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Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/228

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donnée une Économie politique à rebours, maudissant tout ce qui diminue la valeur. Lui aussi exalte l’obstacle, proscrit les machines, anathématise l’échange, la concurrence, la liberté, glorifie le luxe et l’impôt, et arrive enfin à cette conséquence, que plus est grande l’abondance de toutes choses, plus les hommes sont dénués de tout.

Cependant M. de Sismondi, d’un bout à l’autre de ses écrits, semble porter au fond de sa conscience le sentiment qu’il se trompe, et qu’un voile qu’il ne peut percer, s’interpose entre lui et la vérité. Il n’ose tirer brutalement, comme M. de Saint-Chamans, les conséquences de son principe ; il se trouble, il hésite. Il se demande quelquefois s’il est possible que tous les hommes, depuis le commencement du monde, soient dans l’erreur et sur la voie du suicide, quand ils cherchent à diminuer le rapport de l’effort à la satisfaction, c’est-à-dire la valeur. Ami et ennemi de la liberté, il la redoute, puisqu’elle conduit à l’universelle misère par l’abondance qui déprécie la valeur ; et en même temps, il ne sait comment s’y prendre pour détruire cette liberté funeste. Il arrive ainsi sur les confins du socialisme et des organisations artificielles, il insinue que le gouvernement et la science doivent tout régler et comprimer, puis il comprend le danger de ses conseils, les rétracte et finit enfin par tomber dans le désespoir, disant : La liberté mène au gouffre, la Contrainte est aussi impossible qu’inefficace ; il n’y a pas d’issue. — Il n’y en a pas, en effet, si la Valeur est la Richesse, c’est-à-dire si l’obstacle au bien-être est le bien-être, c’est-à-dire si le mal est le bien.

Le dernier écrivain qui ait, à ma connaissance, remué cette question, c’est M. Proudhon. Elle était pour son livre des Contradictions économiques une bonne fortune. Jamais plus belle occasion de saisir aux cheveux une antinomie et de narguer la science. Jamais plus belle occasion de lui dire : « Vois-tu dans l’accroissement de la valeur un bien ou un