Page:Éluard - Une leçon de morale, 1949.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais au nombre des morts, que l’on ne compte pas. Dans les rues bordées de ruines vont s’élever des palais égaux. Sur le crâne où couraient les rides, un front vierge rougit. Une mer grelottante monte, soudain, toute raide, à l’assaut des brumes insolubles. Se courbant vers la terre, les moissons reprennent leur élan.

L’espace est à la mesure de l’homme. Et le temps est scellé d’un printemps laborieux et tenace.

Le mal doit être mis au bien. Et par tous les moyens, faute de tout perdre. Contre toute morale résignée, nous dissiperons la douleur et l’erreur. Puisque nous avons en confiance.

J’ai voulu nier, anéantir les soleils noirs de maladies et de misère, les nuits saumâtres, tous les cloaques de l’ombre et du hasard, la mauvaise vue, la cécité, la destruction, le sang séché, les tombes.

Même si je n’avais eu, dans toute ma vie, qu’un seul moment d’espoir, j’aurais livré ce combat. Même si je dois le perdre, car d’autres le gagneront.

Tous les autres.