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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IX.djvu/301

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ture. D’une nuit à l’autre, son génie de femme avait fait les plus rapides progrès. Quelle que fût la puissance de ce jeune homme, et son insouciance en fait de plaisirs, malgré sa satiété de la veille, il trouva dans la Fille aux yeux d’or ce sérail que sait créer la femme aimante et à laquelle un homme ne renonce jamais. Paquita répondait à cette passion que sentent tous les hommes vraiment grands pour l’infini, passion mystérieuse si dramatiquement exprimée dans Faust, si poétiquement traduite dans Manfred, et qui poussait Don Juan à fouiller le cœur des femmes, en espérant y trouver cette pensée sans bornes à la recherche de laquelle se mettent tant de chasseurs de spectres, que les savants croient entrevoir dans la science, et que les mystiques trouvent en Dieu seul. L’espérance d’avoir enfin l’Être idéal avec lequel la lutte pouvait être constante sans fatigue, ravit de Marsay qui, pour la première fois, depuis longtemps, ouvrit son cœur. Ses nerfs se détendirent, sa froideur se fondit dans l’atmosphère de cette âme brûlante, ses doctrines tranchantes s’envolèrent, et le bonheur lui colora son existence, comme l’était ce boudoir blanc et rose. En sentant l’aiguillon d’une volupté supérieure, il fut entraîné par delà les limites dans lesquelles il avait jusqu’alors enfermé la passion. Il ne voulut pas être dépassé par cette fille qu’un amour en quelque sorte artificiel avait formée par avance aux besoins de son âme, et alors il trouva, dans cette vanité qui pousse l’homme à rester en tout vainqueur, des forces pour dompter cette fille ; mais aussi, jeté par delà cette ligne où l’âme est maîtresse d’elle-même, il se perdit dans ces limbes délicieuses que le vulgaire nomme si niaisement les espaces imaginaires. Il fut tendre, bon et communicatif. Il rendit Paquita presque folle.

— Pourquoi n’irions-nous pas à Sorente, à Nice, à Chiavari, passer toute notre vie ainsi ? Veux-tu ? disait-il à Paquita d’une voix pénétrante.

— As-tu donc jamais besoin de me dire : — Veux-tu ? s’écria-t-elle. Ai-je une volonté ? Je ne suis quelque chose hors de toi qu’afin d’être un plaisir pour toi. Si tu veux choisir une retraite digne de nous, l’Asie est le seul pays où l’amour puisse déployer ses ailes…

— Tu as raison, reprit Henri. Allons aux Indes, là où le printemps est éternel, où la terre n’a jamais que des fleurs, où l’homme peut déployer l’appareil des souverains, sans qu’on en