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Page:Émile Nelligan et son œuvre.djvu/199

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TRISTIA



CHRIST EN CROIX




Je remarquais toujours ce grand Jésus de plâtre
Dressé comme un pardon au seuil du vieux couvent,
Échafaud solennel à geste noir, devant
Lequel je me courbais, saintement idolâtre.

Or, l’autre soir, à l’heure où le cri-cri folâtre,
Par les prés assombris, le regard bleu rêvant,
Récitant Eloa, les cheveux dans le vent,
Comme il sied à l’Éphèbe esthétique et bellâtre,

J’aperçus, adjoignant des débris de parois,
Un gigantesque amas de lourde vieille croix
Et de plâtre écroulé parmi les primevères ;

Et je restai là, morne, avec les yeux pensifs,
Et j’entendais en moi des marteaux convulsifs
Renfoncer le clous noirs les intimes Calvaires !