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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/90

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MARGUERITE

Marguerite se sentit honteuse de sa supercherie, et sans doute elle aurait tout avoué naïvement, si sa femme de chambre ne l’avait avertie qu’un de ses convives venait d’arriver.

— Ne te presse pas trop, dit madame d’Arzac, je vais le recevoir ; j’ai justement quelque chose à lui demander.

Marguerite acheva paisiblement sa toilette. Quand elle parut dans le salon, tout fut expliqué et pardonné. Elle avait une robe d’une élégance merveilleuse et d’une forme nouvelle qui avait dû exiger des soins et des travaux ; elle avait une coiffure d’un goût exquis, dernière création du coiffeur en vogue ; cela motivait suffisamment une demi-heure de retard. Dès qu’elle eut parlé à tous ses amis, Étienne s’approcha d’elle.

— Comme vous nous avez fait attendre ! lui dit-il.

— Je voulais mettre cette robe-là ; on l’apporte à l’instant. Je deviens coquette.

— Vous dites cela en riant ; mais c’est que je le trouve, moi.

— Plaignez-vous donc, c’est pour vous plaire : je ne dois voir que vous aujourd’hui.

Le mot était naïf ; par bonheur Étienne ne l’entendit pas, on était venu interrompre leur conversation.

Marguerite faisait bonne contenance, mais elle n’était pas sans inquiétude ; elle craignait à chaque minute qu’un de ses amis, par une question, par une maladresse, n’apprît à sa mère et à Étienne que M. de la Fresnaye était venu la voir le matin et qu’il était resté très-longtemps chez elle. Un moment elle frissonna ; quelqu’un lui dit : « J’ai passé devant votre porte à cinq heures, j’ai vu de bien beaux chevaux. » Elle ne répondit rien. Alors l’interrogateur se répondit à lui-même : « C’étaient sans doute ceux de quelque merveilleux qui était chez sa voisine. » Puis, reprenant tout haut : « Comment va madame d’Estigny ? Les eaux de Wiesbaden lui ont-elles réussi ? »

Madame d’Estigny demeurait au rez-de-chaussée de l’hôtel qu’habitait madame de Meuilles. Ces dames étaient liées d’amitié et se voyaient presque tous les jours.

Marguerite répliqua que la santé de sa voisine était meilleure, et laissa croire à l’amateur de chevaux tout ce qui lui plaisait.