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Mort d’Abduhl-Rahaman

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AFRIQUE.Colonie de Liberia, Mort d’Abduhl-Rahaman. — Cette colonie, formée par les soins de la compagnie de colonisation américaine, compte à peine huit ou neuf ans d’existence, et déjà elle renferme près de deux mille noirs libres qu’on y a transportés des États-Unis. Les premiers colons y arrivèrent au mois de décembre 1821, et y fondèrent l’établissement de Monrovia, près de l’embouchure du fleuve Muserado et du cap du même nom. Assaillis à plusieurs reprises par des peuplades voisines, ils eurent d’abord beaucoup de peine à se maintenir ; mais renforcés depuis par l’arrivée d’autres émigrans, et assurés de la protection de Boatswain, roi du Condoes, ils se sont étendus par degrés dans le pays et y possèdent maintenant plusieurs établissemens.

Le but de la société est de transporter sur la côte d’Afrique tous les noirs libres qui veulent s’y rendre, pour diminuer les gens de couleur des états méridionaux de l’Union où leur nombre, toujours croissant, ne laisse pas que d’inspirer des craintes sérieuses. La société a jusqu’ici dépensé 70,000 dollars qu’elle a employés à maintenir son agent, et à acheter un territoire de cent-cinquante milles le long des côtes et dont l’étendue intérieure est illimitée sur plusieurs points. La société a donné à la colonie une constitution et des lois (22 octobre 1828), qui garantissent aux habitans à peu près les mêmes droits et priviléges que ceux dont jouissent les citoyens des États-Unis. Leurs exportations, en 1828, ont été de plus de 68,000 dollars, et la valeur de leurs propriétés, à la même époque, pouvait être de 140,000.

Les pays voisins sont actuellement gouvernés par des princes amis, qui ont déjà fait eux-mêmes des progrès dans les arts de la civilisation. Les directeurs espéraient tirer le plus grand avantage de l’influence d’un ancien roi de cette partie de l’Afrique, conduit en esclavage aux États-Unis, et que la Société avait racheté pour l’envoyer à Libéria. Toutefois, les dernières nouvelles de la colonie nous apprennent qu’il y est mort, le 6 juillet dernier, peu de jours après son arrivée. Ce prince nommé Abduhl Rahaman, était né à Temboctou dont son grand-père était roi. Étant entré dans l’armée de Foutah-Jallo[1] qui dépendait alors de Temboctou, il fut chargé du commandement d’une expédition contre les Hebohs, fut fait prisonnier avec presque tous les siens, et mis à bord d’un bâtiment négrier, destiné pour les Antilles. Là, il fut vendu comme esclave, et ayant été ensuite envoyé à Natchez, il y vécut long-temps dans cette condition. Quelques années auparavant, le docteur Cox, chirurgien à bord d’un navire qui faisait le commerce sur la côte d’Afrique, ayant pénétré dans le pays, s’y égara, et fut abandonné. Après avoir erré quelque temps, il arriva à la capitale du Foutah-Jallo, où blessé et malade, il fut accueilli par Abduhl qui lui donna l’hospitalité durant six mois. Le docteur Cox, de retour aux États-Unis, ayant eu occasion de visiter Natchez, seize ans après, fut reconnu par le prince noir. M. Cox pénétré de reconnaissance et touché de compassion pour le sort de cet infortuné, lui procura la liberté, et le recommanda au gouverneur qui lui accorda un passage pour son pays natal. Sa mort est d’autant plus déplorable pour la colonie, qu’il était allié à plusieurs chefs puissans des pays situés entre Timbou et Temboctou, et que son frère Abduhl Kadre occupe le trône du Foutah-Jallo, royaume à peine éloigné de 200 milles de Libéria. Comme il écrivait l’arabe avec facilité et parlait plusieurs langues de l’Afrique, la Société espérait, par son intermédiaire, établir des relations importantes avec l’intérieur. Peut-être y parviendra-t-elle encore à l’aide de ses enfans, pour la rançon desquels des citoyens des États-Unis ont déjà souscrit quatre mille dollars.

L’institut théologique de Basle, en Suisse, vient d’envoyer à New-York, quatre missionnaires qui doivent s’y embarquer pour Liberia. Une branche de la Société de colonisation a tenu une assemblée dans cette ville, au mois de novembre dernier et le rapport qui lui a été lu sur l’état de la colonie, en donne une idée des plus favorables :

« Les profits immenses, y est-il dit, que les capteurs des prisonniers africains retirent de leur vente aux négriers le long des côtes, sont une des causes principales de la continuation de cet abominable trafic de chair humaine. La Société cherche à persuader aux naturels d’y renoncer et de se liver au commerce de l’ivoire, de la gomme, du café, des teintures et des drogues qui abondent dans leur pays, et pour lesquels les États-Unis leur enverraient en échange des étoffes de coton et de laine, des objets de quincaillerie, de la fayence, etc. Ce résultat, elle espère l’obtenir à l’aide des lumières du christianisme et de la civilisation, et alors quel service n’aura-t-elle pas rendu à sa patrie et à l’humanité en général ?… »

Bar…
  1. Foutah-Dialon.