Aller au contenu

Mirages (Renée de Brimont)/Paroles

La bibliothèque libre.

MiragesEmile-Paul Frères (p. 103-104).

PAROLES

Sous les remous du voile que j’éploie,
prenez mon front, mystère taciturne,
prenez mes yeux et leur flamme nocturne,
et mes deux mains, fraîches coupes de joie…

Nous partirons vers des rives sereines,
vers des jardins aux fleurs miraculeuses ;
nous apprendrons toutes les nébuleuses
qui sont là-haut d’impériales traînes ;

nous connaîtrons le chant des brises molles
dans l’infini qu’une aube divinise,
les vagues soirs lunaires de Venise,
et le sommeil au rythme des gondoles ;

nous voguerons en de muets caïques
le long des ifs et des palmes mouvantes,
et nous suivrons de défuntes Infantes
jusqu’aux parvis d’or et de mosaïque ;

les nuits du Sud aux profondes haleines
nous porterons des Indes jusqu’en Chine
où nous ferons un souper, j’imagine,
avec de blancs magots de porcelaine ;


nous baignerons en des sources d’opale,
en de grands lacs dont frissonnent les ondes,
et nos désirs, et nos tendresses blondes,
et nos langueurs nostalgiques et pâles ;

je vous dirai, plus doux que des oranges,
plus merveilleux que les pas d’une danse,
des vers bercés par la souple cadence…
Vous vous perdrez dans mes songes étranges !

Prenez, prenez ces longs cheveux de cendre
sous les remous du voile que j’éploie,
et mes deux mains, fraîches coupes de joie,
et mon amour tenace, faible et tendre.