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Mes escalades dans les Alpes et le Caucase/Préface de l’Auteur

La bibliothèque libre.
Traduction par Maurice Paillon.
(p. i-ii).
PRÉFACE DE L’AUTEUR




Il est écrit dans les décrets de la destinée que l’alpiniste sera tôt ou tard victime de la « furor scribendi » ; comme il est inutile à un simple mortel de résister aux dieux, j’ai acquiescé à leurs désirs. Une juste récompense m’a été accordée en retour : bien que les délices d’aller à l’aventure à travers les grands champs de neige, ou de se plonger au milieu des forêts primévales de quelque vallée caucasienne, ne puissent être égalées par la joie d’édifier même le meilleur ouvrage de mémoire, je dois dire pourtant que le travail d’assemblage de tous ces vieux incidents de voyage, le souvenir des gaîtés et des craintes, des luttes désespérées et du sauvage triomphe de victoires déjà anciennes, ont coloré beaucoup de mes soirées d’hiver des teintes chaudes des couchers de soleil alpestres et ont aussi raffermi à nouveau de vieux liens d’amitiés éprouvées ; jusqu’à un certain point même, ce travail m’a fait revivre cette jeunesse téméraire, heureuse, infatigable, alors que les longues montées de gazons, les pénibles pentes de pierres et tous les autres maux de la vie n’avaient pas encore eu la puissance de troubler mon âme.

On ne trouvera ici, je le crains, mélangée aux histoires de rochers et de séracs, d’orage menaçant et de temps parfait, aucune contribution à la science, il la topographie même, ni à un enseignement d’aucune sorte. À dire vrai, je n’ai que les idées les plus vagues au sujet des théodolites comme des planchettes de planimétrie : leur nom seul est pour moi une abomination. À ceux qui pensent comme moi, qui considèrent l’alpinisme comme un jeu sans mélange, je dédie ces pages. Puissent-elles, en une sorte de clair-obscur, refléter la joie et l’espièglerie de vacances ensoleillées : leur principale mission aura été accomplie, et une douce fierté viendra caresser leur auteur.

Je dois mes plus sincères remerciements aux amis qui ont mis à ma disposition des dessins et des photographies ; je sens en vérité que ma dette envers eux est au dessus de toute expression.

A. F. MUMMERY.