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Montcalm et Lévis/07

La bibliothèque libre.
Imprimerie franciscaine missionnaire (p. 168-173).

II

Quelques détails historiques sur mes personnages


(1)

Montcalm


Tous ceux qui ont lu les deux beaux volumes de l’abbé Casgrain sur Montcalm et Lévis, et le magnifique ouvrage de l’Honorable M. Chapais consacré à Montcalm connaissent déjà les détails historiques qui suivent. Je les ai empruntés à leurs ouvrages.

Montcalm a été une des grandes gloires militaires de la France. Mais c’est ici qu’il est mort, et qu’il repose depuis un siècle et demi dans notre chapelle des Ursulines.

Mieux que la France, croyons-nous, nous avons gardé sa mémoire, et nous le considérons justement, il me semble, comme une des gloires du Canada.

Dans un discours que j’ai fait à Paris en 1875, j’ai pu dire aux Parisiens que dans leur admirable ville, toute peuplée de statues, j’avais vainement cherché celle de Montcalm. Et dans l’énorme dictionnaire d’histoire et de géographie de Bouillet, où quelques lignes seulement sont consacrées à Montcalm, je lis ce détail au nom de Lévis : « Lévis fut envoyé au Canada pour remplacer Montcalm, tué devant Québec. »

Il faut admettre que les Français d’aujourd’hui sont mieux renseignés sur notre histoire.

La mère de Montcalm, marquise de Saint-Véran, qui paraît dans le prologue du drame, était une femme tout à fait remarquable, et une grande chrétienne. Son mari était né huguenot. Mais elle l’avait converti à la foi catholique. Tout ce que notre héros avait de noble, de généreux et de chevaleresque, il le devait à sa mère.

Il avait épousé, le 3 octobre 1736, Angéline-Louise Talon du Boulay. Elle était bonne, douce, et ne partageait pas le goût de la guerre des Montcalm. Elle pleura sincèrement son mari, et habita le château de Candiac jusqu’à sa mort.

Elle eut deux fils et quatre fille. Louis, son aîné, qui prit le titre de marquis de Saint-Véran, fut député de la noblesse aux États Généraux. Il resta à Paris pendant la Terreur, soigneusement caché pour éviter la guillotine.

Au retour des Bourbons, Louis XVIII le nomma lieutenant général. Il avait épousé Jeanne-Marie de Lévis, nièce du vainqueur de Sainte-Foie.

Dans les deux dernières années de sa vie, Montcalm habita une maison de la rue des Remparts, à Québec, à l’endroit où se trouve aujourd’hui le maison No 49.


(2)


Lévis

Le héros de Sainte-Foie appartenait à une famille noble très ancienne dont les origines remontent au xiie siècle. Il descendait des Lévis d’Ajac de la branche cadette de cette famille, et il était né en 1720.

Militaire précoce, il fut nommé à 15 ans lieutenant au régiment de la marine ; et à 17 ans, il était capitaine.

En 1748, après les campagnes d’Autriche, de Bohême, d’Allemagne et d’Italie, il fut fait colonel et chevalier de Saint-Louis.

Il fit la guerre en Canada sous Montcalm, de 1756 à 1760 ; et de retour en France, il continua de guerroyer pour elle.

Il épousa Gabrielle-Augustine Michel de Tharon, et il occupa successivement les postes les plus brillants, entre autres celui de gouverneur de la province d’Artois. Enfin, il devint maréchal de France, et duc héréditaire. Il mourut en 1787 à l’âge de 67 ans, et sa veuve fut guillotinée pendant la Terreur.

Son fils, Gaston-Pierre-Marc de Lévis suivit d’abord, comme son père, la carrière militaire, et il y occupa de hautes positions. Plus tard, il est devenu un homme de lettres très distingué, et il publia plusieurs ouvrages, qui le firent admettre à l’Académie française.

Il mourut comblé d’honneurs le 15 février 1830.


(3)


La famille de Lanaudière

Giselle de Lanaudière, mon héroïne, a-t-elle existé ?

Je ne le crois pas.

Elle est fille de mon imagination, et je regrette beaucoup qu’elle n’ait pas été vraiment la petite fille de Madeleine de Verchères.

En écrivant l’histoire de ses amours avec le chevalier de Lévis, j’ai conçu pour elle un véritable attachement ; mais je n’ai pu faire davantage pour sa gloire que lui donner une illustre grand’mère, en imagination.

Les enfants de la fiction ont cela d’avantageux que leur auteur peut leur donner une illustre famille, et leur faire accomplir de beaux gestes, qui sont de la fiction. Ce qui est historique, c’est qu’au temps où Montcalm et Lévis demeuraient à Québec, Charles François Tarrieu de Lanaudière y vivait aussi dans l’ancienne rue du Parloir ; qu’il était pour eux un brillant compagnon d’amies, en sa qualité de capitaine dans les troupes de la Marine, et un ami ; que Madame de Lanaudière, née de Boishébert, était une femme distinguée, belle, charmante et très hospitalière, que Lévis et Montcalm fréquentaient beaucoup ; et je ne vois pas pourquoi M. de Lanaudière, qui avait alors près de 50 ans, et qui était fils de Madeleine de Verchères, n’aurait pas eu chez lui une fille ou une nièce aussi accomplie que Giselle, et dont M. de Lévis, célibataire, serait devenu amoureux.

Oui, cela aurait dû être, mais cela n’a pas été. Et, malgré mes recherches[1], dans les familles de Charles François de Lanaudière et de Jean-Baptiste, les deux fils de Madeleine de Verchères, je n’ai pu y trouver ma patriotique Giselle.

Mais chose curieuse, j’y ai fait la connaissance d’une Marie-Anne de Lanaudière, fille de Madeleine de Verchères, qui s’est mariée trois fois, et qui a été sur le point d’épouser en quatrièmes noces le célèbre M. de Bougainville.

Et si le malheureux Bougainville n’est pas venu au secours de Montcalm sur les plaines d’Abraham, c’est peut-être parce qu’il flirtait quelque part avec Marie-Anne de Lanaudière. L’amour ne rend pas seulement aveugle, il rend sourd aussi, et a empêché Bougainville d’entendre les détonations de l’artillerie française.

Cela n’a pas empêché Bougainville de devenir, plus tard, un illustre marin, de faire le tour «lu monde, de sillonner les mers en tous sens, et d’acquérir une grande célébrité.


(4)


Bigot et ses complices

Ceux qui liront mon drame ou qui l’entendront jouer, concevront sans doute pour ces autres personnages, qu’ils auront nuis à la scène, beaucoup de mépris et de haine. Et ils seront curieux de savoir quel accueil ce grand scélérat, chef de ce qu’on appelait la Grande Société, reçut à Versailles il son retour en France.

Leur satisfaction sera grande d’apprendre que la police Royale l’arrêta, et le renferma à la Bastille, avec ses complices.

Une commission présidée par le lieutenant-général de police et composée de vingt-sept juges au Châtelet, fit le procès des inculpés, qui se défendirent par tous les moyens que leur scélératesse leur suggéra.

Le procès dura quinze mois. Bigot et Varin furent bannis à perpétuité du royaume, et leurs biens confisqués. Cadet fut condamné à un bannissement de neuf ans et à restituer six millions. Les autres concussionnaires eurent à restituer des sommes variant de trente mille à six cent mille livres[2].

  1. J’ai à remercier Mde Neilson, née de Lanaudière, et notre éminent archiviste, M. Roy, pour m’avoir assisté dans ces recherches.
  2. (Voir l’abbé Casgrain).