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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/483

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— Soyez paisible… ─ Dépêchons-nous, dit Pierrotin en entr’ouvrant la porte de la cuisine, nous sommes en retard. Écoutez, père Léger, vous savez qu’il y a la côte à monter ; moi, je n’ai pas faim, j’irai doucement, vous me rattraperez bien, ça vous fera du bien de marcher.

— Est-il enragé, Pierrotin ! dit l’aubergiste. Tu ne veux pas venir déjeuner avec nous ? Le colonel paie du vin à cinquante sous et une bouteille de vin de Champagne.

— Je ne peux pas. J’ai un poisson qui doit être remis à Stors a trois heures pour un grand dîner, et il n’y a pas à badiner avec ces pratiques-là, ni avec les poissons.

— Eh bien, dit le père Léger à l’aubergiste, attelle à ton cabriolet ce cheval que tu veux me vendre, tu nous feras rattraper Pierrotin, nous déjeunerons en paix, et je jugerai du cheval. Nous tiendrons bien trois dans ton tape-cul.

Au grand contentement du comte, Pierrotin vint pour rebrider lui-même ses chevaux. Schinner et Mistigris étaient partis en avant. À peine Pierrotin, qui reprit les deux artistes au milieu du chemin de Saint-Brice à Poncelles, atteignait-il à une éminence de la route d’où l’on aperçoit Écouen, le clocher du Mesnil et les forêts qui cerclent tout un paysage ravissant, que le bruit d’un cheval amenant au galop un cabriolet qui sonnait la ferraille annonça le père Léger et le compagnon de Mina qui se réintégrèrent dans la voiture. Quand Pierrotin se jeta sur la berme pour descendre à Moisselles, Georges, qui n’avait cessé de parler de la beauté de l’hôtesse de Saint-Brice avec le père Léger, s’écria : ─ Tiens ! le paysage n’est pas mal, grand peintre ?

— Bah ! il ne doit pas vous étonner, vous qui avez vu l’Orient et l’Espagne.

— Et qui en ai deux cigares encore ! Si ça n’incommode personne, voulez-vous les finir, Schinner ? car le petit jeune homme en a eu assez de quelques gorgées.

Le père Léger et le comte gardèrent un silence qui passa pour une approbation, ainsi les deux conteurs furent réduits au silence.

Oscar, irrité d’être appelé petit jeune homme, dit, pendant que les deux jeunes gens allumaient leurs cigares : ─ Si je n’ai pas été l’aide-de-camp de Mina, monsieur, si je ne suis pas allé en Orient, j’irai peut-être. La carrière à laquelle ma famille me destine m’épargnera, j’espère, le désagrément de voyager en coucou, quand