formule

( étant le rayon vecteur) ; or, comme les quantités demeurent constantes dans la différentiation de ces équations (numéro précédent), il s’ensuit que, pour avoir les différences il suffira de faire varier dans les expressions précédentes la quantité en regardant toutes les autres quantités comme constantes, telles qu’elles le seraient dans le cas de l’orbite invariable.

12. Puisqu’on a déjà en il ne s’agira plus que d’avoir en pour connaître le lieu du corps dans un instant quelconque. Pour cela on peut se servir d’une quelconque des intégrales trouvées (B) ou (E) : nous choisirons la première des intégrales (B), savoir

dont le premier membre, en y substituant les valeurs précédentes de et de leurs différentielles, et remarquant que (8)

devient

de sorte qu’on aura

Cette équation peut aussi se déduire directement des intégrales (B) et (E) sans aucune substitution auxiliaire. Car :

1o En ajoutant ensemble les carrés des équations (B), on a

c’est-à-dire

d’où l’on tire

2o En ajoutant aussi ensemble les carrés des équations (E), mais après y avoir transposé les termes on a

mais on a (4)

et (7)

donc

Égalant ces deux valeurs de on en tire comme ci-dessus l’équation

13. Cette équation a donc lieu, en général, soit que les éléments de l’orbite soient invariables ou non ; et elle fait voir que les apsides de l’orbite sont rigoureusement dans les points dont les rayons vecteurs sont les racines de l’équation

de sorte que moitié de la somme des deux racines, sera la distance moyenne. C’est aussi ce qui résulte de l’expression même de (11), en regardant l’orbite comme une ellipse dont est le paramètre et l’excentricité (9).

14. Il ne reste donc plus qu’à intégrer l’équation trouvée, pour en déduire la valeur de en c’est ce qui est facile dans le cas où les quantités et sont constantes. Car la quantité sous le signe peut sue mettre sous cette forme

ou bien à cause de sous celle-ci

or on sait que

est l’élément de l’angle dont le cosinus est divisé par si donc on nomme cet angle, on aura

et l’équation dont il s’agit deviendra

laquelle donne en intégrant

étant la constante arbitraire.

C’est la formule ordinaire qui sert de fondement aux solutions du Problème de Képler, et où l’angle est ce qu’on nomme en Astronomie l’anomalie excentrique.

Lorsque les quantités et sont variables, on peut aussi employer la même substitution de

et l’on trouvera alors

mais cette formule est peu commode pour le calcul, à cause qu’elle contient au dénominateur.

On pourrait remédier à cet inconvénient en substituant directement la valeur de dans les expressions de du no 11, ce qui donnera

et mettant ensuite ces valeurs de et dans l’équation

Mais il sera beaucoup plus simple, surtout dans le cas où l’excentricité et l’inclinaison sont fort petites (qui est celui de toutes les Planètes de notre système), d’employer d’abord dans cette même équation la substitution de

étant le rayon vecteur de l’orbite projetée et l’angle décrit par ce rayon ; car on aura par là

et il n’y aura plus qu’à mettre pour sa valeur en tirée des deux équations de l’orbite (C) et (F). C’est ainsi que nous en userons dans la suite.

15. Pour appliquer aux Planètes les formules générales que nous venons de trouver, il y faudra substituer les valeurs des forces perturbatrices qui résultent de l’attraction que chaque Planète éprouve de la part de toutes les autres.

Soit la masse du Soleil, celle de la Planète dont on cherche le mouvement, les masses des Planètes perturbatrices ; on sait que la Planète est attirée vers le Soleil par une force égale à étant sa distance au Soleil, et qu’en vertu de cette force elle doit décrire autour du Soleil la même orbite que si le Soleil était immobile. On peut donc regarder le Soleil comme fixe par rapport à la Planète mais il faut alors tenir compte de l’action des autres Planètes sur le Soleil, en transportant l’effet de cette action à la Planète en sens contraire.

Ainsi, prenant le centre du Soleil pour l’origine des coordonnées, et nommant celles de l’orbite de la Planète autour du Soleil, on aura d’abord dans les formules du no 2

Ensuite, si l’on marque d’un trait toutes les quantités qui se rapportent à la planète de deux traits celles qui se rapportent à la Planète qu’enfin on désigne par la distance rectiligne entre les corps et par la distance rectiligne entre les corps et et ainsi du reste ; on trouvera :

1o Que la force avec laquelle le corps attire le corps suivant la direction de la ligne produira ces trois forces suivant les directions des coordonnées savoir

2o Que la force avec laquelle la Planète attire le Soleil étant transportée en sens contraire à la Planète donnera encore ces trois autres forces suivant les mêmes directions, savoir

On trouvera de pareilles formules pour les forces résultantes de l’attraction des autres Planètes et, rassemblant respectivement ces différentes forces, on aura les valeurs des forces perturbatrices de la Planète lesquelles seront donc exprimées ainsi

16. Or on a

Donc, si l’on fait

et qu’on dénote à l’ordinaire par les coefficients de dans la différentielle de la quantité regardée comme fonction des variables il est clair que les expressions précédentes de se réduiront à celles-ci

17. On substituera donc ces valeurs dans les équations différentielles (A) et (D), et l’on aura en premier lieu

Ces formules serviront à déterminer les variations de la longitude du nœud et de la tangente de l’inclinaison, en faisant (5)

et de plus la variation du paramètre de l’orbite (9), étant égal à

18. Si l’on voulait déterminer directement les variations de il n’y aurait qu’à ajouter ensemble les équations précédentes, après les, avoir multipliées respectivement par On aura ainsi en ordonnant les termes

Or, en substituant pour les valeurs données par les équa-

tions(B) du no 3, on a

Donc si l’on fait, pour abréger,

[l’expression indique la différentielle partielle de en n’y faisant varier que les relatives à la Planète ], on aura

19. En second lieu, les équations (D) deviendront, par la substitution des valeurs précédentes de

et si l’on y substitue encore les valeurs de (3), elles se réduiront à la forme suivante

les quantités et étant les mêmes que dans le numéro précédent.

Par ces équations, on aura les variations de l’excentricité de la longitude de l’aphélie et de la latitude de cet aphélie par rapport au plan de projection, au moyen des formules (10)

20. Au reste il n’est pas nécessaire d’employer ces trois équations pour la détermination des éléments dont il s’agit ; car nous avons vu (8) qu’il y a entre les quantités cette équation de condition

au moyen de laquelle on peut déterminer une quelconque d’entre elles par les deux autres. On pourrait peut-être douter si en effet les formules différentielles trouvées satisfont à cette équation ; pour lever ce doute et confirmer en même temps la justesse de nos formules, nous allons faire voir comment elles y satisfont ; à cet effet nous ajouterons d’abord ensemble les trois formules du numéro précédent, après les avoir multipliées respectivement par ce qui, en ayant égard (4) aux équations

donnera

ensuite les trois formules du no 17, étant multipliées respectivement par et ajoutées ensemble, donneront

mais, en substituant les valeurs de résultantes des formules (E) du no 6, on a

ce qui, à cause de

se réduit à

de sorte qu’on aura

Donc enfin

équation qui est, comme on voit, la différentielle de celle qu’il s’agissait de vérifier.

21. Puisque

on aura, en ajoutant ensemble les trois équations du no 19, après les avoir respectivement multipliées par

or l’équation de l’orbite donne (7, 10)

de plus, les équations (E) donnent, en substituant pour leurs valeurs tirées des équations (B),

(I)
et les mêmes équations donnent aussi, comme on l’a vu dans le no 12,

donc, faisant ces substitutions, on aura

mais on a par les formules du même numéro cité

donc

étant égal à (11). Ainsi l’on aura directement par cette équation la variation de l’excentricité

22. Enfin, puisque

on aura, en substituant la valeur de du no 18,

et, cette valeur de étant comparée à celle que nous venons de trouver dans le numéro précédent, il viendra cette formule très-simple

laquelle servira à déterminer les variations de la distance moyenne (13).

23. La méthode que j’ai suivie pour trouver les formules différentielles des variations des éléments des Planètes est, ce me semble, la plus directe et la plus naturelle qu’il est possible, étant déduite des principes mêmes de la chose ; mais j’aurais pu y parvenir plus simplement par la méthode générale dont je me suis servi pour déterminer les variations de la distance moyenne, dans les Mémoires de 1776[5], méthode qui a l’avantage d’être applicable à toutes les questions du même genre.

Suivant cette méthode, si est une intégrale quelconque des équations différentio-différentielles de l’orbite non troublée, étant une fonction connue de et de et une constante arbitraire, et qu’on veuille supposer variable pour l’orbite troublée, il n’y aura qu’à différentier, en faisant varier d’un côté la quantité et de l’autre les quantités contenues dans et substituer ensuite à la place des différences de celles-ci les valeurs de dues uniquement aux forces perturbatrices. Car la différentielle de prise en faisant tout varier, doit devenir nulle d’elle-même, lorsqu’on y substitue pour les valeurs tirées des équations de l’orbite non troublée, puisque est (hypothèse) une intégrale de ces équations. De sorte qu’en ajoutant à ces valeurs les termes dus aux forces perturbatrices (2), on aura simplement

les quantités exprimant suivant la notation reçue tes coeffieients de dans la différentielle de

De cette manière, si l’on change, suivant le no 16, les quantités en on aura, pour la variation de cette équation

Or on sait que les éléments de l’orbite ne sont autre chose que les constantes arbitraires introduites par l’intégration des équations différentielles primitives, ou des fonctions de ces constantes ; on aura donc les formules différentielles de la variation des éléments, pourvu qu’on ait les valeurs de ces éléments exprimées par les variables de l’orbite non troublée et par leurs différences premières ; valeurs qui peuvent se trouver immédiatement par l’intégration même des équations différentielles de l’orbite, ou bien se déduire des équations finies de l’orbite combinées avec les différences premières de ces équations.

Ayant déterminé ainsi la valeur variable de chaque constante ou élément de l’orbite, on aura, entre ces constantes et des équations de la même forme pour l’orbite troublée que pour l’orbite non troublée ; de sorte que les équations finies déduites de eelle-ci, ainsi que les différences premières de ces équations seront encore de la même forme dans les deux cas ; par conséquent les constantes dont nous parlons pourront toujours être regardées et traitées comme invariables dans la différentiation des équations finies de l’orbite ; ce qui rend raison de la remarque faite dans les nos 4 et 10 sur les équations (C) et (F).

24. Cela posé, si dans les équations différentielles du no  3 on suppose nulles, on a celles de l’orbite non troublée ; et, intégrant ces équations par la méthode des nos 3 et 6, on aura des intégrales de la forme (B) et (C), dans lesquelles seront des constantes arbitraires et invariables. Or les intégrales (B) ont déjà la forme demandée donc il n’y aura, suivant la méthode précédente, qu’à les différentier, en y faisant varier et et substituer ensuite à la place de on aura ainsi sur-le-champ les formules différentielles du no  17.

À l’égard des intégrales (E), pour les réduire à la forme dont il s’agit, il ne faut qu’y substituer les valeurs de données par les intégrales précédentes ; on aura ainsi les équations (I) du no  21, lesquelles étant différentiées en y faisant varier et donneront immédiatement les formules différentielles du no 19, en se souvenant que

On peut de même déterminer directement les variations des éléments et par le moyen des formules trouvées dans le no 12. Car

1o On a

et cette équation, en y faisant varier de et comme ci-dessus, donne immédiatement la formule différentielle trouvée à la fin du no 18 ;

2o On a

et il est visible qu’il en naîtra sur-le-champ la formule différentielle du no 22, par la variation de

25. Il n’est pas nécessaire au reste, pour l’usage de la méthode précédente, que les intégrales soient réduites à la forme ainsi que nous l’avons supposé ; mais cette réduction, qui est d’ailleurs toujours possiblé, sert à rendre le calcul plus direct et les formules plus simples. Comme cette méthode peut être d’une grande utilité dans plusieurs autres occasions, je crois qu’on me permettra d’ajouter encore quelques mots sur cet objet, quoique ce ne soit pas ici le lieu d’en traiter.

Pour présenter la méthode dont il s’agit de la manière la plus simple et en même temps la plus générale qu’il est possible, considérons une ou plusieurs équations différentielles telles que

dans lesquelles soient des fonctions données des variables et des différences des ordres inférieurs à

Supposons que l’on connaisse une intégrale quelconque de ces équations, laquelle soit représentée par

étant une fonction des mêmes variables et de leurs différences, et contenant de plus une constante arbitraire On sait que, si l’on différentie cette intégrale en y faisant tout varier excepté et qu’on y substitue ensuite pour leurs valeurs tirées des équations différentielles, on doit avoir une équation identique avec l’équation ou du moins qui aura lieu en même temps que celle-ci, indépendamment d’aucune relation entre de sorte que, l’équation étant posée, la différence deviendra identiquement nulle après les substitutions dont il s’agit.

Soient maintenant proposées les équations


étant de même des fonctions de jusqu’à il est clair que la même équation pourra satisfaire aussi à ces équations, pourvu que la quantité étant supposée variable, soit telle que la différentielle devienne nulle en même temps que après la substitution des valeurs précédentes de Or nous venons de voir que la partie de qui ne contient point la différence devient identiquement nulle avec la fonction par la substitution des à la place de Donc il n’y aura qu’à

rendre nulle la partie restante de c’est-à-dire les termes provenant de la différence de et de la substitution des quantités au lieu de ce qui donnera équation

C’est l’équation qui servira à déterminer la valeur convenable de la quantité devenue variable.

Si l’on avait deux équations intégrales

des mêmes équations différentielles

et que ces intégrales continssent deux constantes arbitraires on prouverait de la même manière qu’elles pourraient l’être aussi des équations

en y supposant et variables, et déterminées par ces équations

Et ainsi de suite si l’ori avait un plus grand nombre d’intégrales.

26. Au reste, quand on connaît une intégrale qui renferme deux constantes arbitraires, on en peut d’abord déduire une seconde par la seule différentiation, en substituant, s’il est nécessaire, à la place des plus hautes différences des variables, leurs valeurs tirées des équations différentielles données. De la même manière une intégrale qui renferme trois constantes arbitraires fournira, par deux différentiations successives, deux autres intégrales, et ainsi de suite. Donc, si les intégrâtes connues renferment autant de constantes arbitraires qu’il y a d’unités dans la somme des exposants des équations différentielles, ce qui est le cas des intégrales finies et complètes, on trouvera par leur moyen autant d’intégrales différentes qu’il y a d’arbitraires ; et l’on aura par la méthode précédente toutes les équations nécessaires pour déterminer les valeurs de ces constantes devenues variables.

De plus on pourra dans ce cas déterminer les variables finies ainsi que leurs différences jusqu’à en fonction de et des constantes arbitraires et il est visible que ces fonctions seront les mêmes, soit que ces arbitraires soient variables ou non ; de sorte que, dans les différentiations de jusqu’à on pourra toujours regarder et traiter les quantités comme des constantes invariables.

27. La méthode que j’avais donnée dans les Mémoires de 1775[6] rentre aussi dans celle que je viens d’exposer, et l’on peut généraliser ainsi l’application que j’en avais faite aux équations linéaires. En effet, lorsque sont des fonctions linéaires des variables et de leurs différences, il est facile de prouver que seront aussi des fonctions linéaires des mêmes variables et des constantes arbitraires Donc seront des fonctions de Par conséquent si sont données en seul, on déterminera facilement les valeurs de en


Séparateur
section seconde.
formules générales pour les variations séculaires des éléments
des planètes.

28. Les formules que nous venons de donner, dans la Section précédente, pour représenter les variations des éléments des Planètes, causées par leur action mutuelle, expriment l’effet total de cette action, et pourraient servir à déterminer toutes les inégalités qu’elle doit produire dans leur mouvement. Mais notre objet est simplement de déterminer les variations séculaires des éléments des Planètes, c’est-à-dire celles qui n’ont aucune période fixe, ou du moins qui en ont de très-longues et indépendantes du retour des Planètes aux mêmes points de leurs orbites. Ces variations sont nécessairement renfermées dans les formules trouvées, et, pour les démêler, il n’y aura qu’à développer ces formules et les débarrasser ensuite de tout ce qu’elles peuvent renfermer de périodique. Or la petitesse des excentricités et des inclinaisons des Planètes fait qu’on peut exprimer leurs coordonnées par des séries très-convergentes de sinus et cosinus d’angles proportionnels au temps. Il faudra donc faire ces substitutions à la place de et rejeter ensuite tous les termes qui se trouveront contenir des sinus et des cosinus. Ainsi il faut commencer par chercher les valeurs convenables de en

29. Nous avons déjà remarqué plus haut que, pour faciliter cette recherche, il est à propos d’employer les substitutions

étant le rayon de l’orbite projetée sur le plan des et l’angle de ce rayon avec l’axe des .

Ces substitutions ont d’ailleurs l’avantage d’être conformes aux usages astronomiques, puisqu’en prenant le plan des et pour celui de l’écliptique, et supposant l’axe des dirigé vers le premier point d’Aries, sera la distance accourcie de la Planète au Soleil, et sa longitude héliocentrique.

En mettant ces expressions de et dans l’équation

du no 4, on en tire

“De là on aura

“et l’équation

du no 7 donnera, en faisant

comme dans le no 8,

Et comme les mêmes équations ont lieu aussi en y faisant varier simplement et regardant les autres quantités comme constantes (10), il s’ensuit que, pour avoir les valeurs des différences et il suffira de faire varier dans les formules précédentes les quantités en prenant pour constantes.

Enfin l’équation

du no 3 donnera

de sorte qu’en substituant pour sa valeur en on aura

Par cette équation oh déterminera donc en ensuite on aura, par la substitution de cette valeur de celles de en

30. Lorsque l’inclinaison et l’excentricité sont l’une et l’autre fort petites, comme cela a lieu dans notre système planétaire, les quantités et sont nécessairement toujours très-petites vis-à-vis de et les quantités le sont aussi (4, 9), de sorte que et seront pareillement très-petites par rapport à On pourra donc dans ce cas développer la fraction

en une suite fort convergente, laquelle, étant ordonnée relativement aux sinus et cosinus de et de ses multiples, sera de la forme

étant une quantité finie ; étant des quantités très-petites du premier ordre ; étant très-petites du second ordre, et ainsi de suite.

Par ce moyen, l’équation précédente deviendra

ou bien en divisant par

Le premier membre de cette équation est intégrable exactement lorsque sont des quantités constantes ; mais, lorsque ces quantités sont variables, il faut avoir recourus aux séries ; et l’on trouve ; en employant l’opération connue des intégrations par parties, et regardant comme des fonctions de

et ainsi de suite,

On aura de même

Donc, si l’on fait ces substitutions successives, et qu’on suppose, pour abréger,

on aura

Et, supposant pareillement.

on trouvera

et ainsi de suite.

À l’égard du second membre de l’équation, il est évidemment intégrable en y regardant comme des fonctions de

Soit, pour plus de simplicité,

et l’intégrale de l’équation en question sera

de laquelle, puisque sont supposées très-petites du premier ordre, très-petites du second ordre, et ainsi de suite, il est facile de tirer la valeur de en exprimée par une suite fort convergente.

31. En général, si l’on a l’équation

dénotant une fonction quelconque de on aura, par le Théorème que j’ai donné ailleurs,

et même, en dénotant par une autre fonction quelconque et faisant

Ainsi, dans notre cas, il n’y aura qu’à faire

et par conséquent

et exécuter ensuite relativement à les différentiations indiquées.

On trouvera de cette manière en supposant

en supposant

32. Dans les orbites non troublées la quantité est proportionnelle au temps parce que les quantités y sont constantes, en sorte que

Ainsi est alors la valeur moyenne de et puisque est la longitude vraie de la Planète, en sera la longitude moyenne.

Il n’en est pas de même pour les orbites troublées, ou les quantités H, a sont variables ; cependant on peut toujours, par analogie, y regarder la quantité comme la longitude moyenne ; mais alors le mouvement moyen ne sera plus uniforme, et la vitesse de ce mouvement sejrouvera exprimée par la quantité variable

Si cette quantité ne contenait que des termes proportionnels aux sinus ou cosinus de et de ses multiples, il est clair que les variations de qui en proviendraient ne seraient que périodiques ; elles rentreraient par conséquent dans les inégalités périodiques du mouvement des Planètes, inégalités dont nous faisons abstraction dans ces Recherches. Mais si la quantité renferme des termes qui croissent en même temps que t, ou qui aient une période très-longue, ces termes donneront des variations séculaires dans le mouvement moyen, et la détermination de ces variations est un des points les plus importants de la Théorie que nous traitons. Il est donc nécessaire de déterminer rigoureusement la loi de la variation de la quantité dont il s’agit, et pour cela il faut connaître la valeur de la quantité qui représente le terme tout constant de la fraction

développée suivant les sinus et cosinus des multiples de c’est de quoi nous allons nous occuper.

33. Commençons par faire disparaître le radical du dénominateur, en multipliant le haut et le bas de la fraction par la quantité

on aura cette transformée

laquelle se réduit à cette forme

en faisant, pour abréger,

À considérer cette formule, il est facile de voir que la partie qui a pour numérateur ne donnera par le développementque des termes proportionnels à des sinus ou cosinus de multiples pairs de et que l’autre partie dont le numérateur est donnera seulement des termes proportionnels aux sinus et cosinus des multiples impairs de De sorte qu’on aura (30)

Ainsi la question se réduit à trouver le terme tout constant de la

fraction rationnelle

développée suivant les sinus et cosinus des multiples de

Or, si au lieu de cette fraction on considère celle-ci plus simple

et qu’on la développe en une série de la forme

il est clair qu’en faisant varier de part et d’autre la quantité et divisant par on aura

De sorte qu’on aura par la comparaison des termes

Il ne s’agit donc que de développer la dernière fraction ; c’est ce qu’on peut faire par différentes méthodes ; mais aucune ne me paraît plus simple que celle que je vais exposer, et qui peut d’ailleurs être utile aussi dans d’autres occasions.

34. Je fais pour plus de simplicité et substituant dans la fraction proposée, à la place de sinu et cosu, leurs valeurs en exponentielles imaginaires, je la réduis à cette forme

Cette fraction peut se partager en ces deux-ci

car en multipliant en croix et comparant les termes, on aura ces six équations

lesquelles serviront à déterminer les six inconnues,

En effet la seconde et la troisième donnent d’abord

valeurs qui étant substituées dans la première donneront cette transformée

d’où l’on tire

ensuite les trois autres équations deviendront par les mêmes substitutions

ces deux dernières donnent

et l’on aura par la première, en y substituant ces valeurs,

où il ne s’agira plus que de substituer la valeur déjà trouvée de

Maintenant il est visible que la fraction

se développe naturellement en une série de la forme

et que de même l’autre fraction se développe dans la série correspondante

donc, ajoutant ensemble ces deux séries et remettant les sinus et cosinus à la place des exponentielles imaginaires, on aura la série toute réelle

pour le développement de la fraction proposée

Ainsi l’on aura (numéro précédent)

et par conséquent

et il ne s’agira plus que d’avoir les valeurs de en fonction de ce qui est facile d’après les formules du numéro précédent.

Nous n’avons besoin pour notre objet que de la valeur or il est visible que l’on a

et, substituant pour et leurs valeurs,

or le dénominateur est égal à

donc, multipliant le haut et le bas de la fraction par

\mathrm on aura

Faisons maintenant varier il viendra en différentiant

donc enfin

Si l’on substitue maintenant pour leurs valeurs (33), on trouvera

et, mettant pour et leurs valeurs (29), on aura

mais on a, par l’équation de condition (G) du no 8,

donc le terme deviendra faisant cette substitution et remarquant que

on aura

donc

Ainsi en mettant pour et pour (8), on aura

ou bien, en mettant encore à la place de (11),

Il s’ensuit de là que la quantité deviendra c’est la valeur de (30), c’est-à-dire de la vitesse du mouvement de la longitude moyenne. Or, puisque est la distance moyenne dans l’ellipse (13), on voit que cette vitesse sera proportionnelle inversement à la racine carrée du cube de la distance moyenne, comme on sait que cela a lieu dans les ellipses invariables. On aurait pu à la vérité supposer cette proposition comme une suite de l’invariabilité instantanée des éléments de l’orbite ; mais nous avons cru que, vu sa grande importance, il valait mieux la démontrer directement et rigoureusement, pour ne laisser aucun scrupule sur les conséquences que nous allons en déduire, relativement à l’altération du mouvement moyen des Planètes.

35. Nous avons trouvé (22), pour la variation de la quantité cette formule très-simple

dans laquelle représente la différentielle partielle de , en y faisant varier seulement les variables relatives à la Planète troublée Si donc on substitue dans l’expression de (16), à la place de ces variables, leurs valeurs en fonction de et (29), et qu’ensuite on substitue encore à la place de sa valeur en (31), il suffira, pour avoir l’expression de de prendre la différentielle de en y faisant va-

rier simplement la quantité Or, si l’on fait en mêmé temps des substitutions analogues pour les variables relatives aux Planètes perturbatrices on changera la quantité en une fonction de sinus et cosinus des angles et de leurs multiples ; est cette fonction sera réductible à une série de termes de cette-forme

étant composée uniquement des éléments des orbites des différentes Planètes, et étant des nombres entiers positifs, ou négatifs, ou zéro. Donc chacun de ces termes donnera dans la valeur de le terme

en sorte qu’on aura facilement de cette manière l’expression complète de la variation de la quantité

On voit par là que cette expression ne saurait contenir aucun terme sans sinus ou cosinus ; car les termes de cette espèce, qui pourront se trouver dans l’expression de , s’en iront nécessairement par la différentiation relative à et il ne restera dans l’expression de ou que des termes proportionnels à des sinus ou cosinus d’angles qui contiennent

36. Il s’ensuit de cette analyse fort simple que les variations de la quantité ne peuvent être que périodiques ; par conséquent ni la distance moyenne, qui est exprimée par ni la vitesse du moyen mouvement, laquelle l’est par (34), ne seront sujettes à aucune espèce de variation séculaire. Ainsi, tant qu’on n’a égard qu’à ces sortes de variations, on est fondé à regarder ces éléments comme constants et inaltérables par l’action mutuelle des Planètes. Si donc le mouvement de Saturne se ralentit de siècle en siècle, et celui de Jupiter s’accélère, comme les observations semblent le prouver, il faut attribuer ces variations à d’autres causes qu’à leur action mutuelle ; mais par là même on doit regarder ces phénomènes comme fort douteux, et ne se résoudre à les admettre que lorsqu’ils seront suffisamment constatés par une longue suite d’observations.

37. On a donc, relativement aux variations séculaires, et par conséquent à une constante. Cette constante est différente pour les diverses Planètes, et se détermine par leurs distances moyennes et par les moyens mouvements. Nous prendrons pour plus de simplicité, dans les Recherches suivantes, la distance moyenne de la Terre au Soleil pour l’unité des distances, et la vitesse du mouvement angulaire moyen de la Terre autour du Soleil pour l’unité des vitesses ; en sorte que nous représenterons le temps par l’angle de ce mouvement moyen. On aura ainsi pour la Terre (numéro précédent)

d’où il résulte

Or (15)

et comme la masse de la plus grosse Planète, c’est-à-dire de Jupiter, est moindre qu’un millième de celle du Soleil, on pourra toujours négliger vis-à-vis de et prendre simplement ainsi la quantité sera la même à l’égard de toutes les Planètes, et sera par conséquent toujours égale à de sorte que la masse même du Soleil deviendra l’unité des masses de toutes les Planètes.

À l’égard de la valeurs de elle sera égale à

et sera ainsi connue par les Tables astronomiques.

38. Venons maintenant aux variations séculaires des autres éléments, c’est-à-dire des inclinaisons, des nœuds, des excentricités et des aphélies. En regardant les inclinaisons et les excentricités comme des quantités très-petites, ainsi qu’elles le sont en effet pour toutes les Planètes de notre système, nous n’aurons égard, du moins dans la première approximation, qu’aux premières dimensions de ces quantités ; mais nos formules primitives étant rigoureuses et générales, il sera facile d’en pousser le développement plus loin, si on le juge nécessaire.

Or, comme on a

étant la tangente de l’inclinaison de l’orbite et la longitude du nœud ascendant (5), et

étant l’excentricité (à cause de ), la longitude de l’aphélie et la latitude de cet aphélie, laquelle est déterminée (9) par l’équation

il est évident qu’en supposant et très-petites du premier ordre, les quantités seront aussi très-petites de ce même ordre, et que la quantité sera très-petite du second ordre, puisque l’angle est lui-même très-petit du premier.

Donc, en négligeant les quantités très-petites du second ordre, on aura

car

et

à cause de Ainsi, comme est toujours un nombre fini, puisque exprime la distance moyenne de la Planète au Soleil, celle de la Terre

étant prise pour l’unité, les quantités et seront elles-mêmes très-petites du premier ordre.

Ainsi, puisque nous avons déjà trouvé, relativement aux variations séculaires, on aura aussi et il ne restera qu’à chercher les valeurs de d’après les formules des nos 17, 19.

Or, en négligeant toujours les quantités très-petites des ordres supérieurs au premier, on aura (29)

donc, à cause de

et

On aura ensuite (30) cette fraction

à réduire en une série de la forme

de sorte qu’en n’ayant égard qu’aux premières dimensions de et on aura sur-le-champ

On substituera donc ces valeurs dans les expressions de et et comme la valeur de est, aux quantités très-petites près, égale à on y changera simplement en

De cette manière, si l’on fait

on aura

donc

par conséquent

et, différentiant,

à cause de

À l’égard de la valeur de elle dépendra (34) de l’équation

de sorte que, comme on aura, en intégrant,

comme dans les orbites invariables.

On fera donc ces différentes substitutions dans les formules dont il s’agit, après y avoir mis pour les valeurs et pour des valeurs semblables, où toutes les lettres soient marquées par un ou plusieurs traits. On développera ensuite les différents termes, et l’on ne retiendra que ceux où les quantités ne passeront pas la première dimension et qui en même temps ne contiendront aucun sinus ou cosinus d’angles proportionnels à .

39. Commençons par les formules

En substituant pour leurs valeurs (16), on aura

et l’on trouvera d’abord ces transformations

et ainsi des autres expressions semblables.

Or, puisque les quantités qui multiplient tous les termes de ces expressions sont très-petites du premier ordre, il faudra rejeter toutes les quantités de cet ordre et des suivants dans les valeurs de et de

Ainsi l’on fera simplement (numéro précédent)

mais, pour plus de simplicité, nous retiendrons les quantités en les regardant comme constantes et égales aux distances moyennes des Planètes

Il faudra ensuite faire les mêmes substitutions dans les quantités


et y négliger aussi par la même raison toutes les quantités très-petites.

On aura donc (16)

Or la quantité irrationnelle

peut se développer, comme on sait, dans une série de la forme

dans laquelle

sont des fonctions de sans (voyez plus bas le no 46) ; de même la quantité

se développera dans la série

et ainsi des autres quantités semblables.

Donc on aura par ces substitutions

et ainsi des autres.

On multipliera maintenant ces quantités par celles que nous avons trouvées ci-dessus, en changeant dans les unes et les autres les lettres en et l’on ne retiendra, après la multiplication et le développement, des sinus et cosinus, que les termes qui ne contiendront ni sinus ni cosinus.

De cette manière on aura simplement

et pareillement

et ainsi de suite.

Donc enfin on aura pour les variations séculaires de et ces formules différentielles

On aura des formules semblables pour les variations séculaires de en changeant seulement dans celles-ci les quantités en ou en et vice versâ.

40. On peut simplifier ces formules en faisant

et de même

car, comme (38), on aura simplement

d’ailleurs (39)

Donc si l’on fait, pour abréger,

on aura ces équations linéaires

en faisant de même

on aura aussi

et les variables de ces équations exprimeront les quantités

dans lesquelles sont les tangentes des inclinaisons des orbites des Planètes et les longitudes des nœuds ascendants de ces orbites.

Telles sont les formules les plus simples pour déterminer les variations séculaires de la position des orbites planétaires ; nous les avions déjà données dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, page 109, année 1774[7] ; mais nous avons cru devoir les redonner ici pour ne rien laisser à désirer sur la Théorie des variations séculaires.

41. Il ne reste plus qu’à développer et à réduire d’une manière semblable les formules

Pour cela nous ferons d’abord dans la fonction (16) les substitutions de pour ce qui donnera une fonction de Or, en ne considérant que la variabilité de et de il est visible qu’on a cette équation identique

laquelle, en substituant pour leurs valeurs

et comparant les termes affectés de et donnera ces deux-ci

d’où l’on tire

De sorte que les fonctions et deviendront (18)

Substituant ces valeurs dans les formules ci-dessus, et mettant aussi pour sa transformée on aura, après avoir ordonné les termes,

42. Comme nous ne voulons pas pousser la précision au delà des quantités très-petites du premier ordre, et que les variables sont déjà elles-mêmes très-petites de cet ordre, puisque

il est clair qu’on pourra d’abord simplifier les formules précédentes, en y négligeant tous les termes où formeront des produits de deux ou de plus de deux dimensions.

Donc, puisque tous les termes de la valeur de sont eux-mêmes déjà multipliés par ou ou (15 et 16), il s’ensuit que les formules dont il s’agit se réduiront à celles-ci

et que la fonction deviendra de cette forme

On fera, dans ces formules, les substitutions indiquées plus haut (38), en ayant soin de rejeter tous les termes qui contiendraient des produits ou des puissances de ainsi que ceux qui se trouveraient multipliés par des sinus ou cosinus des angles ou des combinaisons quelconques de ces angles.

Donc, puisque

on aura

Ensuite, en conservant la lettre pour représenter la distance moyenne comme on en a usé ci-dessus, on mettra au lieu de et au lieu de

De sorte qu’on aura

Enfin, comme est fonction de il y faudra aussi substituer et à la place de et et ainsi des autres quantités analogues en marquant simplement toutes les lettres d’un, de deux, … traits.

On changera donc, dans la fonction les quantités en et l’on substituera, au lieu de

et, à la place de

Ces substitutions faites, il n’y aura plus qu’à changer la fonction en une série de cosinus d’angles multiples de et comme des termes résultants on ne veut conserver que ceux qui se trouveront sans sinus et cosinus, on remarquera d’abord que les fonctions ne pourront donner de ces sortes de termes qu’autant qu’elles ne seront multipliées par aucun sinus ni cosinus, ou qu’elles le seront par des cosinus de ou de leurs multiples quelconques ; que ne donneront de pareils termes qu’autant qu’elles seront multipliées par des sinus de ou de leurs multiples ; qu’enfin n’en donneront qu’autant qu’elles se trouveront multipliées par des cosinus de ou de leurs multiples. D’où il suit que ces quantités seront les seules auxquelles il sera nécessaire d’avoir égard dans les substitutions dont il s’agit, et qu’ainsi l’on pourra d’abord réduire les équations en question à celles-ci

43. Développons maintenant par les méthodes connues les fractions irrationnelles

en séries rationnelles de la forme

et ainsi de suite.

On aura alors, en changeant dans la lettre en

On substituera cette valeur dans les équations précédentes, et l’on fera attention que sont fonctions de et seulement, que sont fonctions de et et ainsi de suite. En ne retenant que les termes sans sinus ni cosinus, on aura enfin ces équations, dans lesquelles est mis à la place de

Ce sont les équations qui servent à déterminer les variations séculaires des éléments et et l’on aura des équations semblables pour les variations séculaires de et de et en marquant simplement d’un, de deux,… traits les lettres qui n’en ont aucun, à l’exception de et réciproquement effaçant les traits de celles qui en ont un, deux,….

À l’égard des quantités on aura, pour leur détermination, les équations

comme il résulte des expressions de ces quantités (38) ; et, marquant les lettres et d’un, deux,… traits, on aura les équations de de

44. Comme dans les formules précédentes il entre non-seulement les quantités mais encore leurs différences premières et secondes, nous allons donner la manière de faire disparaître ces différences.

Et d’abord, puisque les coefficients résultent du développement d’une fonction homogène de et de la dimension ils sont aussi nécessairement de pareilles fonctions de et de la dimension de sorte que, par la propriété connue de ces sortes de fonctions, on aura

par conséquent

Ainsi la quantité

deviendra

De même, et par la même raison, la quantité

deviendra

et ainsi des autres ; moyennant quoi il n’y aura plus que des différentielles relatives à .

Au reste, quoique la propriété des fonctions homogènes dont nous venons de faire usage soit assez connue, en voici une démonstration bien simple. Si est une fonction homogène de plusieurs variables , qui forment partout la même dimension du degré il est clair qu’en substituant au lieu de la fonction deviendra étant une quantité quelconque ; si donc on fait étant une quantité infiniment petite, il faudra qu’en faisant croître les variables de la fonction croisse en même temps de ce qui donne évidemment l’équation

45. Voyons ensuite comment on peut déterminer les valeurs de et de leurs différentielles relatives à Pour cela je fais, en général,

en différentiant relativement à on aura

donc, multipliant par et substituant la valeur de ainsi que celle de il viendra cette équation identique

laquelle, en développant les termes et comparant, donnera d’abord

d’où l’on tire

et l’on trouvera de même, par la comparaison des autres termes, les valeurs de en et

Supposons à présent

donc : 1o multipliant par et comparant avec l’expression ci-dessus de on aura

2o multipliant par et comparant avec l’expression ci-dessus de on aura

mais il doit y avoir entre la même relation qu’entre en changeant seulement en en sorte que

donc, substituant cette valeur de on aura

De ces deux équations on tirera les valeurs de et de et l’on aura

Cela posé, différentions l’équation

en y faisant varier seul ; il viendra

donc

or

donc

équation qui devant être identique donnera par la comparaison des termes semblables

savoir, en mettant pour et leurs valeurs trouvées ci-dessus, et réduisant,

On trouvera de là, par la simple différentiation et substitution, les valeurs de

Les formules précédentes étant générales pour quelque exposant que ce soit, nous ferons pour les appliquer à notre objet ; et il est visible qu’alors les quantités deviendront celles que nous avons désignées par (43).

Nous aurons donc ainsi

et de là, en différentiant et substituant,

Mais on aura des formules plus simples en introduisant à la place des quantités les quantités qui résultent du développement de la fonction Car, en faisant et dénotant par les valeurs de dans ce cas on aura d’abord (numéro précédent)

et, substituant ces valeurs, il viendra

Or il est visible que les quantités ne sont autre chose que celles que nous avons représentées par dans le no 39 ; ainsi, en conservant ces dernières expressions, on aura

et, pour avoir les valeurs de il n’y aura qu’à changer en et ainsi de suite.

En substituant donc ces valeurs dans les coefficients des équations de et (43), ces coefficients deviendront des fonctions finies des quantités qui représentent les distances moyennes des Planètes, et qui doivent être regardées comme constantes et données par les observations.

46. Mais il reste encore à trouver les valeurs mêmes des fonctions et or c’est à quoi l’on ne saurait parvenir que par les séries ou les quadratures. L’un et l’autre de ces moyens a déjà été employé par les Géomètres qui se sont occupés de la Théorie des inégalités périodiques des Planètes, et l’on trouve dans leurs recherches les valeurs des fonctions dont il s’agit pour la plupart des cas que nous aurons à discuter de sorte que nous pourrions faire usage de ces valeurs, sans prendre la peine de les calculer de nouveau. Cependant, pour ne rien laisser à désirer dans la Théorie que nous avons entrepris de donner, voici une méthode fort simple et très-sûre pour déterminer les valeurs dont il s’agit avec tel degré d’exactitude qu’on voudra. Cette méthode consiste à regarder la quantité

comme le produit de ces deux-ci

à élever ensuite chacun de ces binômes à la puissance ce qui fournira ces deux séries

enfin à multiplier ensemble ces deux séries, en ordonnant les termes relativement aux puissances de et de et à remettre après cela à la place de et, en général, à la place de De cette manière la valeur de se trouvera naturellement exprimée par la série

dans laquelle, en faisant

on aura

Or, comme la quantité estaussi bien le produit de ces deux-ci il s’ensuit qu’on pourra changer, dans les expressions précédentes de en et réciproquement ; et il est clair que, pour avoir des séries convergentes, il faudra toujours choisir celles où la plus grande des deux quantités se trouvera en dénominateur.

47. Si dans ces formules on fait les expressions de deviendront celles des fonctions mais comme alors les coefficients ne forment pas une série décroissante, pour avoir les valeurs de et exprimées par des séries toujours convergentes, il vaudra mieux donner d’abord à une autre valeur, pourvu qu’elle soit telle, que des valeurs qui en résulteront pour et on puisse ensuite déduire immédiatement celles qui répondent à

Or nous avons donné plus haut (45) les formules par lesquelles, connaissant les valeurs de et pour un exposant quelconque on peut avoir celles qui conviendront à l’exposant si donc on y fait d’abord et qu’on désigne par et les valeurs des séries et qui se rapportent à cet exposant, et par celles qui se rapportent à l’exposant ou on aura

si ensuite on fait dans les mêmes formules et qu’on y substitue et au lieu de et il est clair que les valeurs de et qui en résulteront, seront celles de et puisque on aura donc ainsi

De sorte qu’en mettant pour et les valeurs précédentes et réduisant, on aura

48. Ainsi, en faisant

on aura

où l’on pourra changer à volonté en et réciproquement.

Ici les coefficients forment une série assez décroissante, en sorte que le dixième terme de cette série est déjà mais ces termes approchent ensuite de plus en plus de l’égalité ; d’où il suit qu’après avoir pris la somme d’un certain nombre de termes des séries ci-dessus, on pourra regarder les termes suivants comme formant à très-peu près une progression géométrique.

En général soit le terme auquel on se sera arrêté ; la somme de tous les termes suivants à l’infini sera nécessairement moindre que Or la plus grande valeur de a lieu lorsque l’on compare la distance moyenne de Vénus à celle de la Terre, auquel cas on a à très-peu près par conséquent et Ainsi dans ce cas, qui est le plus défavorable pour le calcul, la somme de tous les termes qui suivent sera toujours et elle le sera d’autant plus que le rapport des deux distances moyennes sera un plus petit nombre. Or je trouve dans ce cas que, si est le dixième terme de l’une ou de l’autre série, il sera par conséquent la somme des dix premiers termes donnera la valeur de la série exacte jusqu’à la sixième décimale ; ce qui est plus que suffisant pour notre objet. Dans les autres un plus petit nombre de termes suffira pour avoir ce même degré de précision.

49. Jusqu’à présent nous n’avons mis aux formules des variations séculaires qu’une seule limitation ; c’est que les inclinaisons et les excentricités des orbites soient assez petites pour qu’on puisse en négliger les carrés et les produits de plusieurs dimensions ; ce qui a effectivement lieu dans notre système planétaire. Cela supposé, nos équations sont entièrement rigoureuses et ont lieu également quelles que puissent être les masses des Planètes ; et comme ces équations ne sont que linéaires et ont tous leurs coefficients constants, elles peuvent toujours être intégrées exactement par les méthodes connues ; et la solution complète du Problème n’a plus d’autre difficulté que la longueur du calcul.

Mais lorsqu’on applique cette solution au système solaire, elle devient susceptible de nouvelles simplifications, dues à la petitesse des masses de toutes les Planètes vis-à-vis de celle du Soleil, et à la petitesse des masses de quelques-unes d’entre elles par rapport aux autres. On sait que Jupiter, la plus grosse de toutes les Planètes, a environ mille fois moins de masse que le Soleil ; donc, puisque nous prenons la masse du Soleil pour l’unité (37), les masses des Planètes seront toujours des nombres au-dessous d’un millième ; par conséquent ayant négligé, dans les équations différentielles des variations séculaires, les termes où se trouveraient les carrés et les produits des inclinaisons et des excentricités, on pourra à plus forte raison y négliger aussi ceux où les quantités monteraient au-dessus de la première dimension.

Or, puisque (38)

il est visible qu’en substituant successivement pour

leurs valeurs tirées des équations différentielles du no 43, on aura

les quantités et ayant tous leurs termes multipliés par ou ou par ou par ou Si donc on fait ces substitutions dans les seconds membres des mêmes équations, il faudra y négliger les quantités et parce qu’elles s’y trouveraient encore multipliées par ou ou

D’où il s’ensuit qu’il suffira de mettre, dans les équations dont il s’agit, au lieu de et au lieu de et par la même raison on y pourra changer en et en ce qui, d’après les réductions du no 44, les réduira d’abord à cette formule plus simple

en faisant, pour abréger,

Et, si l’on substitue enfin les valeurs trouvées à la fin du no 45, on aura

50. Changeons, pour plus de simplicité, les lettres en (il ne faut pas confondre ces avec celles qui représentaient les coordonnées rectangles dans le plan de projection, dont nous n’avons plus besoin dans nos calculs) ; et, conservant les caractères pour désigner les mêmes quantités que dans le no 40, faisons de plus

nous aurons ces équations

et, faisant pareillement

on aura aussi

Ces équations, analogues, comme on voit, à celles du no 40, serviront à déterminer les variations séculaires des excentricités et des aphélies, comme celles-là servent à déterminer les variations séculaires des inclinaisons et des nœuds. Car on aura ici

étant l’excentricité, la longitude de l’aphélie et sa latitude dépendante de l’équation

et à cause de la petitesse de et de ce que nous négligeons les quantités très-petites au-dessus du premier ordre, on aura simplement pour les valeurs de et de même pour celles de sont les excentricités et les longitudes des aphélies des Planètes

Si dans ces équations on change les quantités

en

et qu’on y prenne négatif, elles se réduisent à celles du no 40, les variables répondant à Ainsi les excentricités deviendront alors les tangentes des inclinaisons, et les longitudes des aphélies deviendront celles des nœuds

51. Le Problème des variations séculaires est donc résolu analytiquement, puisqu’il est réduit à des équations dont l’intégration est connue. Celles du no 40 ont déjà été intégrées dans le Mémoire cité Sur les variations séculaires des nœuds et des inclinaisons ; et l’on peut intégrer de la même manière les équations du numéro précédent.

On fera pour cela

étant des quantités constantes indéterminées ; on substituera ces valeurs, et il viendra ces équations de condition entre les constantes

dont le nombre sera égal à celui des coefficients indéterminés mais, puisque tous les termes de ces équations sont multipliés par un de ces coefficients, il s’ensuit que par leur moyen on ne peut déterminer que le rapport des mêmes coefficients, en sorte qu’il en demeurera toujours un, comme indéterminé ; en effet, en éliminant successivement ces coefficients, on parviendra à une équation finale où il n’y aura plus d’inconnue que la constante et qui servira par conséquent à déterminer cette constante. Cette équation se trouvera toujours d’un degré égal au nombre des coefficients qui est égal à celui des Planètes dont on considère l’action mutuelle, et aura en conséquence autant de racines.

Soient ces différentes racines ; et prenant autant de coefficients arbitraires et d’angles indéterminés on aura par la Théorie des équations linéaires ces expressions complètes de

les constantes devant avoir entre elles-des rapports exprimés par des fonctions de semblables aux fonctions de qui expriment les

rapports des constantes entre elles ; et ainsi des constantes

À l’égard des quantités qui ne sont pas encore déterminées, elles doivent l’être d’après les valeurs supposées connues des variables qui sont en même nombre que ces quantités, pour une époque quelconque donnée dans laquelle on fera pour plus de simplicité . J’ai donné, dans le Mémoire cité, pour cet objet, une méthode générale qui s’applique également au cas dont il s’agit, ainsi qu’à tous les cas semblables ; mais comme elle est peut-être plus curieuse pour l’Analyse qu’utile pour la pratique, je ne la rappellerai point ici.

Après avoir ainsi trouvé les intégrales des équations en on aura tout de suite, et sans aucun autre calcul, les intégrales des équations en en changeant seulement les lettres en les crochets carrés en crochets ronds, et mettant au lieu de dans l’équation en c’est ce qui suit évidemment de l’analogie déjà remarquée (numéro précédent) entre les deux systèmes d’équations dont il s’agit.

52. Si maintenant on substitue ces valeurs de à la place de dans l’expression du rayon vecteur que nous avons vu être (38), aux quantités du second ordre près,

on aura, en conservant, ainsi que nous en avons usé plus haut, la lettre pour dénoter la distance moyenne et représentant, en général, le rayon vecteur par on aura, dis-je,

De même, puisque

comme on l’a vu dans le no 29, si l’on fait

( est ici le rayon vecteur), et qu’on substitue pour les valeurs de qui sont exprimées d’une manière semblable à celles de on aura aussi

les constantes étant différentes de celles de l’expression de Ce sont les premières valeurs approchées de et

On aurait donc pu chercher d’abord ces valeurs par l’intégration immédiate des équations différentielles de et et puis en déduire la loi des variations séculaires des excentricités des aphélies, des inclinaisons est des nœuds. C’est ainsi que j’en ai usé il y a longtemps dans ma Pièce sur les Satellites de Jupiter[8], où j’ai donné le premier la véritable Théorie de ces valeurs, en résolvant d’une manière particulière les difficultés que l’intégration renferme et qui avaient échappé à tous ceux qui s’étaient occupés avant moi de la Théorie des Planètes. M. de Laplace a donné depuis, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris pour 1772, d’autres moyens de lever ces difficultés et d’arriver à la vraie forme des intégrales ; et, pour ne rien laisser à désirer sur le sujet que je traite, je vais faire voir ici, le plus simplement qu’il me sera possible, l’accord des formules, qui résultent de l’intégration des équations de et avec celles que je viens de trouver.

53. Commençons par chercher ces équations d’après celles du no 2. En y substituant à la place de et ou bien

à la place de (16, 29, 41), les deux premières se changent en

d’où l’on tire ces deux-ci

lesquelles serviront à déterminer le rayon vecteur et la longitude en

Ces équations se rapportent à la Planète on en aura de semblables pour chacune des autres Planètes en marquant seulement toutes les lettres d’un, deux,… traits.

Prenons maintenant la lettre pour désigner la distance moyenne, et représentons, comme plus haut, le rayon vecteur par soit aussi la longitude moyenne et l’expression de la longitude vraie ; il faudra : 1o que ne renferme aucun terme constant, mais seulement des sinus et cosinus ; 2o que soit une quantité constante et que ne contienne au contraire aucun terme tout constant.

On fera donc ces substitutions, et comme on suppose les orbites peu excentriques et peu inclinées, les quantités et seront toujours très-petites, et nous en négligerons les puissances et les produits de deux ou de plusieurs dimensions. Or la fonction se réduit dans cette hypothèse à une fonction de seulement (42) ; donc si, comme on en a usé dans ce numéro, on y change d’abord la lettre en la quantité deviendra

et la quantité deviendra

Ainsi, en faisant comme dans le no 37, les équations précédentes deviendront

et les quantités seront désormais constantes.

Pour rapporter ces équations aux Planètes on n’aura besoin que d’y changer en ou ou et réciproquement ces quantités-ci en celles-là.

54. Si l’on supposait les forces perturbatrices nulles, on aurait, en effaçant les termes qui contiennent et ses différences,

La seconde donne

il ne faut point de constante ici, puisque et n’en doivent renfermer aucune ; cette valeur étant substituée dans la première, elle deviendra

on égalera d’abord à zéro les termes tout constants parce que n’en doit renfermer aucun de ce genre ; on aura

ce qui réduira l’équation à

laquelle a évidemment pour intégrale

et de là on aura

et étant des constantes arbitraires.

On aura de pareilles expressions pour en marquant simplement les termes d’un, deux, traits.

Supposons à présent qu’en ayant égard aux forces perturbatrices les termes que nous venons de trouver dans les expressions de et deviennent

étant des constantes indéterminées ainsi que et et comme dans ce cas les équations de et renferment aussi supposons qu’il entre aussi dans les expressions de ces dernières variables des termes analogues, en sorte qu’on ait en même temps

étant de nouvelles constantes indéterminées.

Pour vérifier ces suppositions et déterminer en même temps les constantes arbitraires, on fera d’abord les substitutions précédentes dans les équations de et de et l’on y égalera à zéro les coefficients des sinus et cosinus de on les fera ensuite de même dans les’équations de et de et l’on égalera à zéro les coefficients des sinus et cosinus de et ainsi de suite.

Or il est visible que les quantités et ne peuvent donner des sinus ou cosinus de qu’autant qu’elles ne sont multipliées par aucun sinus ni cosinus ; qu’au contraire les quantités ne donneront de pareils sinus ou cosinus qu’autant qu’elles se trouveront multipliées par le sinus ou cosinus de et ainsi de suite. D’où il suit qu’en substituant dans les équations de et de la valeur de la fonction (43), il suffira d’avoir égard aux termes de la forme dont nous venons de parler. Ainsi l’on pourra d’abord les réduire à celles-ci

J’ai conservé dans la première les termes constants, parce qu’ils doivent former une équation à part servant à déterminer la relation entre et et à satisfaire à la condition que ne renferme aucun terme constant. Cette équation de condition sera donc

laquelle donne

valeur qu’on substituera dans la première des deux équations précédentes.

Si maintenant on substitue aussi dans l’une et dans l’autre, à la place de les expressions indiquées ci-dessus, et qu’après avoir développé les produits des sinus et cosinus en sinus et cosinus simples, on égale à zéro dans la première la somme des coefficient de et dans la seconde la somme des coefficients de on aura

On trouvera des équations analogues d’après les équations différentielles de et de et d’après celles de et de et ainsi de suite ; et ces équations ne différeront des précédentes qu’en ce que les lettres qui n’ont aucun trait en auront respectivement un, deux, (à l’exception de et de qui demeurent les mêmes pour toutes les équations), et qu’en même temps les traits manqueront à celles qui en ont un, deux,

55. Je remarque maintenant que les quantités doivent être supposées très-petites, et qu’on en doit négliger les puissances et les produits de deux ou de plusieurs dimensions (49). Or, si l’on regarde d’abord ces quantités comme nulles, les équations précédentes donnent

et l’on aura de même par les autres équations

Donc les quantités seront très-petites de l’ordre de par conséquent il faudra rejeter partout les carrés, les cubes, de et dans les termes qui sont déjà multipliés par il faudra faire

De cette manière la seconde des deux équations ci-dessus donnera d’abord

et la première deviendra ensuite

Or on a vu dans le no 44 que

et de même

et ainsi des autres quantités analogues ; donc, faisant ces substitutions et employant les quantités du no 49, l’équation précédente deviendra

Mais on a (54), aux quantités de l’ordre de près,

donc, puisque d’après les suppositions des nos 40 et 50 on a

et

il est visible que l’équation dont il s’agit étant divisée par se réduira à cette forme

et les équations analogues se réduiront de la même manière à celles-ci

Ces équations, en y changeant, si l’on veut, les lettres en sont les mêmes que celles du no  51 ; d’où il suit que les quantités et seront aussi les mêmes de part et d’autre. Et, comme les équations différentielles de et sont linéaires, il est clair que l’expression de sera composée d’autant de termes semblables que la quantité aura de valeurs différentes ; par conséquent cette expression sera de la même forme absolument que celle que nous avons trouvée plus haut dans le no  52, en mettant dans celle-ci, au lieu de sa valeur et négligeant la quantité parce qu’elle produirait des termes du second ordre que nous rejetons ; ce qui montre l’accord des deux méthodes à cet égard.

56. Pour faire voir aussi cet accord relativement aux expressions de je commence par substituer, dans l’équation différentielle de (2), à la place de ce qui la transforme en

et, mettant pour sa valeur tirée de l’équation de (53), on aura, après avoir divisé par cette équation de

On fera maintenant ici les substitutions de et à la place de et et ainsi des quantités analogues, comme on en a usé plus haut (53) ; et comme on suppose les orbites non-seulement peu excentriques, mais encore peu inclinées, on regardera les quantités et leurs analogues comme très-petites du même ordre, et l’on en négligera toutes les dimensions plus hautes que la première. On aura donc de cette manière la réduite

où, à cause que tous les termes de la valeur de (15) sont déjà multipliés par les quantités très-petites il suffira de mettre partout, tant dans que dans à la place de et d’y regarder en même temps comme constante.

Maintenant, puisqu’en faisant abstraction des forces perturbatrices on avait

ce qui donne

on supposera, en général, à l’imitation de ce que nous avons fait plus haut,

et de même

et, après avoir fait ces substitutions, on égalera à zéro la somme des coefficients de c’est pourquoi il suffira d’avoir égard dans l’équation ci-dessus aux termes qui peuvent donner de ces sinus, et qui se réduisent évidemment à ceux qui contiendront seul, ou multiplié par ou multiplié par et ainsi de suite.

Ainsi l’on aura, d’après les formules des nos 15, 39, 43,

équation qui, en faisant les substitutions indiquées, donnera sur-le-champ celle-ci

laquelle, en négligeant le carré de parce que est, comme on voit, de l’ordre de et substituant pour leurs valeurs (45)

se réduit à cette forme

Or (40)

et

donc enfin on aura

et l’on trouvera de la même manière, d’après les équations de

Ces équations s’accordent, comme on voit (en changeant en ), avec celles que donnent les intégrales des équations de (51) ; ainsi l’on aura pour une expression conforme à celle du no 52, en négligeant la différence entre les angles et laquelle ne produirait ici que des termes du second ordre dont on ne tient point compte.

57. Cette manière de résoudre le Problème des variations séculaires par l’intégration immédiate des équations différentielles de l’orbite, est, comme on voit, plus courte et plus facile que celle que nous avons suivie mais d’un autre côté elle ne paraît pas tout à fait si lumineuse ni si directe d’ailleurs elle demande qu’on connaisse déjà la forme générale des intégrales, et si l’on voulait chercher directement cette forme, ainsi que nous l’avons fait dans le Chapitre IV des Recherches sur les Satellites de Jupiter, on retomberait dans une analyse plus ou moins longue et compliquée.


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  1. Les Recherches Sur les équations séculaires du mouvement des nœuds et des inclinaisons des orbites des Planètes ont été insérées dans le Recueil des Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, année 1774 ; elles appartiennent à la troisième Section des Œuvres de Lagrange.(Note de l’Éditeur.)
  2. Œuvres de Lagrange, t. IV, p. 255.
  3. Ces Recherches insérées dans les Recueils de l’Académie des Sciences de Paris appartiennent à la troisième Section des Œuvres de Lagrange.(Note de l’Éditeur.)
  4. Œuvres de Lagrange, t. I, p. 609.
  5. Œuvres de Lagrange, t. IV, p. 255.
  6. Œuvres de Lagrange, t. IV, p. 159. et suivantes.
  7. Le Mémoire auquel il est fait ici allusion appartient, comme nous avons déjà eu occasion de le mentionnor, à la troisième Section des Œuvres de Lagrange.
    (Note de l’Éditeur)
  8. Cette Pièce, déjà citée, appartent à la troisième Section des Œuvres de Lagrange.
    (Note de l’Éditeur.)