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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/182

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l’Océan, elle se livrait au bonheur d’avoir harponné, pour ainsi dire, une âme angélique dans la mer parisienne, d’avoir deviné que chez les hommes d’élite le cœur pouvait parfois être en harmonie avec le talent, et d’avoir été bien servie par la voix magique du pressentiment. Un intérêt puissant allait animer sa vie. L’enceinte de cette jolie habitation, le treillis de sa cage était brisé ! Sa pensée volait à pleines ailes.

— Ô mon père, se dit-elle en regardant à l’horizon, fais-nous bien riches !

La réponse que lut cinq jours après Ernest de La Brière en dira plus d’ailleurs que toute espèce de glose.



VII.
à monsieur de Canalis.


« Mon ami, laissez-moi vous donner ce nom, vous m’avez ravie, et je ne vous voudrais pas autrement que vous êtes dans cette lettre, la première… oh ! qu’elle ne soit pas la dernière ? Quel autre qu’un poëte aurait pu jamais excuser si gracieusement une jeune fille et la deviner.

» Je veux vous parler avec la sincérité qui, chez vous, a dicté les premières lignes de votre lettre. Et d’abord, fort heureusement, vous ne me connaissez point. Je puis vous le dire avec bonheur, je ne suis ni cette affreuse mademoiselle Vilquin, ni la très noble et très sèche mademoiselle d’Hérouville qui flotte entre trente et cinquante ans, sans se décider à un chiffre tolérable. Le cardinal d’Hérouville a fleuri dans l’histoire de l’Église avant le cardinal de qui nous vient notre seule grande illustration, car je ne prends pas des lieutenants-généraux, des abbés à petits volumes et à trop grands vers pour des célébrités. Puis je n’habite pas la splendide villa des Vilquin ; il n’y a pas, Dieu merci, dans mes veines la dix-millionnième partie d’une goutte de ce sang froidi dans les comptoirs. Je tiens à la fois et de l’Allemagne et du midi de la France, j’ai dans la pensée la rêverie tudesque, et dans le sang la vivacité provençale. Je suis noble, et par mon