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Monde/Conclusion

La bibliothèque libre.
Mundaneum (p. 401-404).

Pour conclure


Ici s’achève cette vue d’ensemble sur le Monde et ce qu’il contient : simple et bien insuffisante esquisse.

Problèmes, furent les premiers mots. Il serait désirable pour la fin de pouvoir dire en quelques sentences condensées ce qui serait solution ou réponse : conclusion scientifique, sentiment esthétique, plan d’action pratique. Principes, bases, crédo, ode, guidance, orientation, inspiration : que ces sentences sont donc difficiles à formuler !

L’équation du monde. — Le monde se présente comme le développement d’une seule grande équation dont tous les termes soient développés au degré de détail et selon les sous-classements qui conviennent, dont les termes soient exprimés avec suffisamment de concision pour que d’un seul regard on puisse les percevoir et méditer sur leurs rapports respectifs.

Le Monde = 1. Choses(Nature, Homme,
xxxSociété, Divinité)
2. Espace

3. Temps
SUJET 4. Le Moi (Connaissance,
xxxsentiment, action).
5. Les Créations (synthèse,
xxxharmonie, organisation).
6. Expression
7. Inconnu
et
mystère


M =
C (N + H + S + D)
E
T
M (c + s + a)
C (s + h + o)
E
(x + y)


Les choses. — Le monde est immense, varié, ancien et toujours jeune ; il est en perpétuel mouvement, transformation et devenir. Le monde est à la fois une merveille et une horreur, étant simultanément un vaste champ d’édification et de destruction. Il passe de l’homogène à l’hétérogène, de l’évolution à la dissolution, à la nouvelle évolution. Quant à l’espace, le monde est supposé fini mais illimité, allant de l’immensément grand à l’immensément petit. Quant au temps, il est mesuré par des milliards de milliards d’années lumière et par des millionièmes de seconde.

Les créations humaines. — La nature est indifférente à l’homme ; les hommes largement indifférents aux autres hommes, mais des liens d’interdépendance unissent tout. Rapportées à l’homme, à son existence, à ses civilisations, les choses se passent comme si elles étaient livrées au hasard, alors cependant qu’une intervention favorable tente d’y réaliser création, développement, ordre, organisation.

Constatation. — La vie est à monter d’une ascension courageuse et continue. Vérité, beauté, bonté deviennent les idéals. L’absolu a fait place au relatif. L’inconnu, le mystère, l’énigme sont partout. Les méthodes pour les réduire grandissent. L’existence d’êtres supérieurs, si elle est difficilement démontrable, reste hypothèse possible. L’homme est citoyen non seulement de son pays et de la terre, mais citoyen de l’univers.

Le Renouveau. — Il y a eu la Renaissance. Il nous faut le Renouveau. Un homme nouveau doit naître. Une société nouvelle doit naître. La chenille, vilaine, abjecte, rampante, pleine de viscosités et de poils répugnants, doit faire place au papillon admirable, s’envolant dans le ciel pur en y déployant la merveille de ses formes, de ses couleurs, de ses mouvements. Il faut un amortissement du passé : amortissement des vieux principes, des vieilles valeurs, du vieil outillage, des vieux desseins. Amortissement des institutions, remise des dettes, amnistie. Il faut écarter tout ce qui empêche le renouveau, tout ce qui tient hommes et société dans les rets d’un filet paralysateur. Mais il faut appeler et exalter tout ce qui va faire surgir, dans l’homme et dans la société, des aspirations, des forces, des actes nouveaux.

Le monde A est celui qui stationne, s’il ne rétrograde pas, est désireux de vivre en détruisant, tout en risquant d’être détruit lui-même, monde qui demeure enfermé dans les formes passées, dirigé par les conceptions d’hier. Le monde B est celui qui va de l’avant, raisonne, construit, marche vers une mutation de formes anciennes, vers des formes nouvelles.

Le monde A est puissant de toutes les forces d’inertie et parce qu’il est résigné ou brutal, laissant au hasard le soin de décider le plus souvent, de toute manière ne tirant pas les conclusions ultimes des prémices auxquelles il serait lui-même arrivé. Le monde B a pour lui la logique et l’intuition. Il dispose des forces d’une humanité qui se refuse à l’inactivité ou à la répétition et qui est pleine d’enthousiasme épique, lyrique et non seulement héroïque et tragique. Ce monde estime qu’il ne faut redouter ni changement, ni évolution, ni transformation, ni révolution. Il professe que l’idée est la puissance ultime de la société totale aussi bien que de l’homme isolé et, à des degrés dégradés, de tout être voire même de la nature entière. Par conséquent, le monde B propose une corrélation plus étroite des organismes agissants, une convergence vers un point central, l’élaboration et l’exécution d’un Plan Mondial.

L’unité. — Non pas à la manière mécanique qui broie la pierre et en fait du sable, à la manière chimique qui décompose chacun des corps et tend à les réduire à un même élément ; mais l’unité à la manière de la musique. Dans les masses vocales et instrumentales, chaque voix, chaque instrument demeure soi, s’associe en famille de voix et d’instruments et se produit tour à tour en soli ou en tutti, affirme et développe les « soi », les familles, l’unité, les associations, les nations, mais les rassemble aussi en humanité, et par delà, en univers.

Mystère. — Du Monde, de Dieu, donner la définition compréhensive qui en fasse l’objet d’aspiration inconditionnel, par qui le moi et le non moi, demeurés distincts, puissent s’abîmer en une même grandeur, en un même infini : « In illo vivimus, movemur et e sumus ». Énigmes. — Raison d’être du Monde ? Pourquoi les êtres, pourquoi les phénomènes ? La vaste nature marche impassiblement comme un mécanisme colossal, les choses se renouvellent sans cesse, l’homme lui-même n’est qu’un atome qui parait et disparaît aussi vite. Quelle est la signification de tout cela ? Et si la réponse est Dieu, la question se précise : Pourquoi Dieu existe-t-il plutôt que de ne pas exister ? Pourquoi quelque chose existe-t-il au lieu de l’absolu néant ? Grandiose mystère !

Exaltation. — Courage donc Humanité ! Courage, ô Homme : simple roseau, mais roseau pensant. De ce que seule parmi toutes les races connues, ta race a acquis la compréhension, ce fut sans trêve, et par chacun, et par tous collaborant ensemble, l’œuvre de découvrir la réalité et sa signification profonde. Tes découvertes successives n’ont fait qu’exalter en toi l’esprit de recherche, de lutte et de vie. Rien d’advenu n’a su rabattre : ni que tu aies vu renverser un jour les illusions dorées sur ta destinée, ni que tu aies appris que ta royauté terrestre était réduite à celle d’une humble parcelle d’existence disputant l’être à l’infinité des autres parcelles. Courage ! Et pour l’honneur de ton esprit, et pour la grandeur de l’épopée humaine, et, aussi, s’il te fallait croire en une harmonie quand même, pour être dit : « Ad majorem Dei gloriam ».