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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/146

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vu, certaine visite judiciaire au sujet de laquelle je veux vous entretenir.

— Eh ! bien, reprit le juge en s’adressant à une grosse petite femme qui restait debout prés de lui, si vous ne me dites pas ce que vous avez, je ne le devinerai pas, ma fille.

— Dépêchez-vous, lui dit Lavienne, ne prenez pas le temps des autres.

— Monsieur, dit enfin la femme en rougissant et baissant la voix de manière à n’être entendu que de Popinot et de Lavienne, je suis marchande des quatre saisons, et j’ai mon petit dernier pour lequel je dois les mois de nourrice. Donc j’avais caché mon pauvre argent…

— Eh ! bien, votre homme l’a pris ? dit Popinot en devinant le dénoûment de la confession.

— Oui, monsieur.

— Comment vous nommez-vous ?

— La Pomponne.

— Votre mari ?

— Toupinet.

— Rue du Petit-Banquier ? reprit Popinot en feuilletant son registre. Il est en prison, dit-il en lisant une observation en marge de la case où ce ménage était inscrit.

— Pour dettes, mon cher monsieur.

Popinot hocha la tête.

— Mais, monsieur, je n’ai pas de quoi garnir ma brouette, le propriétaire est venu hier et m’a forcée de le payer, sans quoi j’étais à la porte.

Lavienne se pencha vers son maître et lui dit quelques mots à l’oreille.

— Eh ! bien, que vous faut-il pour acheter votre fruit à la Halle ?

— Mais, mon cher monsieur, j’aurais besoin, pour continuer mon commerce, de… oui, j’aurais bien besoin de dix francs.

Le juge fit un signe à Lavienne, qui tira d’un grand sac dix francs et les donna à la femme pendant que le juge inscrivait le prêt sur son registre. À voir le mouvement de joie qui fit tressaillir la marchande, Bianchon devina les anxiétés par lesquelles cette femme avait été sans doute agitée en venant de sa maison chez le juge.