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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/521

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— Mais il a dix-huit ans, dit l’oncle Cardot en souriant de cette recommandation qui rapetissait Oscar.

— Hélas ! oui, mon bon monsieur Cardot, et après avoir pu l’amener jusque-là, ni tortu ni bancal, sain d’esprit et de corps, après avoir tout sacrifié pour lui donner de l’éducation, il serait bien dur de ne pas le voir sur le chemin de la fortune.

— Mais ce monsieur Moreau, par qui vous avez eu sa demi-bourse au collége Henri IV, le lancera dans une bonne voie, dit l’oncle Cardot avec une hypocrisie cachée sous un air bonhomme.

— Monsieur Moreau peut mourir, dit-elle, et d’ailleurs il est brouillé sans raccommodement possible avec monsieur le comte de Sérisy, son patron.

— Diable ! diable !… Écoutez, madame, je vous vois venir…

— Non, monsieur, dit la mère d’Oscar en interrompant net le vieillard qui par égard pour une belle dame retint le mouvement d’humeur qu’on éprouve à se voir interrompu. Hélas ! vous ne savez rien des angoisses d’une mère qui, depuis sept ans, est forcée de prendre pour son fils une somme de six cents francs par an sur les dix-huit cents francs d’appointements de son mari… Oui, monsieur, voilà toute notre fortune. Ainsi, que puis-je pour mon Oscar ? Monsieur Clapart exècre tellement ce pauvre enfant, qu’il m’est impossible de le garder à la maison. Une pauvre femme, seule au monde, ne devait-elle pas dans cette circonstance venir consulter le seul parent que son fils ait sous le ciel ?

— Vous avez eu raison, répondit le bonhomme Cardot. Vous ne m’aviez jamais rien dit de tout cela…

— Ah ! monsieur, reprit fièrement madame Clapart, vous êtes le dernier à qui je confierais jusqu’où va ma misère. Tout est ma faute, j’ai pris un mari dont l’incapacité dépasse toute croyance. Oh ! je suis bien malheureuse…

— Écoutez, madame, reprit gravement le petit vieillard, ne pleurez pas. J’éprouve un mal affreux à voir pleurer une belle dame… Après tout, votre fils se nomme Husson, et si ma chère défunte vivait, elle ferait quelque chose pour le nom de son père et de son frère…

— Elle aimait bien son frère, s’écria la mère d’Oscar.

— Mais toute ma fortune est donnée à mes enfants qui n’ont plus rien à attendre de moi, dit le vieillard en continuant, je leur ai partagé les deux millions que j’avais, car j’ai voulu les voir heu-