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Mon erreur

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Traduction par Gérard de Nerval.
Garnier frères (p. 388-389).

MON ERREUR


J’ai voulu longtemps les juger sur des faits et non sur des paroles, et, feuilletant les pages de l’histoire, j’y suivais attentivement les Français.

Ô toi qui venges l’humanité des peuples et des rois qui l’outragent, véridique histoire, tu m’avais fait quelquefois de ce peuple une peinture bien effrayante.

Cependant je croyais, et cette pensée m’était douce comme ces rêves dorés que l’on fait par une belle matinée, comme une espérance d’amour et de délices ;

Je croyais, ô liberté ! mère de tous les biens, que tu serais pour ce peuple une nouvelle providence, et que tu étais envoyée vers lui pour le régénérer.

N’es-tu plus une puissance créatrice ? ou si c’est que tu n’as pu parvenir à changer ces hommes ? leur cœur est-il de pierre et leurs yeux sont-ils assez aveuglés pour te méconnaître ?

Ton âme, c’est l’ordre ; mais eux dont le cœur est de feu s’animent et se précipitent au premier signe de la licence.

Oh ! ils ne connaissent qu’elle, ils la chérissent… et pourtant ils ne parlent que de toi, quand leur fer tombe sur la tête des innocents : oh ! ton nom alors est dans toutes les bouches.

Liberté, mère de tous les biens ! n’est-ce pas encore en ton nom qu’ils ont rompu de saints traités en commençant la guerre des conquêtes.

Hélas ! beau rêve doré du matin, ton éclat ne m’éblouit plus ; il ne m’a laissé qu’une douleur, une douleur comme celle de l’amour trompé.

Mais quelquefois, dans un désert aride, il se présente tout à coup un doux ombrage où se délasse le voyageur : telle a été pour moi Corday l’héroïne, la femme-homme.

Des juges infâmes avaient absous le monstre ; elle a cassé leur jugement ; elle a fait ce qu’aimeront à raconter nos neveux, le visage enflammé et baigné de larmes d’admiration.