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Mirages (Renée de Brimont)/Rythme au papillon mort

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MiragesEmile-Paul Frères (p. 111-112).
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RYTHME AU PAPILLON MORT

Passant miraculeux, fleur bizarre et fatale,
vos antennes, vos doubles pétales
qu’une rose tremblante embauma longuement,
lunaire papillon, chose furtive et tendre
à la robe d’émail et de cendre,
vos ailes désormais reposent, frêle amant
qui suiviez tant et tant de méandres !

Hésitant et muet, votre vol a touché
— ah ! le front endormi de Psyché
sur ce nocturne seuil où se meurent des lampes ;
vol hésitant et doux, muet et sinueux,
vol léger dont les sillages bleus
mêlent aux voluptés paresseuses qui rampent
des caprices, des rires, des jeux.

Vol muet et léger… Merveille des merveilles !
Tout dormait… Tout s’émeut et s’éveille
lorsque vous pénétrez aux blancs jardins d’ennui ;
une haleine soudain sur les corolles danse,
et la lune sur l’eau se balance,
et les brouillards touffus oubliés dans la nuit
luisent, luisent d’étranges nuances…


Et je dormais aussi quand votre aile a touché
— ah ! le front endormi de Psyché,
faible adorablement, virginale et captive…
Et ce vol sinueux plein d’aise et de langueur
a frôlé tour à tour d’autres fleurs…
Et je vous ai senti comme une flamme vive
palpiter, palpiter sur mon cœur !

Mais voici que défunte est l’ivresse fugace ;
effacés, le sillage ou la trace
des pétales de cendre et d’émail-champlevé…
Et vous reposerez désormais, frêle chose,
voyageur qu’embaumait une rose,
dans l’immobile ardeur du poème achevé
sous la lune — la lune morose.