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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/162

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MARGUERITE

bien à l’air calme de sa mère qu’il n’y avait rien à craindre, pour la vie de son cousin ; mais elle était agitée, elle comprenait vaguement les conséquences de cette aventure ; elle sentait que c’était une circonstance décisive, et, dans la situation où elle se trouvait, toute décision l’épouvantait. Étienne fut bien heureux de sa présence ; ce qu’elle lui disait était si aimable, elle paraissait si contente de lui rendre un peu des soins qu’il lui avait prodigués ! Étienne bénit sa blessure, elle lui valut une douce soirée. Il avait persisté dans son mensonge d’Espagnol, mais il voyait avec plaisir que Marguerite n’y ajoutait nullement foi, et qu’elle cherchait avec intérêt à pénétrer la véritable cause du duel. Quand on est obligé de mentir à une personne qu’on aime, c’est une grande satisfaction que de découvrir qu’on ne la trompe pas ; on n’a plus de remords, son incrédulité vous justifie.

Étienne était dans le salon de son père, établi sur un fauteuil très-large, sa main blessée posée sur un coussin ; il était entouré de ses amis, de ses témoins, des confidents de l’affaire, qui venaient savoir de ses nouvelles et qui louaient son sang-froid et son courage. Madame de Meuilles était l’objet de l’attention et de l’admiration de ces jeunes gens, et à chaque minute Marguerite entendait quelqu’un faire allusion à son prochain mariage.

— Oui, c’est elle, disait l’un.

— Celle qu’il doit épouser ?

— Dans un mois.

On fixait l’époque !… Étienne regardait alors Marguerite, qui souriait malgré elle.

Elle ne pouvait pas dire à ce pauvre blessé : « l’espérez pas, non, jamais ; je veux rester libre de penser à un autre ; je ne vous aime pas… » Cela était impossible, et d’ailleurs cela n’était pas vrai. En voyant Étienne blessé, pâle, tâchant de sourire, à travers ses souffrances, elle le trouvait aimable et charmant ; en songeant au danger qu’il venait de courir, elle se sentait trembler pour lui, et toute sa tendresse passée se réveillait. Ses anciennes pensées de bonheur revenaient naturellement près de lui. Là, chez son père, dans sa famille, ce bonheur était si facile, il était adopté par tout le monde ; pas