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Massiliague de Marseille/p1/ch03

La bibliothèque libre.
Éditions Jules Tallandier (p. 47-74).


III

L’HACIENDA DE SAN VICENTE


— Oui, señorita. L’hacienda (ferme, gentilhommière campagnarde) est presque tout entière situés dans le Presidio (district, chef-lieu de district) de San Vicente, en bordure de la rive droite du rio Grande del Norte, qui nous sépare du Texas aujourd’hui rattaché aux États-Unis. Mes terres occupent une superficie de quatre mille kilomètres carrés…

— Quatre cent mille hectares, señor.

— Exactement. J’emploie cinq mille peones (ouvriers agricoles), environ trois cents vaqueros (vachers) ou caballineros (gardiens des chevaux en liberté), deux cents pulqueros (peones chargés de la récolte du pulque). Tous ces hommes, ma famille, ma fortune appartiennent, comme moi-même, à l’œuvre dont vous êtes la sainte inspiratrice.

La Mestiza tendit la main à son interlocuteur, qui la porta dévotement à ses lèvres.

C’était en effet la jeune fille qui conversait avec Fabian Rosales, hacendado (propriétaire d’une hacienda) de San Vicente et l’un des plus riches gentilshommes fermiers du Mexique.

Vingt années plus tôt, cet homme était arrivé dans le pays, sombre, triste. On avait appris qu’il venait de France, ayant éprouvé une grande douleur sur laquelle personne n’avait pu le décider à s’expliquer, qu’il se nommait Fabien Roseraie. Il possédait une certaine fortune sans doute, car après quelques semaines passées à explorer le pays, il avait acheté à vil prix la concession qu’il exploitait actuellement, devenue, grâce à son énergie, à son travail, à sa volonté, l’une des plus prospères de la République.

Dès le début, il espanolisa son nom, devint Fabian Rosales. Sévère mais juste, ce qui est la vraie bonté, l’hacendado, malgré sa taciturnité, malgré sa gravité mélancolique jamais déridée par le sourire, était adoré de ses subordonnés. Il y avait cinq ou six mois à peine qu’il était installé, quand un jour, une jeune Indienne Seri, employée aux plantations et réputée pour sa beauté, vint le trouver :

— Padrone (maître), dit-elle, tu m’as engagée pour cinq ans… tu as le droit de me retenir sur la propriété[1], et cependant je viens te demander de me laisser partir.

— Partir ?… pourquoi veux-tu t’éloigner, mon enfant ?

— Parce que la souffrance est sur moi.

— Que signifient tes paroles ? A-t-on été dur ou injuste à ton égard ?

— Injuste, je ne sais, soupira l’Indienne, dur, oui. Mais celui qui me peine est au-dessus des reproches, au-dessus de toi-même. C’est le Grand-Esprit[2].

Intéressé malgré lui par l’étrangeté du dialogue, Fabian demanda :

— Et quelle tristesse a-t-il jetée sur toi, pauvre fille ?

Sans fausse pudeur, elle répondit, ses yeux clairs fixés sur ceux de l’hacendado :

— Il m’a enlevé mon cœur et te l’a donné. C’est fou, n’est-ce pas, la peone rêvant à son padrone. Voilà pourquoi je te prie de me rendre la liberté. J’irai là-bas, bien loin, rejoindre les demeures de ma tribu. Les aveugles, dit-on, oublient les étoiles qu’ils ne voient plus ; peut-être oublierai-je comme eux !

Elle avait croisé ses mains sur sa poitrine en une attitude suppliante et résignée. Fabian la considérait en silence.

Soudain il se rapprocha d’elle.

— Jeune fille, murmura-t-il avec la voix hésitante de celui qui cède à une impulsion intérieure, jeune fille, la recherche de l’oubli est mauvaise à l’aurore de la vie. Elle chasse la gaieté, fane la jeunesse, racornit le cœur. L’oubli n’est bienfaisant qu’au milieu de l’existence à ceux que le malheur a cruellement atteints.

Et avec une émotion incompréhensible qui ternit ses yeux d’un brouillard humide :

— Le ciel voudrait-il que j’oublie enfin ?

L’Indienne se jeta à genoux :

— Tu pleures, padrone ; est-ce moi qui te fais pleurer ?

Mais il la releva brusquement, et présentant ses paupières aux lèvres de la Peau-Rouge :

— Non. Sèche mes larmes, enfant. Qu’avec elles s’évaporent mes souvenirs. Ne pars pas, le doux chant du cœur de la peone a ranimé mon cœur attristé. Le Grand-Esprit me verse par tes yeux la lumière consolatrice… Qu’il soit fait selon sa miséricordieuse volonté.

Quinze jours plus tard, Fabian Rosales épousait, au Presidio de San Vicente, l’Indienne Irahue dont le nom, d’allure prophétique, signifiait : aube blanche.

L’affection simple, naïve, de la fille du désert n’avait pas effacé la douleur mystérieuse enfouie dans le passé, de l’hacendado, mais elle l’avait adoucie. Trois filles : Inès, Vera et Anina, étaient nées de cette union.

Aujourd’hui, elles étaient respectivement dans leur dix-septième, seizième et dixième année, toutes trois brunes, au teint doré, aux yeux noirs, emplissant la maison de leurs chants, de leurs danses, des fusées cristallines de leurs rires, sérieuses seulement un jour par semaine, le jour où l’hacendado les conduisait à l’extrémité du parc réservé autour des bâtiments de l’hacienda, et où il s’agenouillait avec elles sous un berceau d’orangers, devant une dalle de marbre sur laquelle on lisait :

IRAHUE ROSALES
LE GRAND ESPRIT LUI DONNA MISSION
DE RAMENER LE CALME DANS UNE ÂME TROUBLÉE.
MESSAGÈRE FIDÈLE,
SA MISSION REMPLIE, ELLE EST RENTRÉE DANS LE SEIN
DE CELUI QUI L’AVAIT ENVOYÉE.

L’épitaphe mélancolique disait vrai. En plein bonheur, ayant en quelque sorte rénové l’âme de Fabian, la petite Indienne s’était endormie, un soir, de l’éternel sommeil, sans souffrance, sans secousse, sans que rien eût fait présager sa fin.

Elle ne s’était pas réveillée, voilà tout, et sur sa couche funèbre, son doux visage souriait.

Ange consolateur envoyé sur la terre, elle avait déployé ses ailes pour regagner les prés fleuris d’étoiles de l’infini, sans connaître les angoisses de la séparation.

Telle était l’histoire, au moins la partie connue de tous de l’hacendado qui, monté sur un superbe alezan, conduisait à travers sa propriété la Mestiza doucement, bercée par le trot régulier du cheval blanc, sans une tache, sur lequel naguère elle était apparue devant la cathédrale de Mexico.

Les promeneurs traversaient les champs d’aloès géants. Des pulqueros circulaient au milieu des plantes aux feuilles épineuses ; ils s’assuraient de leur degré de maturité, puis, quand ils les jugeaient propres à fournir le pulque, ils se glissaient au centre, et creusaient une cavité dans le cœur de l’arbuste.

La sève laiteuse s’accumulait dans ces réservoirs. Les travailleurs la recueillaient dans des vases de bois, qu’ils allaient ensuite vider dans de vastes cuves, placées à l’abri de hangars.

Les cuves remplies, il suffirait de laisser fermenter durant une quinzaine, et le pulque serait prêt à être livré à la consommation.

Soudain, Dolorès murmura, parlant sa pensée sans en avoir conscience.

— Scipion Massiliague a dû quitter Mexico depuis un mois. Comment n’est-il pas encore arrivé ?

L’hacendado tressaillit :

— Vous êtes inquiète, doña Pacheco ?

— Oui, fit-elle, oui. Pour réunir le Congrès de toutes les républiques sud-américaines, j’ai dû proclamer le but… Les Nordistes le connaissent et les citoyens des États-Unis ne sont pas gens à hésiter lorsque leur intérêt est en jeu.

— Que craignez-vous donc.

— Tout. L’homme que j’avais choisi parce que, sous une faconde intarissable, bien faite d’ailleurs pour séduire les mestizos… — elle eut un sourire en prononçant ce mot, — sous cette faconde, dis-je, j’ai reconnu un cœur loyal, un esprit subtil et aventureux, incapable de trahison ou de pusillanimité. Avec cela riche, c’est-à-dire insensible aux conseils de la cupidité. Savez-vous qu’il était difficile, señor Rosales, de trouver un personnage, remplissant mieux les conditions requises pour entreprendre une expédition, au bout de laquelle on ne saurait guère rencontrer que la mort.

— Je le reconnais, en effet. Et ce m’est un étonnement de voir que vous, une jeune fille, hier encore une enfant, vous ayez fait toutes les réflexions que l’expérience a suscitées à ma cervelle de cinquante ans.

Dolorès continua sans paraître avoir entendu :

— Je crois mes mesures bien prises. Le secret du but du voyage ne pouvant être gardé, il fallait essayer de tromper ceux dont l’intérêt nous assure l’inimitié. J’ai donc enjoint au señor Scipion de se rendre, par chemin de fer, à Chihuahua. Là, deux de mes Indios Mayos, anciens émigrants du Pérou qui se sont fixés sur les rivages du golfe de Californie, et en qui j’ai toute confiance, deux Mayos l’attendaient avec des chevaux, pour le guider en dissimulant leurs traces à travers la Sierra de la Mostenas et le llano[3] de los Cristianos. La distance à parcourir est d’environ quatre cents kilomètres. Comment ne sont-ils pas encore arrivés ?

— Hé ! le llano est difficile, souvent impraticable. Alors il faut le contourner…

— J’ai aussi envisagé cette éventualité… Mais un mois, songez donc… un mois !

Fabian allait certainement essayer de rassurer sa compagne, mais son attention fut appelée par un cavalier qui galopait à travers champs, en soulevant un nuage de poussière.

— Quelque hôte s’est présenté à l’hacienda, dit-il, et l’on vient me prévenir. Je reconnais Guerrero, l’un de mes vaqueros.

— Sa venue annonce une visite ?

— Oui, il est âgé, et j’ai voulu lui assurer ses invalides en lui confiant la fonction peu pénible de m’informer dès qu’un ami ou un étranger fait appel à mon hospitalité.

— Ah ! si c’était Massiliague !

— Nous le saurons à l’instant. Venez à la rencontre de Guerrero, señorita.

Elle ne répondit rien, mais elle rendit la main à son blanc coursier, et Fabian, ayant imité ce mouvement, tous deux se dirigèrent vers le messager.

Bientôt celui-ci, un vieillard basané, aux cheveux blancs, arrêta sa monture, un vigoureux mustang[4] à deux pas des promeneurs, et levant son chapeau bossué, déteint, s’écria :

— Señor padrone, des étrangers demandent la nourriture et une couche pour la nuit prochaine.

— Leurs noms ? fit vivement Dolorès.

— L’un est un señor français…

— Un Français ?

— Et dit s’appeler Chapultepec.

— Ah ! s’écria Dolorès avec un geste de douloureuse impatience, ce n’est pas encore lui.

Et la tête penchée, en proie à des réflexions pénibles, elle ne parut plus s’intéresser à l’entretien.

Cependant, tout en se mettant en marche vers l’hacienda, Rosales interrogeait le vaquero :

— Chapultepec est un nom mexicain, mon brave Guerrero ; tu as dû mal entendre.

— Non, non, señor, répliqua le vieillard. Le caballero m’a dit : Je te donne la traduction de mon nom.

— La traduction… Ce voyageur s’appellerait donc Cigale.

Puis avec insouciance.

— Au moins c’est là un vocable français.

Puis, se ravisant :

— Ne m’as-tu pas annoncé plusieurs voyageurs ?

— Si, señor.

— Quels sont les autres ?

— Deux chasseurs.

— Bon, bon.

Poussant son cheval auprès de celui de la Mestiza, l’hacendado l’éperonna pour accélérer son allure, tandis que Guerrero retenait le sien, afin de suivre son maître à distance respectueuse.

Bientôt les cavaliers se trouvèrent sous les ombrages du parc, fraction de forêt équatoriale, dans les taillis de laquelle la hache avait défriché des avenues, et enfin ils mirent pied à terre devant le bâtiment principal de l’hacienda.

Ce bâtiment, vaste quadrilatère surmonté d’une terrasse, occupait l’une des extrémités d’un véritable village, formé par les cases du personnel, peones, vaqueros, pulqueros ou caballineros. Cinq ou six cents personnes s’étaient groupées en ce point. Les autres employés de l’exploitation se répartissaient en une dizaine d’agglomérations éparses sur la propriété.

Fabian traversa le large vestibule et pénétra dans la salle spacieuse où il pouvait réunir sans gêne trois cents personnes à dîner.

Près de l’angle d’une table, trois hommes étaient assis, humant, à l’aide de chalumeaux, une boisson fraîche que, suivant l’usage mexicain, les serviteurs leur avaient offerte dès leur arrivée.

— Les hôtes sont les bienvenus, dit gravement l’hacendado, ils sont la bénédiction du ciel. Ma demeure est honorée de vous recevoir.

Les visiteurs se levèrent aussitôt.

Deux d’entre eux étaient des géants, et si leur costume n’avait pas suffi à indiquer leur profession, leurs carabines à garnitures de cuivre, déposées dans un coin, eussent décelé des chasseurs des prairies.

Le troisième, de taille moyenne, mince, l’œil rieur et intelligent, la bouche un peu grande, surmontée d’une moustache châtaine, paraissait à peine vingt ans.

Il portait un complet de toile, et dans sa ceinture de cuir étaient passés deux revolvers.

Ce fut lui qui répondit aux hospitalières paroles de l’hacendado :

— Señor, le Texas est en pleine ébullition. Me rendant de San Francisco à la Nouvelle-Orléans, j’ai dû m’arrêter au fort Davis, les voies ferrées étant coupées sur plusieurs centaines de kilomètres, entre Fort-Bliss et Dallas, d’une part, puis sur le parcours de Fort-Bliss à San Antonio. Désireux d’atteindre New-Orléans et de m’y embarquer, j’ai fait marché avec les dignes chasseurs qui m’accompagnent. Ils me guident vers le Sud-Est, vers Piedras Negras, où je rejoindrai la ligne mexicaine de Mapimi à San Antonio. Je leur aurais cédé la parole, d’ailleurs, s’ils ne m’avaient affirmé que vous êtes Français comme moi.

Fabian Rosales tendit les mains au jeune homme.

— Français, vous êtes doublement mon hôte.

— Merci, señor.

Et se présentant :

— Cigale est mon nom. Des circonstances qu’il serait trop long de vous conter par le menu, m’ont fait prendre part à la dernière campagne des armées européennes en Chine. La guerre finie, un grand savant qui est en même temps un grand cœur, le prince Rundjee[5], Hindou d’origine, engagé par haine de l’Angleterre au service de la Russie, a manifesté l’intention de séjourner quelque temps dans le Nord du Céleste Empire avec sa femme, la princesse Na Indra et la sœur de celle-ci, Anoor qui est ma fiancée.

— Votre fiancée ! s’exclama l’hacendado. Et vous l’avez quittée ?

— Parce que j’ai vingt ans, señor, que je suis Français et que je me rends à Paris pour y remplir le premier des devoirs : accomplir mon service militaire.

Rosales salua.

— Comme j’étais venu au pays jaune par la mer Rouge et l’océan Indien, j’ai voulu retourner en France par le Pacifique, les États-Unis, la Nouvelle-Orléans et l’Atlantique ; histoire d’achever le tour du monde. Le hasard m’a forcé à un détour par le Mexique et je l’en remercie, puisqu’il m’a ainsi mis en votre présence.

Il y avait une aisance, une distinction réelles dans la façon dont fut débité ce petit discours. Quelques inflexions grasseyées, retour offensif de l’accent parisien, s’étaient seules glissées parmi les phrases correctes, leur donnant une sorte de piment, de saveur, que connaissent tous ceux qui ont entendu le langage des citoyens de la Ville Lumière.

L’hacendado serra les mains de son hôte avec effusion :

— Vous et vos compagnons ramenez la joie dans ma maison. Je m’inquiétais du retard d’un compatriote que j’attends, un Marseillais, el señor Massiliague. Maintenant je suis tranquille ; puisqu’un Français a pu trouver mon hacienda qu’il ne cherchait pas…

— En traversant les gorges des monts Apaches et de la sierra Santiago (Saint-Jacques).

— Chemin difficile… un autre Français parviendra bien à atteindre ma demeure qu’il cherche.

Les chasseurs, debout en arrière de Cigale, avaient échangé un coup d’œil rapide durant ces dernières répliques.

— Permettez-moi de donner des ordres pour que l’on vous conduise, vous et vos guides, aux chambres que je suis heureux de mettre à votre disposition.

À cette proposition, l’hôte de Rosales allait répondre par un acquiescement. Il fut prévenu par l’un des chasseurs.

— Excusez-nous, señor, si nous déclinons votre offre gracieuse. Nous autres, batteurs de prairie, sommes accoutumés à avoir le ciel comme plafond, l’horizon lointain comme murs. Nous étouffons dans les habitations des hommes. Aussi nous vous serions bien reconnaissants, si vous nous autorisiez à établir notre campement aux environs. Demain, au jour, nous viendrons reprendre le señor qui a loué nos services.

La demande en elle-même n’avait rien d’insolite. Les gens qui, le fusil sur l’épaule, parcourent les immenses territoires de chasse de la grande République nord-américaine, ont des habitudes d’indépendance, dont les Européens sédentaires ne sauraient se faire idée.

Rosales ne marqua donc aucune surprise :

— Agissez comme vous l’entendrez, braves chasseurs, dit-il. Demandez ce dont vous avez besoin et campez où il vous plaira.

Ceux auxquels il adressait ces paroles portèrent la main à leurs sombreros, et prenant leurs armes, quittèrent la pièce, laissant Cigale en tête à tête avec l’hacendado.

Du pas allongé et élastique que les coureurs du désert ont emprunté aux guerriers indiens, ils traversèrent les cours, laissèrent en arrière les habitations, puis continuant leur marche, ils disparurent bientôt entre les arbres d’un bois dressant sa ramure verte à deux kilomètres environ, au milieu de la plaine sablonneuse, hérissée de monstrueux aloès maguey.

À peu de distance de la lisière, ils s’arrêtèrent sous le couvert.

— Comme cela, fit d’une voix légère comme un souffle celui qui avait pris la parole en présence de Fabian, nous n’accepterons ni le pain ni le sel. Pas d’hospitalité, donc toute liberté d’action.

L’autre inclina la tête.

— Francis Gairon a la sagesse d’un grand chef, comme disent ces coquins de Peaux-Rouges.

— Ah ! Pierre, ma sagesse aurait dû me conseiller quelques mois plus tôt, car alors, je n’aurais pas signé le pacte qui me lie à sir Joë Sullivan.

L’engagé promena autour de lui un regard inquiet :

— Chut ! chut ! Il est peut-être aux environs. Deux mille dollars sont bons à recevoir. Inutile de lui apprendre que vous regrettez le marché. Ces Yankees, que l’enfer rôtisse, sont de fins renards, voyez-vous. Celui-là n’aurait qu’à résilier le marché…

— Plût au ciel qu’il le fît !

— Cela vous coûterait deux mille dollars…

— Cela me coûterait moins que de mentir, de tromper sans cesse. L’autre jour encore, nous étions au fort Davis, avec Sullivan. On apprend que les trains ne circulent plus, la voie étant coupée. Que nous ordonne l’Américain ? De nous offrir comme guides à ce jeune Français, sir Cigale, et de le conduire au railway mexicain, en passant par l’hacienda de San Vicente. Nous y voici. Nous avons acquis la certitude que Massiliague n’est point encore arrivé. Alors, nouveau mensonge pour esquiver l’hospitalité de l’hacendado. Nous campons ici, attendant quoi ? Toujours Sullivan qui nous a fixé rendez-vous en ce point ; Sullivan accompagné de dix soldats de la milice américaine, lesquels font partie de la garnison du fort Davis et ont troqué leur uniforme gris à parements rouges contre des tenues de chasseurs. Que résultera-t-il de notre entrevue ? Sans doute l’enlèvement, l’emprisonnement du brave Massiliague qui nous a arrachés à la potence. Et, mille diables, je dois m’estimer heureux de cette solution, puisque c’est à ma requête que mon sauveur sera captif au lieu d’être tué.

La voix de Francis se faisait rude. Une souffrance profonde se lisait sur son visage :

— Massiliague capturé, continua-t-il, ce sera pis encore. Car je devrai, je l’ai promis, aller à la Mestiza, à cette jeune fille que je vénère à l’égal d’une sainte, la supplier d’accepter mon dévouement feint, lui voler sa confiance pour mieux la trahir. Deux mille dollars, qu’est cela ? Pour être libéré de mon fatal engagement, je donnerais en outre ma petite maison du lac Ontario, les quelques économies réalisées pour la vieillesse, ma carabine elle-même, cette fidèle compagne de chasse et de guerre.

Peu à peu le ton du Canadien s’élevait et sa plainte bruissait sous la futaie avec des résonnances lugubres.

Soudain il se tut.

Le crépuscule commençait à tomber, et dans la pénombre, avant-garde de la nuit, un piaulement aigu de busard en chasse avait retenti.

Francis eut un geste violent, puis élevant sa main droite à hauteur de sa bouche, il répéta le même cri à deux reprises différentes.

Si parfaite était l’imitation que l’oreille exercée d’un Indien même n’aurait pu soupçonner que le signal sortait de lèvres humaines.

Puis, les deux Canadiens, appuyés sur leurs armes, demeurèrent immobiles, semblant attendre ceux dont le cri avait annoncé l’approche.

Ils n’attendirent pas longtemps.

Des ombres silencieuses se glissèrent parmi les arbres, les buissons. Toutes firent halte à quelques mètres du chasseur. Un homme seul s’avança jusqu’auprès de Francis.

C’était Joë Sullivan.

— Eh bien, brave chasseur, vous venez de l’hacienda Rosales ?

— Oui, monsieur Sullivan et même…

— Massiliague n’y avait pas encore paru ?

— Vous savez cela ? fit le géant blond avec étonnement.

— Ma foi oui, Massiliague lui-même me l’a appris.

— Massiliague ?

— Sans doute. Le llano de los Cristianos, qu’il devait traverser, est impraticable à cause de la sécheresse. Notre Marseillais a été forcé de contourner le désert, ce qui l’a retardé. À cette heure, il doit entrer à l’hacienda, au milieu des cris d’allégresse et des bénédictions des maîtres et des peones.

Francis secoua la tête :

— Vous voulez rire, monsieur Sullivan.

— Moi… Pourquoi supposez-vous cela, my old fellow (mon vieux garçon) ?

— Dame ! Il me paraît étrange que, l’ayant rencontré, vous l’ayez laissé passer, à moins que son escorte ne fût nombreuse.

— Deux Indiens Mayos formaient toute sa suite.

— Alors je ne comprends pas.

— Simple pourtant. Les combinaisons politiques ne paraissent pas vous être familières.

Francis ne répondit pas :

— Souvenez-vous donc que nous sommes ici en territoire mexicain ; un enlèvement à main armée entraînerait des complications diplomatiques… Le « champion » — Sullivan prononça ce mot avec une ironie mordante — le champion se serait défendu. Coups de revolver, bruit, l’hacienda mise en émoi ; au lieu de cela…

— Au lieu de cela ? interrogea curieusement le chasseur.

— J’ai abordé le señor Massiliague avec politesse, continua Joë. Il m’a reconnu.

« — Señor, lui ai-je dit, à Aguascalientes, vous m’avez blessé en combat loyal. Il m’est impossible de rester sur une défaite. Je réclame de vous une revanche.

— Hein ?

— J’étais sûr de l’effet. À votre service, répliqua ce niais ; quand vous plaît-il d’en découdre ?

— Demain au point du jour, avant que les serviteurs de l’hacienda de San Vicente soient répandus dans la campagne. Il s’esclaffa : — Vous aimez le mystère ? — Je crains d’être dérangé, voilà tout.

— Eh bien, consentit le faquin, c’est entendu.

— Et surtout silence, recommandai-je, les chasseurs qui m’ont servi de guides, seront les témoins…

— N’ayez crainte, la langue de Massiliague s’agite beaucoup, mais elle ne divulgue jamais un secret. Sur ce, nous nous saluâmes courtoisement. À l’aube, le gachupino viendra seul, sans défiance à la lisière du bois qui nous abrite… Quand on s’apercevra de sa disparition, j’aurai franchi le Rio Bravo del Norte et je galoperai sur le sol libre des États-Unis.

Mais s’interrompant soudain, le Yankee fit un signe aux hommes de son escorte.

Ceux-ci, des soldats réquisitionnés au fort frontière de Davis, s’étendirent aussitôt sur le sol et parurent s’endormir.

Alors Joë gagna la lisière du bois, gravit un petit mamelon dont le faîte dominait la plaine plantée d’aloès.

Au loin des lumières brillaient :

— On a illuminé à l’hacienda, murmura-t-il. Réjouissez-vous, bonnes gens, une surprise vous attend.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Sullivan ne se trompait pas.

L’arrivée de Massiliague, dont la Mestiza s’inquiétait avec juste raison, avait causé une joie générale. Vaqueros, peones, pulqueros, avaient salué de leurs acclamations celui qui allait remplir une mission, dont la portée réelle échappait peut-être à leurs cerveaux obscurs, mais qu’ils sentaient instinctivement devoir être profitable au Mexique, aux républiques sud-américaines.

Les filles de l’hacendado : Inès, Vera et Anina s’étaient associées à l’enthousiasme général.

Elles marchaient sans cesse derrière Scipion, le couvant de leurs yeux noirs, buvant ses paroles et le Méridional, excité par cet auditoire naïf s’abreuvant de galéjades comme de vérités évangéliques, ne tarissait pas en imaginations.

En ce moment, assis parmi ses hôtes à la table couverte de fleurs, éclairée à giorno par des bougies de cire jaune, il en lançait une très bonne :

— J’étais accoudé sur le bastingage du paquebot qui me ramenait d’Alger, où j’avais passé quelques jours parmi les Teurs (turcs).

— Qui vous ramenait où ? questionnèrent les trois sœurs.

— Où ? Mais à Marseille, pitchouns… Où voulez-vous qu’un navire, qui se respecte, reconduise des voyageurs ?… Je continue. Un coup de vent passe, enlève mon chapeau et l’emporte à la mer. Bagasse ! Cela me met de méchante humeur. Nous autres de la Cannebière, qui soufflons le mistral, n’aimons pas être bernés par une petite brise sans conséquence. Je dis au capitaine : Mettez une chaloupe à la mer…

— Oh ! oh ! souligna Cigale qui assistait au repas, vous teniez à votre couvre-chef.

— Eh ! oui… il valait son pesant d’or… que dis-je d’or, son pesant de diamants… de la paille d’Aubagne, tépandieou, qu’un fermier récolte sous cloche uniquement à mon intention. Le capitaine, un ourson du Nord, refuse… Ces gensses du Nord ne connaissent pas la paille d’Aubagne… Je tâche à lui espliquer. Tout à coup je regarde la mer… et qu’est-ce que je vois… je vous le donne en dix, en cent… en cent mille… Vous trouverez pas… un coquin de marsouin qui avait pris le cordon de mon « paille » dans sa bouche, et nageait autour du bateau, mon chapeau sur l’oreille… Il me narguait, le drôle… C’était trop pour ma patience. Ah ! coquinasse, je crie, apprête tes nageoires, je vais te faire poursuite… Et pan, je pique une tête. Tous les passagers clament, les femmes s’évanouissent… et je plonge, car mon rigoulin de marsouin, pris de peur, il avait cherché refuge dans les profondeurs insondables de la mer.

— Oh ! soupirèrent les jeunes filles avec uns naïve admiration.

Tendez, attendez donc, s’exclama vivement le Marseillais… jusque-là, ça n’était rien… mais rien du tout. Le marsouin descend, descend… peut-être à trois mille mètres, peut-être plus bas… Je le suis me contentant, pour lui apprendre à ne plus recommencer, de lui appliquer deux claques sur le museau. Là-dessus, je donne un coup de talon vigoureux, et je remonte à la surface des flots. Vite, je remets mon chapeau, car je suis sujet aux rhumes, et je voulais pas avoir froid à la tête… puis je cherche le paquebot. Disparu, envolé… à force de me tourner et de me retourner, je l’aperçois à l’horizon… gros comme un petit point.

— On vous avait abandonné ? s’écria Inès.

— C’est mal, ajouta Anina.

— Jamais des marins mexicains n’auraient agi de la sorte, déclara Vera qui se piquait de patriotisme.

Mais Massiliague leva le doigt :

— N’accusez pas le capitaine. J’étais resté cinquante-cinq minutes sous l’eau et dans l’ardeur de la poursuite, je n’avais même pas pensé à respirer. Donc, mes colombes en rieur, ce digne marin m’avait cru noyé… Son excuse est que l’on se noie dans le Nord.

— On ne se noie pas à Marseille ?…

— Eh ! non… jamais. Il arrive parfois qu’un Marseillais tombe à l’eau et y reste… Mais il y reste parce qu’il s’y trouve bien, té… Il se noie pas. J’avoue que me voyant seul, abandonné au milieu de la Méditerranée, je me mis mes mains dans mes poches et me pris la tête pour réfléchir. Soudain j’éclatai de rire.

— Quel courage, rirent en chœur les jeunes filles, mordant à la galéjade avec un entrain charmant.

— Non, non, mes chères, pas du courage, du simple bon sens. Je m’étais dit : puisqu’un bateau qui n’est qu’une machine, trouve le moyen d’atteindre le port, il serait bien surprenant qu’un Marseillais, ayant une âme et de l’esprit, n’en fit pas autant. Et je commençai tranquillement à tirer ma coupe, si bien que quarante-neuf heures, trente-sept minutes et dix secondes plus tard, j’entrais dans le vieux port de Marseille.

Scipion salua son auditoire et d’un ton détaché :

— Les journaux se sont occupés de cette petite affaire. Le gouvernement m’a décerné le titre de premier nageur de France, comme jadis à la Tour d’Auvergne celui de premier grenadier.

Puis, avec une exquise bonhomie :

— À Paris, ils m’appellent tous le La Tour d’Auvergne de la coupe.

Élevées comme le sont d’ordinaire les filles d’hacendados, Inès, Vera et Anina étaient d’une ignorance absolue en ce qui concernait la vie. Bercées de légendes indiennes, où des guerriers rouges accomplissent des exploits merveilleux, elles croyaient ingénument au récit de Massiliague.

On aurait tort de les railler d’ailleurs. Combien d’enfants de France tiennent pour réels les contes de fées. Aimer l’illusion, être entraîné vers la merveillosité, du reste, est un don de poète que le niais avide, acharné à la seule recherche de l’or, ne comprendra jamais. Et, justice immanente, l’or ne donne aucune satisfaction à ces êtres vulgaires, incapables d’embellir une existence par les fleurs de poésie, toujours closes et sans parfum pour leurs âmes obtuses et obstruées par la matière.

Mais Fabian Rosales considérait son hôte avec une inquiétude que sa politesse dissimulait à grand’peine.

Évidemment lui, comme Cigale (mis au courant lors de la venue du Marseillais) trouvaient étrange la tournure d’esprit du « Champion sud-américain ».

Certes, on peut rire, tout en se livrant à des besognes sérieuses ; mais devant un hâbleur de la force de Scipion, il était permis de se demander s’il possédait les qualités de force, d’adresse, de volonté, de dévouement nécessaires à l’accomplissement de la tâche ardue qu’il avait assumée.

Aussi lorsque l’on quitta la table, Fabian se rapprocha sans affectation de Dolorès Pacheco.

— Señorita Mestiza, dit-il, vous avez confiance en ce personnage ?

— Toute confiance, señor. Aussi brave, aussi loyal, qu’ardent à la plaisanterie.

— Vous en êtes certaine ?

— Oui.

L’hacendado secoua la tête :

— Me permettez-vous cependant de tenter une épreuve ?

Elle sourit doucement :

— Vous qui êtes prêt à vous sacrifier à notre cause, señor, vous avez le droit d’éprouver ceux qui la servent.

— Je vous remercie de ces bonnes paroles, señorita.

Sur ce, Fabian appela du geste un serviteur :

— Prends ma carabine à bison. Une cartouche à balle à l’intérieur, et tu viendras la déposer auprès de moi.

— Bien, señor.

Un instant après, le serviteur reparaissait portant l’arme.

Alors l’hacendado toucha le bras de Massiliague.

— Señor, dit-il, pour nager comme vous nous l’avez affirmé le faire, il vous a fallu un long entraînement.

— Peuh ! fit Scipion, cela m’est venu naturellement… en regardant voguer les tartanes !…

— Cependant vous avez dû négliger les autres sports.

— Les autres ?… Quels autres ?

— Le tir, par exemple.

— Le tir… allons donc… à cent mètres… je — le Marseillais hésita une seconde cherchant sa comparaison, puis triomphalement — je couperais une fourmi en deux parties égales.

L’incorrigible galéjadou se donnait carrière une fois de plus.

Cigale, le jeune voyageur parisien arrivé dans la journée, ne quittait plus Scipion. Le Parisien s’amusait de la verve intarissable du Marseillais.

— Une fourmi, en deux, répéta-t-il.

— Cela vous étonne ? s’empressa de demander Massiliague.

Avec le plus grand sérieux son interlocuteur répondit :

— Plus fort, clama le Méridional surpris. Vous connaissez quelqu’un peut-être qui ferait mieux que diviser une fourmi…

— Oui, un peu, je vous croyais plus fort que cela.

— En deux, parfaitement. À Paris, nous avons des tireurs qui coupent un cheveu en quatre.

La plaisanterie aurait blessé un vantard bordelais, mais, à Marseille, on a le caractère sociable. Scipion éclata de rire, frappa amicalement sur l’épaule du jeune homme et avec un accent intraduisible :

— J’ai toujours pensé que Paris était un faubourg de Marseille, té, je vois que je ne me suis pas induit en erreur.

À ce moment Rosales qui, depuis quelques secondes, regardait obstinément en l’air, s’adressa à Massiliague :

— Señor, le moment serait propice pour nous faire admirer votre adresse.

— À votre disposition.

— Voici un fusil — l’hacendado désigna la carabine que, suivant ses ordres, un domestique avait appuyée au mur à deux pas des causeurs. — Voici un fusil ; soyez donc assez aimable pour détruire ce vautour qui tournoie au-dessus de nos têtes. Vous sauverez ainsi la vie à quelques-uns des volatiles de la basse-cour.

Déjà Scipion avait empoigné l’arme.

À cinquante ou soixante mètres du sol, une forme noire se dessinait sur le ciel bleu sombre pailleté d’étoiles.

— C’est cela, le vautour ?

— Oui, señor.

— En ce cas, son compte est bon.

D’un mouvement rapide, le Marseillais épaula, visa à peine et fit feu. Aussitôt le rapace s’abaissa vers le sol et vint tomber presque à côté du groupe des causeurs.

Tous s’approchèrent. Le vautour était mort. Le projectile l’avait percé de part en part.

Et comme Fabian félicitait Scipion, celui-ci cligna de l’œil :

— Té, mon cher señor, on me prenait pour une mazette.

— Non, mais…

— Mais vous disiez… Ce brave Massiliague, il se vante. Avouez-le sans crainte ; j’ai bien vu, à table, vous étiez ému, comme une modiste, par la galéjade du nageur. Il faut bien rire un peu, mon bon, il faut rire.

Ma foi, l’hacendado ne résista plus. L’air du Méridional était si engageant, il y avait tant de finesse dans le regard du brave garçon, que le fermier, mélancolique et réservé, devina les trésors d’habileté, de droiture, enfermés sous l’écorce un peu vulgaire de celui dont il doutait un instant plus tôt.

Fabian traduisit cette impression un instant après, en murmurant à l’oreille de Dolorès :

— Comme toujours, vous aviez raison, noble Mestiza. À présent j’ai confiance. Pardonnez-moi d’avoir hésité.

La jeune fille lui tendit la main :

— Je n’ai vu dans vos paroles que l’intérêt que vous portez à ma personne et à mon œuvre.

Tout à coup des explosions multiples crépitèrent dans la nuit ; des peones, dissimulés jusque-là dans les plantations d’aloès, se lançaient des bastardos (sorte de pétards) qui, avant d’éclater, décrivaient des trajectoires de feu au milieu des ténèbres.

Ces manifestations pyrotechniques sont l’accompagnement indispensable de toute fête mexicaine. Ne point s’y livrer serait faire injure à l’hôte que l’on reçoit.

Or, étant donnée l’importance exceptionnelle de Massiliague, le personnel de l’hacienda se crut obligé de forcer la consommation de pétards. Durant près d’une heure, des traits flamboyants se croisèrent, accompagnés de détonations incessantes qui ébranlaient au loin l’atmosphère silencieuse de la plaine.

Puis les bastardos se firent plus rares. Quelques explosions isolées résonnèrent encore et enfin tout se tut. Les munitions étaient épuisées.

Alors l’hacendado souhaita le bonsoir à ses hôtes :

— Reposez en paix, amigos, dit-il, et soyez remerciés d’avoir bien voulu honorer ma maison de votre présence.

Chacun se retira dans sa chambre.

Or, dans un petit pavillon en retour, occupé par les señoritas Rosales, les trois sœurs étaient rassemblées.

Leurs têtes mignonnes se rapprochaient pour entendre les phrases murmurées tout bas.

Leurs yeux brillaient, car elles s’entretenaient des sentiments mystérieux et doux qui troublent le cerveau des jeunes filles.

Après avoir embrassé leur père, elles s’étaient dirigées enlacées vers le pavillon, mais au moment d’entrer dans la pièce, à elle réservée, Vera avait retenu sa sœur Inès, et la petite Annina, sous le prétexte qu’elle aurait peur toute seule dans la chambre qu’elle partageait avec sa sœur aînée, avait suivi celle-ci.

— Inès, avait dit Vera en rougissant, Inès, j’ai une grande faveur à solliciter de toi.

— Qu’est-ce donc, ma bien-aimée Vera ?

— Écoute. Tu es la plus âgée de nous trois. C’est donc toi qui dois te marier la première.

— À quoi vas-tu songer là ?

— À ce qui sera, chère sœur. Un caballero, un jour ou l’autre, pensera que le señor Fabian Rosales est père de trois filles, qui en toute sincérité ne sont pas tout à fait des laiderons. Alors ce cavalier viendra à l’hacienda et sollicitera ta main, Inès. Tu es trop bonne et trop belle pour que l’on te fasse l’affront de demander à m’épouser de préférence à toi.

Inès écoutait, le regard vague, doucement bercée par ces idées de mariage.

— Dis donc, interrompit Annina, si tu te maries, tu me garderas près de toi.

— Comment je te garderai ?

— Sans doute… tu es ma petite maman, en remplacement de celle qui est partie dans le soleil… et une petite maman ne quitte pas sa fille.

Un baiser sur le front fut la réponse de la sœur aînée à l’enfant.

— Eh bien, reprit Vera de plus en plus rougissante, je veux te prier, Inès chérie, de repousser l’hommage du caballero attendu si…

Elle s’arrêta, baissa la tête, toute troublée de ce qu’elle avait encore à exprimer.

La bonne Inès la prit dans ses bras et lui appuyant le front sur son épaule :

— Parle, n’aie pas peur. Ne suis-je pas ta sœur qui t’aime plus qu’elle-même ?

— Si, oh ! si.

— Alors explique-toi.

— Je n’ose pas.

Un nouveau silence suivit, bientôt rompu par la voix d’Inès.

— Vera, veux-tu que je t’aide, demanda-t-elle à sa cadette, qui, dans son émotion, semblait vouloir enfoncer son front dans l’épaule de son interlocutrice ; le veux-tu ?

— Oui, balbutia la jeune fille.

— En ce cas, je vais droit au but. Vera, ma mignonne, tu as distingué un caballero, n’est-ce pas ?

— Oui, avoua la pauvrette d’une voix à peine perceptible.

— Et c’est celui-là que tu me pries de refuser, s’il avait la pensée de songer à moi.

Les bras de Vera serrèrent plus étroitement le cou de sa sœur.

— Mais c’est entendu, ma chérie, poursuivit celle-ci. Est-ce que je pourrais vouloir une chose qui te peine ?

Et tendrement :

— Il ne te reste plus qu’à nommer ton… fiancé.

— Oh ! fiancé, répéta Vera, en secouant sa tête mutine. Il ne m’a peut-être pas même remarquée, et je suis folle de me préoccuper de lui.

Mais une larme perla sous sa paupière :

— Je suis folle, je le sais… mais je ne saurais empêcher mon cœur d’aller vers lui. Pourquoi est-ce ainsi ? Pourquoi ma pensée ne m’obéit-elle plus ?

— Qu’importe, si elle te mène au bonheur. Nomme-le, ma petite Vera, nomme-le.

La jeune fille hésita encore. Un dernier combat se livrait dans son âme ; enfin elle prit son parti :

— Tu ne te moqueras pas de moi ?

— Ai-je coutume de rire alors que tes yeux sont humides ?

— Non, c’est vrai et ma question est sotte, méchante. Pardonne-moi ; je vais tout te dire. Celui dont il est question est un homme étrange. Les autres n’existaient pas pour moi… lui, je l’ai vu à peine, et je souffre à l’idée de ne plus le revoir.

— Serait-ce ?…

Inès s’arrêta au moment de prononcer le nom qu’elle avait sur les lèvres.

— Achève, sœur chérie, supplia son interlocutrice.

— Non… celui auquel je songeais n’est pas un familier de l’hacienda… Il est venu en ce jour pour la première fois. Il en partira sous peu et n’y reparaîtra vraisemblablement jamais…

Un gémissement étouffé de Vera interrompit la jeune fille.

— Quoi… commença-t-elle…

— Ne gronde pas, Inès, supplia précipitamment la cadette… je sens que mon cœur cesserait de battre à l’instant si le señor Massiliague s’en allait pour toujours.

Toute la tendresse d’une âme ingénue vibrait dans l’accent de la mignonne créature.

Inès se sentit envahie par la pitié. Toutefois elle essaya encore de parler raison :

— Ma chérie, il ne saurait penser à toi, à l’instant où il se lance dans une entreprise hasardeuse.

— Pourquoi donc ? J’ai ouï dire que jadis, au pays de France, où naquit notre père, les gentilshommes se fiançaient avant de partir à la guerre, afin d’augmenter leur courage par un tendre souvenir.

— Oui, mais ces nobles étaient des gens graves, sérieux, tandis que le señor, lui, plaisante sans cesse.

— Son regard ne plaisante pas.

— Allons, allons, petite Vera, vas-tu me soutenir que tu l’as mieux observé que notre père ?…

— Non… notre père a une science bien plus grande que moi… mais aujourd’hui je ne suis plus la même que les autres jours ; il me semble que je lis dans la pensée de ceux qui se trouvent en face de moi.

— Enfantillage !

— Non, non, Inès, ne crois pas cela.

Et d’un ton triomphant :

— Si le señor Massiliague est tel que tu le dépeignais à l’instant, explique-moi comment la doña Mestiza, celle qui ne se trompe pas, celle dont la volonté a révolutionné cent millions de Sud-Américains, a placé en lui toute sa confiance ?

À cette question précise, Inès ne trouva rien à répondre.

Dans l’esprit des Hispano-Américains, où règne l’heureuse exaltation des poètes, la Mestiza était une messagère inspirée, suscitée pour créer la grande patrie du Sud. Telle Jeanne d’Arc dut apparaître aux habitants de France.

Même situation d’ailleurs. Naguère le doux pays de France se trouvait envahi par les armées saxonnes des rois d’Angleterre ; aujourd’hui l’Amérique latine subissait l’oppression des financiers de l’Amérique saxonne.

Conquête par le fer ou conquête par l’or amènent mêmes tristesses, mêmes angoisses, mêmes révoltes.

Et dans les deux cas, c’était une jeune fille qui jetait au monde le cri d’indépendance. La Mestiza pourtant n’était dirigée que par le souvenir ancestral des Incas, des Atzecs…

— Alors, reprit Vera, heureuse du silence de sa sœur… Alors, je te parais moins insensée que tout à l’heure.

— Oui et non.

— Qu’entends-tu par là ?

— Que la Mestiza a le don de lire dans les cœurs, que le señor Massiliague est, par le fait seul qu’elle l’a choisi, digne de mener à bien son entreprise.

— À la bonne heure.

— Mais que la fille d’un hacendado, fût-il plus noble, plus riche encore que notre père, serait audacieuse d’espérer s’unir à un tel héros.

Vera tressaillit ; son visage se décolora… ces signes de découragement s’effacèrent du reste promptement.

— Cela, dit-elle sentencieusement, cela c’est autre chose. Je ne partage point ton avis, Inès. Souviens-toi du romancero que nous chantions naguère.

Elle murmura en sourdine :

xxRose, ne dresse point ta corolle orgueilleuse,
xxNe crois pas être seule à séduire les yeux
xxxxxxDu souverain majestueux,
xxxxxxDe la princesse gracieuse.
Tout chef-d’œuvre divin, la plus humble fleurette,
xxxxxxÉclose au coin d’un bois,
xxPeut fixer les regards et couronner la tête
xxxxxxxxxxxDes rois.

Inès se prit à rire.

— Folle, fit-elle doucement.

— Folle, si tu veux, s’écria sa sœur. Seulement tu as ri, donc tu ne gronderas plus, et tu me permettras de mettre mon idée à exécution.

— Quelle idée ?

— Que fait une jeune fille de notre province lorsqu’elle désire un caballero comme époux ?

— Elle prend quelques fleurs de sospiriano (arbuste aux fleurs en calice panachées de pourpre et de bleu).

— Les dresse en bouquet qu’elle dépose la nuit sur le rebord de la fenêtre de celui qu’elle a choisi. Cela signifie : Cherchez qui vous recherche et sollicitez sa main.

— Oui, en effet. Une jeune personne peut ainsi marquer sa préférence sans se compromettre. Le señor visé dédaigne-t-il l’avance fleurie, il lui suffit de garder le silence et nul ne connaît celle dont il s’agit. Le futur se promène-t-il au contraire, le bouquet à la main, interrogeant du regard les yeux noirs qu’il rencontre, rien de plus facile que de se trahir.

— Tu m’approuves donc, Inès ?

— Il le faut bien, chère petite sœur. Demain nous cueillerons une gerbe de sospiriano.

— Demain, se récria Vera. Inutile d’attendre jusque-là.

Ce disant, elle élevait triomphalement en l’air une botte de fleurs, dissimulée jusqu’à cet instant derrière un fauteuil.

L’aînée des Rosales eut un geste de surprise :

— Quoi, tu avais déjà ?…

— Fait ma cueillette ? certainement.

— Et tu veux ?…

— La déposer cette nuit même sur la fenêtre du señor Massiliague. Demain il s’informera sans doute… et toi, toi… ma chère et sage grande sœur, tu confieras mon secret à notre père.

Et la pétulante petite personne se jeta dans les bras de son aînée.

Celle-ci n’avait d’ailleurs aucune objection sérieuse à formuler. La présentation du sospiriano est une coutume gracieuse de la province de Coahuila.

Sitôt dit, sitôt fait.

Pendant que les jeunes filles causaient, les hôtes de l’hacienda s’étaient couchés. Aucune lumière ne brillait sur la façade des bâtiments que la nuit claire teintait d’une obscurité bleutée.

À pas de loup, retenant leur haleine, s’arrêtant brusquement lorsqu’une feuille craquait sous leurs pieds, les trois sœurs parvinrent devant la croisée de la chambre occupée par le Marseillais.

Dans ce pays où la terre ne manque pas, où, d’autre part, les secousses volcaniques sont fréquentes, les habitations se composent uniquement d’un rez-de-chaussée. Il fut donc aisé à Vera de placer son bouquet.

Leur expédition terminée, les jeunes filles regagnèrent leurs chambres respectives. Bientôt leurs lumières s’éteignirent, semblant indiquer qu’elles aussi avaient cédé au sommeil.

Pour Inès et Annina, la conjecture était juste, mais il n’en était pas de même pour Vera.

Celle-ci ne put fermer les yeux.

L’éveil de son jeune cœur la remplissait d’un émoi profond. Élevée au désert, elle subissait l’empire de l’affection naissante, sans aucune des résistances qu’inspire la civilisation des villes.

Au point du jour elle se leva, et, jetant un peignoir de mousseline sur ses épaules, elle vint, anxieuse et troublée, s’asseoir auprès de sa fenêtre.

De là elle apercevait toute la façade principale de l’hacienda, mais elle regardait une seule ouverture qui se dessinait dans la lumière indécise. C’était la croisée de Massiliague. Sur le rebord, une tache noire indiquait à la señorita que son bouquet se trouvait toujours là. Comme elle regardait, elle distingua, venant, non des plantations de la pulqueria, mais du parc, où les peones n’avaient pas accès, une silhouette humaine se mouvant dans la pénombre matinale.

Quel était le promeneur ?

L’homme se rapprochait des bâtiments d’habitation.

Intriguée par ses allures mystérieuses, Vera entr’ouvrit sans bruit sa fenêtre. L’inconnu s’arrêtait au même instant devant la croisée de Scipion Massiliague. Il inspecta les alentours d’un coup d’œil circulaire, et rassuré sans doute par ce rapide examen, il heurta légèrement du doigt les vitres du Marseillais.

Presque aussitôt, celui-ci parut :

— Vé, fit-il d’une voix dont l’oreille de la jeune fille ne perdait aucune des vibrations. Vé, c’est vous ?

— Chut ! L’heure est venue. Je me doutais que vous feriez la grasse matinée et j’ai pris sur moi de vous avertir.

— Bien, bien… je vous remercie. Rascasse ! mon bon ! Il eût été joli de manquer un rendez-vous de cette importance. Je suis à vous, cher ami, je suis à vous.

L’inconnu leva la main :

— Pas par la porte donc, vous réveilleriez tout le monde… par la fenêtre… elle est à deux pieds du sol.

— Juste, mon bon !

Et les jambes du Marseillais parurent en dehors de l’ouverture.

— Eh ! fit-il alors, là sur le rebord… Que sont ces jolies fleurs ?

Vera frissonna de la tête aux pieds. Les fleurs dont parlait Massiliague étaient celles que sa main tremblante avait posées là, au début de la nuit.

Mais elle se dressa toute droite, les mains crispées sur sa poitrine, en entendant l’interlocuteur de Scipion répondre d’un ton railleur :

— Ça, c’est des sospirianos… un bouquet de mariage.

— De mariage ?

— Ces fleurs indiquent que vous êtes un bourreau des âmes, car la jeune fille qui l’a placé ici a voulu vous dire : cherchez qui vous recherche.

— Quoi ?

— Une coutume du pays, cher monsieur.

— Qui a pu ?…

— La Mestiza peut-être ou bien l’une des filles de votre hôte… Je ne vois guère qu’elles ayant une situation suffisante pour se permettre pareille démarche.

— La Mestiza ou l’une des petites señoritas, répéta Scipion… Parbleu ! j’éclaircirai cela après notre promenade.

Sur ce, il sauta à terre, et côte à côte avec l’inconnu, il gagna l’ombre des arbres qui les cachèrent bientôt aux yeux de la tremblante Vera.

Ah ! la señorita goûtait un bonheur sans mélange.

— Après la promenade, j’éclaircirai ce mystère, avait dit Massiliague.

Donc il ne méprisait pas l’hommage de tendresse posé sur sa fenêtre par une main naïve.

Et sa pensée chantant l’hymne des naissantes affections, Vera, sans voix, sans regard, sans conscience même, resta debout devant sa croisée ouverte, dans la clarté grandissante du matin.

À ce moment où la fillette se berçait des doux rêves d’avenir, celui qu’elle associait en imagination à sa destinée s’éloignait de l’hacienda avec l’homme dont la venue avait intrigué la señorita Rosales.

— Vé, dit le Marseillais en enjambant une feuille épineuse d’aloès, vous avez bien fait de me réveiller, monsieur Sullivan. Je dormais comme une motte.

— Je m’en doutais, repartit Joë, car c’était lui. Je m’en doutais. Le señor hacendado est réputé pour sa large hospitalité. Conséquence : coucher tardif, estomac bourré de victuailles, sommeil lourd et prolongé.

Scipion se prit à rire :

— Bagasse, vous parlez comme un membre de la faculté.

— J’ai la faculté de raisonner, voilà tout.

— Très joli… Vous tenez aussi le calembour, mon bon.

— Vous vous apercevrez avec le temps que je tiens tout ce qu’il m’importe de tenir, affirma le Yankee avec ironie. Que voulez-vous ? nous autres, Américains du Nord, sommes gens pratiques…

— Et ma foi, dans la circonstance, je ne saurais vous en blâmer.

Étant donnée la situation respective des deux causeurs, le guet-apens préparé par l’un contre l’autre, la réflexion de Scipion devait paraître très amusante à son compagnon.

Les traits de celui-ci se contractèrent en un rire silencieux, ses paupières se rayèrent de mille plis, et il eut un mouvement d’épaules équivalant à la phrase méprisante du citoyen des États-Unis qui vient de tromper un étranger :

— Enfumé le booby !

Maintenant le petit bois, où Joë et ses compagnons avaient passé la nuit, se montrait tout proche.

Massiliague le désigna du doigt :

— C’est là dedans, commença-t-il…

— Oui, l’endroit vous parait-il mal choisi ?

— Non… Un défaut pourtant…

— Lequel ?

— Bien proche de l’habitation. On entendra les coups de feu et l’on viendra nous déranger.

— Ne craignez pas cela.

— Que voulez-vous dire ?

— À l’hacienda, l’on n’entendra rien du tout.

— Bagasse, s’exclama le Marseillais, voilà qui est plus fort que de boucher l’entrée du port avec une sardine. Le señor Rosales, ses filles, ses hôtes, ses serviteurs ne sont point atteints de surdité.

— Je vous le concède…

— Eh bien, alors ?…

— Leurs oreilles ne percevront aucune détonation… une petite invention de votre serviteur.

Du coup la curiosité de Scipion fut très excitée :

— Et ce moyen ? interrogea-t-il.

— Je vous l’enseignerai dans un instant.

— Pourquoi pas de suite ?

— Parce que l’heure n’est pas venue. Mais rassurez-vous, señor Massiliague, elle n’est plus éloignée.

Les deux personnages s’engageaient sous les premiers arbres du bois. Quelques pas encore, et les buissons de la lisière les cachèrent. Si quelque peone avait traversé les cultures de la plaine, il n’eût pu deviner la présence des promeneurs.

— Tenez, s’écria soudain Sullivan, je ne veux pas vous taquiner plus longtemps. Je vais vous confier mon procédé.

— Voilà qui est bien, fit joyeusement Scipion. Ma trompe d’Eustache, elle est ouverte au large.

Une grimace énigmatique crispa les lèvres du Yankee.

— Oh ! c’est l’œuf de Christophe Colomb. Quand je vous aurai conté la chose, elle ne vous paraîtra peut-être pas intéressante. Je vous répondrai néanmoins : il fallait la trouver.

— Je le reconnais, mais parlez.

— Ainsi fais-je.

Et exécutant les mouvements à mesure qu’il parlait, Joë prononça lentement :

— Je coupe cette petite branche. Je la prends dans ma main droite… J’étends le bras… je décris trois cercles dans l’air, et je dis : Allez !

L’ultime syllabe vibrait encore quand plusieurs hommes, au costume de chasseurs des prairies, bondirent hors des buissons environnants.

Avant que Massiliague ahuri eût esquissé un geste, il était saisi, ligoté et un bâillon épais s’appliquait sur sa bouche.

Alors Sullivan s’inclina gravement :

— Le tour est joué, señor. Les habitants de l’hacienda ne percevront aucun coup de feu.

Après quoi, le Yankee, s’adressant à ses subordonnés, lança ce commandement bref :

— En route !

Entraîné par ses ravisseurs, Scipion fut conduit à l’extrémité opposée du bois.

Là des chevaux entravés attendaient sous la garde de deux individus, portant le même costume que les autres.

Le prisonnier fut jeté en travers d’un cheval, et toute la troupe, sautant en selle, partit au galop vers l’ouest, où une ligne verdoyante indiquait le cours du Rio Grande del Norte.

  1. Tel est en effet la loi mexicaine.
  2. C’est ainsi que les Peaux-Rouges désignent la Divinité.
  3. Désert herbeux, souvent privé d’eau.
  4. Le cheval fut apporté en Amérique par les Espagnols. Il s’y multiplia considérablement et revint même à l’état sauvage. Les mustangs sont des chevaux sauvages, capturés au lasso, et dressés.
  5. Voir les volumes : le Docteur Mystère ; Cigale, en Chine.