Aller au contenu

Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/506

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas ce que vous avez fait ! Le comte se mit la tête dans les mains et resta silencieux pendant un moment. ─ Je vous laisse ce que vous avez, reprit-il, et je vous oublierai. Par dignité, pour moi, pour votre propre honneur, nous nous quitterons décemment, car je me souviens en ce moment de ce que votre père a fait pour le mien. Vous vous entendrez, et bien, avec monsieur de Reybert qui vous succède. Soyez comme moi, calme. Ne vous donnez pas en spectacle aux sots. Surtout, pas de galvaudages ni de chipoteries. Si vous n’avez plus ma confiance, tâchez de garder le décorum des gens riches. Quant à ce petit drôle qui a failli me tuer, qu’il ne couche pas à Presles ! mettez-le à l’auberge, je ne répondrais point de ma colère en le voyant.

— Je ne méritais point tant de douceur, monseigneur, dit Moreau les larmes aux yeux. Oui, si j’avais été tout à fait improbe, j’aurais cinq cent mille francs à moi ; d’ailleurs, j’offre de vous faire le compte de ma fortune, et de vous la détailler ! Mais laissez-moi vous dire, monseigneur, qu’en causant de vous avec madame Clapart, ce ne fut jamais en dérision, mais, au contraire, pour déplorer votre état, et pour lui demander si elle ne connaissait point quelques remèdes inconnus aux médecins et que pratiquent les gens du peuple… Je me suis entretenu de vos sentiments devant le petit quand il dormait (il paraît qu’il nous entendait !), mais ce fut toujours en des termes pleins d’affection et de respect. Le malheur veut que des indiscrétions soient punies comme des crimes. Mais en acceptant les effets de votre juste colère, sachez au moins comment les choses se sont passées. Oh ! ce fut de cœur à cœur que j’ai parlé de vous avec madame Clapart. Enfin vous pouvez interroger ma femme, nous n’avons jamais entre nous parlé de ces choses…

— Assez, dit le comte dont la conviction était entière, nous ne sommes pas des enfants ; tout est irrévocable. Allez mettre ordre à vos affaires et aux miennes. Vous pouvez rester au pavillon jusqu’au mois d’octobre. Monsieur et madame de Reybert logeront au château ; surtout, tâchez de vivre avec eux en gens comme il faut, qui se haïssent, mais qui conservent les apparences.

Le comte et Moreau descendirent, Moreau blanc comme les cheveux du comte, le comte calme et digne.

Pendant cette scène, la voiture de Beaumont qui part de Paris à une heure s’était arrêtée à la grille et descendait au château maître Crottat, qui, d’après l’ordre donné par le comte, attendait dans le