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Page:Émile Nelligan et son œuvre.djvu/65

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LE JARDIN DE L’ENFANCE



DEVANT DEUX PORTRAITS DE MA MÈRE




Ma mère, que je l’aime en ce portrait ancien,
Peint aux jours glorieux qu’elle était jeune fille,
Le front couleur de lys et le regard qui brille
Comme un éblouissant miroir vénitien !

Ma mère que voici n’est plus du tout la même ;
Les rides ont creusé le beau marbre frontal ;
Elle a perdu l’éclat du temps sentimental
Où son hymen chanta comme un rose poème.

Aujourd’hui je compare, et j’en suis triste aussi,
Ce front nimbé de joie et ce front de souci,
Soleil d’or, brouillard dense au couchant des années.

Mais, mystère de cœur qui ne peut s’éclairer !
Comment puis-je sourire à ces lèvres fanées ?
Au portrait qui sourit, comment puis-je pleurer ?