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J’avoue

Combien de fois ai-je changé l’ordre de ces poèmes, remis au bien ce qui était au mal, et inversement. Le jour suivait-il la nuit ou la nuit le jour ? Je suis d’humeur changeante, mais ni l’aube, pour moi, ni le crépuscule, jamais ne trébuchent. Ils se transforment : le jour éclate et la nuit couve un œil éteint. Et le jour parle un langage clair, où l’on se voit, et la nuit ne promet rien.

Mes vertus, mes défauts, mon optimisme et mon inaptitude s’enchevêtrent, je suis un homme. Le grand effort fut de ne pas me croire trop vertueux et de ne pas laisser tout au bien (variante : le grand effort fut de ne pas être résolument triste et de ne pas tout détruire, à finir par moi).

Je me suis voulu moraliste. Combien de fois ai-je dit me répéter, avec cet entêtement absurde du combattant discipliné : « Ce qui est mal te fait souffrir ou fait souffrir les autres, mais ce qui est bien est juste et harmonieux et sage, dans tous les sens, tu le sais, ne ruse pas. » Car ruser avec le bien