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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/434

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une averse à une porte mais il était effrayé du morne silence que gardait le parfumeur quand il s’agissait de l’assemblée. Pour qui comprend les vanités et les faiblesses qui dans chaque sphère sociale atteignent l’homme, n’était-ce pas un horrible supplice pour ce pauvre homme que de revenir en failli dans le Palais-de-Justice commercial où il était entré juge ? d’aller recevoir des avanies là où il était allé tant de fois remercié des services qu’il avait rendus ? Lui Birotteau, dont les opinions inflexibles à l’égard des faillis étaient connues de tout le commerce parisien, lui qui avait dit : « — On est encore honnête homme en déposant son bilan mais l’on sort fripon d’une assemblée de créanciers ! » Son oncle étudia les heures favorables pour le familiariser avec l’idée de comparaître devant ses créanciers assemblés, comme la loi le voulait. Cette obligation tuait Birotteau. Sa muette résignation faisait une vive impression sur Pillerault qui souvent la nuit, l’entendait à travers la cloison s’écriant : — Jamais ! jamais ! je serai mort avant.

Pillerault, cet homme si fort par la simplicité de sa vie, comprenait la faiblesse. Il résolut d’éviter à Birotteau les angoisses auxquelles il pouvait succomber dans la scène terrible de sa comparution devant les créanciers, scène inévitable ! La loi, sur ce point, est précise formelle, exigeante. Le négociant qui refuse de comparaître peut, pour ce seul fait, être traduit en police correctionnelle, sous la prévention de banqueroute simple. Mais si la loi force le failli à se présenter, elle n’a pas le pouvoir d’y faire venir le créancier. Une assemblée de créanciers n’est une cérémonie importante que dans des cas déterminés : par exemple s’il y a lieu de déposséder un fripon et de faire un contrat d’union, s’il y a dissidence entre des créanciers favorisés et des créanciers lésés, si le concordat est ultra-voleur et que le failli ait besoin d’une majorité douteuse. Mais dans le cas d’une faillite où tout est réalisé, comme dans le cas d’une faillite où le fripon a tout arrangé, l’assemblée est une formalité.

Pillerault alla prier chaque créancier l’un après l’autre de signer une procuration pour son agréé. Chaque créancier, du Tillet excepté, plaignait sincèrement César après l’avoir abattu, car chacun savait comment se conduisait le parfumeur, combien ses livres étaient réguliers, combien ses affaires étaient claires : tous les créanciers étaient contents de ne voir parmi eux aucun créancier gai. Molineux, d’abord Agent, puis Syndic, avait trouvé chez