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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/130

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MARGUERITE

chez elle avec une lettre. Madame de Meuilles reconnut l’écriture d’Étienne et frissonna. Cette lettre commençait ainsi :

« Je vous rends votre parole, Marguerite… »

Elle crut rêver et lut une seconde fois :

« Je vous rends votre parole, Marguerite ; ce n’est pas moi que vous aimez, je le vois, et je vous sais gré d’être si longtemps à le comprendre. Vous êtes libre, soyez heureuse. Adieu.

 » Étienne. »


XV.

Marguerite resta stupéfaite. Combien elle se reprochait alors de n’avoir pas deviné la vérité ! « M. de la Fresnaye avait raison, pensa-t-elle… Et c’est pour lui qu’a souffert Étienne !… Ô cher Étienne !… »

Elle répondit aussitôt :

« Vous êtes libre, soyez heureuse !.. Libre ?… mais je ne veux pas être libre ! Heureuse ?… je ne puis être heureuse sans vous !… Quelle étrange idée vous prend ? Mais, Étienne, c’est vous que j’aime, vous seul, et aujourd’hui plus que jamais, pour votre générosité et pour vos souffrances. Revenez à moi, mon ami ; je vous dirai tout. Ne me laissez pas longtemps avec cette inquiétude, avec cette pensée que vous êtes triste à cause de moi. Ah ! que j’ai besoin de vous revoir ! »

Étienne était résolu à subir le martyre jusqu’à la fin. « Pauvre enfant, se dit-il, elle croit m’aimer… je lui laisserai cette illusion tant qu’elle lui sera nécessaire. » Et il revint chez Marguerite. Elle le gronda bien doucement d’être malheureux sans raison. — N’ayez pas peur que j’aime ce merveilleux, dit-elle ; il peut paraître séduisant à ceux qui ne le connaissent pas, mais quand, on sait ce que cache d’orgueil et de rouerie toute cette fausse franchise, toute cette originalité si bien étudiée, on le trouve le moins dangereux des hommes, et ses