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Page:Émile Nelligan et son œuvre.djvu/63

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LE JARDIN DE L’ENFANCE



PREMIER REMORDS




Au temps où je portais des habits de velours
Éparses sur mon col roulaient mes boucles brunes.
J’avais de grands yeux purs comme le clair des lunes ;
Dès l’aube je partais, sac au dos, les pas lourds.

Mais en route aussitôt je tramais des détours,
Et, narguant les pions de mes jeunes rancunes,
Je montais à l’assaut des pommes et des prunes
Dans les vergers bordant les murailles des cours.

Étant ainsi resté loin des autres élèves,
Loin des bancs, tout un mois, à vivre au gré des rêves,
Un soir, à la maison craintif comme j’entrais,

Devant le crucifix où sa lèvre se colle
Ma mère était en pleurs !… Ô mes ardents regrets !
Depuis, je fus toujours le premier à l’école.