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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IX.djvu/119

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duc d’Angoulême était encore en Espagne, et de toutes les fautes que pouvait impunément commettre un homme aimé par le généralissime, celle-là seule l’eût trouvé sans pitié. Ce général avait sollicité sa mission afin de satisfaire une secrète curiosité, quoique jamais curiosité n’ait été plus désespérée. Mais cette dernière tentative était une affaire de conscience. La maison de ces Carmélites était le seul couvent espagnol qui eût échappé à ses recherches. Pendant la traversée, qui ne dura pas une heure, il s’éleva dans son âme un pressentiment favorable à ses espérances. Puis, quoique du couvent il n’eût vu que les murailles, que de ces religieuses il n’eût pas même aperçu les robes, et qu’il n’eût écouté que les chants de la Liturgie, il rencontra sous ces murailles et dans ces chants de légers indices qui justifièrent son frêle espoir. Enfin, quelque légers que fussent des soupçons si bizarrement réveillés, jamais passion humaine ne fut plus violemment intéressée que ne l’était alors la curiosité du général. Mais il n’y a point de petits événements pour le cœur ; il grandit tout ; il met dans les mêmes balances la chute d’un empire de quatorze ans et la chute d’un gant de femme, et presque toujours le gant y pèse plus que l’empire. Or, voici les faits dans toute leur simplicité positive. Après les faits viendront les émotions.

Une heure après que le général eut abordé cet îlot, l’autorité royale y fut rétablie. Quelques Espagnols constitutionnels, qui s’y étaient nuitamment réfugiés après la prise de Cadix, s’embarquèrent sur un bâtiment que le général leur permit de fréter pour s’en aller à Londres. Il n’y eut donc là ni résistance ni réaction. Cette petite Restauration insulaire n’allait pas sans une messe, à laquelle durent assister les deux compagnies commandées pour l’expédition. Or, ne connaissant pas la rigueur de la clôture chez les Carmélites Déchaussées, le général avait espéré pouvoir obtenir, dans l’église, quelques renseignements sur les religieuses enfermées dans le couvent, dont une d’elles peut-être lui était plus chère que la vie et plus précieuse que l’honneur. Ses espérances furent d’abord cruellement déçues. La messe fut, à la vérité, célébrée avec pompe. En faveur de la solennité, les rideaux qui cachaient habituellement le chœur furent ouverts, et en laissèrent voir les richesses, les précieux tableaux et les chasses ornées de pierreries dont l’éclat effaçait celui des nombreux ex-voto d’or et d’argent attachés par les marins de ce port aux piliers de la grande nef. Les