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Monuments funéraires choisis dans les cimetières de Paris/49

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Planche 49


Les hommes qui, comme Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Molière, ont illustré leur pays, cessent en quelque sorte d’avoir une famille propre ; la nation, dont ils font la gloire, devient alors leur mère. A de pareils hommes, il ne faut pas de ces chétifs monumens funéraires qui les laisseraient confondus dans la foule des médiocrités : un temple somptueux devrait honorer leur mémoire. L’assemblée nationale avait senti cette vérité, sans doute, lorsqu’elle décréta que tous les grands hommes de la France seraient déposés au Panthéon après leur mort. Mais cet hommage éclatant rendu au mérite éminent n’aurait pas dû suffire à la reconnaissance nationale. Chacun de ces grands génies aurai dû avoir, pour recevoir ses dépouilles mortelles, un tombeau particulier digne de lui et de la nation qui le lui consacrerait. Que doivent dire les étrangers qui visitent nos monumens, lorsqu’ils voient le luxe des tombeaux des particuliers et la mesquinerie de ceux que nous avons cru devoir élever à nos grands hommes ! Quelle idée peuvent-ils prendre de cette nation qui se croit appelée à régler les mœurs et les institutions des autres peuples ! Voltaire, l’homme unique, universel, n’a pour dernière demeure qu’un misérable sarcophage en bois et en plâtre peint en marbre. Qui le croira ! Ce sarcophage est celui dont nous donnons la gravure ; le même qui, le 27 juillet 1791, fut placé sur le char funèbre qui transporta les dépouilles du grand homme de l’église de Romilly, située dans le département de l’Aube, au Panthéon français, où l’appelait le décret de l’assemblée nationale du 30 mai 1791.

Sur l’élévation postérieure, que nous ne reproduirons pas, on lit : Il combattit les athées et les fanatiques, il inspira la tolérance, il réclama les droits de l’homme contre la servitude de la féodalité ; et, sur l’autre élévation latérale : Il défendit Calas, Sirven, de la Barre, Montbailly. Ce monument provisoire, comme nous aimons à le croire, a été exécuté sur les dessins de M. Hubert, architecte. Déposé d’abord à Romilly, puis dans l’église souterraine de Sainte-Geneviève, qui venait d’être transformées en Panthéon, il fut quelques armées à l’abri de la détérioration que la fragilité de ses matériaux devait faire craindre ; mais sous le dernier règne des jésuites, le tombeau d’un homme qui avait mis au grand jour les turpitudes de leur ordre ne pouvait trouver grâce à leurs yeux, et, le 29 décembre 1821, il fut relégué avec celui de J.-J. Rousseau, dont nous parlerons bientôt, dans le caveau privé d’air qui est indiqué sur la portion du plan souterrain gravée sur notre planche. L’entrée de ce caveau fut murée. Cette précaution infernale donna une action telle à l’humidité, que le 20 août 1830, lorsqu’on voulut remettre ces tombeaux à leur place d’honneur dans l’église souterraine du Panthéon, les plus grandes précautions ne purent qu’en partie les préserver de la ruine.