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Néologie, ou Vocabulaire de mots nouveaux/Orléaniste

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Orléaniste. Ce mot a désigné d’abord le parti qui, attaché à la personne du ci-devant duc d’Orléans, dirigeait la révolution vers le but unique d’un changement de dynastie en faveur de ce prince et de sa postérité.

Dans tout ce qu’on a dit, dans tout ce qu’on pourrait dire encore de cette faction, ce qui étonne le plus, c’est qu’elle ait pu naître, s’étendre et se faire redouter jusqu’à la mort de son héros.

Il semble aujourd’hui qu’il suffisait de le nommer, pour dissoudre les complices de son ambition, et pour imprimer sur leur nom une honte éternelle.

Cela est si vrai, que la moitié des Parisiens et les deux tiers des Français rangent parmi les fables que la peur ou l’esprit de parti ont imaginées, la faction des Orléanistes.

Comment se persuader, en effet, que des intrigans habiles aient concouru, avec les amis de la liberté, à briser violemment l’antique système politique et administratif, parce qu’il consacrait tous les abus, et qu’il n’opposait au suprême pouvoir aucune digue, pour remettre ce même pouvoir dans les mains d’un homme mille fois plus distant du trône par ses vices et ses basses inclinations, qu’il n’en était près par sa naissance.

L’ambition des uns, la cupidité des autres parmi les chefs, ne résolvent pas cet étonnant problème.

Le projet de placer Philippe d’Orléans à la tête de la nation française, comme son chef suprême, suppose dans les auteurs de cette entreprise, une telle dépravation d’esprit et de cœur, qu’elle leur ôte le droit de s’indigner contre les bourreaux qui fléchirent un servile genou devant Robespierre, tous dégoûtans du sang que ce lâche usurpateur leur commandait de répandre.

Il est probable que la plupart se promettaient d’élever le fils, en servant le père. Le premier se distingua de bonne heure par son esprit, ses talens, son courage, et la volonté d’agir en toutes choses contrairement à la conduite de Philippe. L’existence d’une faction d’Orléanistes en 90, 91, 92, est une vérité historique.

Il n’est pas aussi généralement reconnu qu’elle existe encore.

Les royalistes purs, ceux, par exemple, qui incendient l’Ouest et allument des machines infernales, grossissent le parti des Orléanistes ainsi que d’autres plus impuissans encore, afin de manœuvrer avec sécurité derrière cet épouvantail.

La trame se dénoue : on saisit ici des prêtres ; là, des sicaires du gouvernement anglais ; et des doutes plausibles s’élèvent de nouveau sur l’existence des Orléanistes.

Cependant des hommes qui seront fameux par tout autre titre que ceux des vertus et de la gloire, ont passé par tous les orages de la révolution, sans néanmoins pouvoir se laver, dans cette longue traversée, de la tache que leur imprima, en 89, la dénomination d’Orléanistes. Le fer qui signale un coupable à la société, ne laisse pas une cicatrice plus profonde.

Ce nom frappe-t-il l’oreille d’un bon citoyen ? il lui retrace sur-le-champ les images de quelques hommes, et il croit voir des Orléanistes sous le masque du républicain, même à travers l’éclat des costumes.

Si c’est une erreur, à quoi tient-il qu’on ne puisse s’en défendre ?

Jamais aucun parti n’excita plus de défiance ; jamais la défiance des gens de bien ne fut plus opiniâtre.

N’est-ce pas un hommage que l’opinion publique rend au génie, à l’habileté, à la tactique de quelques modernes Fabius ?

Quoi qu’il en soit, cet article rappellera des faits qui n’ont pu échapper à l’attention de quiconque s’intéresse aux destins de la république, et que doit recueillir l’historien courageux et fidèle.

En prairial an VIII, un personnage qui fixait toutes les attentions, se défendait d’être Orléaniste, d’une si étrange manière, que cette justification inattendue parut, aux observateurs judicieux, le présage d’événemens plus inattendus encore.

À cette même époque, l’éloge le plus pompeux du fils aîné de Philippe était hasardé par les bouches les plus suspectes, et lui recrutait des partisans.

Il est constant que ce ci-devant prince arriva du fond des États-Unis dans les ports d’Espagne, à l’époque duement prévue de la chute du directoire.

Au temps où nous sommes, ces faits ne pouvant servir aucun parti, doivent entrer dans le domaine de l’histoire ; ils appartiennent à la postérité. (P.)