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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/414

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d’amour qui me donna des joies ineffables ; elle n’avait plus de craintes, elle m’étudiait. Hélas ! quand je lui proposai de passer en Angleterre afin de se réunir ostensiblement avec moi, dans sa maison, de reprendre son rang, d’habiter son nouvel hôtel, elle fut saisie d’effroi. — « Pourquoi ne pas toujours vivre ainsi ? » dit-elle. Je me résignai, sans répondre un mot. Est-ce une expérience ? me demandai-je en la quittant. En venant de chez moi, rue Saint-Maur, je m’animais, les pensées d’amour me gonflaient le cœur, et je me disais comme les jeunes gens : Elle cédera ce soir… Toute cette force factice ou réelle se dissipait à un sourire, à un commandement de ses yeux fiers et calmes que la passion n’altérait point. Ce terrible mot répété par vous : — Lucrèce a écrit avec son sang et son poignard le premier mot de la charte des femmes : Liberté ! me revenait, me glaçait. Je sentais impérieusement combien le consentement d’Honorine était nécessaire, et combien il était impossible de le lui arracher. Devinait-elle ces orages qui m’agitaient aussi bien au retour que pendant l’aller ? Je lui peignis enfin ma situation dans une lettre, en renonçant à lui en parler. Honorine ne me répondit pas, elle resta si triste que je fis comme si je n’avais pas écrit. Je ressentis une peine violente d’avoir pu l’affliger, elle lut dans mon cœur et me pardonna. Vous allez savoir comment. Il y a trois jours elle me reçut, pour la première fois, dans sa chambre bleue et blanche. La chambre était pleine de fleurs, parée, illuminée, Honorine avait fait une toilette qui la rendait ravissante. Ses cheveux encadraient de leurs rouleaux légers cette figure que vous connaissez ; des bruyères du Cap ornaient sa tête ; elle avait une robe de mousseline blanche, une ceinture blanche à longs bouts flottants. Vous savez ce qu’elle est dans cette simplicité ; mais ce jour-là, ce fut une mariée, ce fut l’Honorine des premiers jours. Ma joie fut glacée aussitôt, car la physionomie avait un caractère de gravité terrible, il y avait du feu sous cette glace. — « Octave, me dit-elle, quand vous le voudrez, je serai votre femme ; mais sachez-le bien, cette soumission a ses dangers, je puis me résigner… (Je fis un geste.) — Oui, dit-elle, je vous comprends, la résignation vous offense, et vous voulez ce que je ne puis donner : l’amour ! La religion, la pitié m’ont fait renoncer à mon vœu de solitude, vous êtes ici ! Elle fit une pause. D’abord, reprit-elle, vous n’avez pas demandé plus : maintenant