Page:Œuvres complètes de Jean-Jacques Rousseau - II.djvu/385

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n’imputait qu’à sa passion les vices de son caractère. Quelquefois il oubliait le premier état de Laure, et son cœur franchissait sans y songer la barrière qui le séparait d’elle. Toujours cherchant dans sa raison des excuses à son penchant, il se fit de son dernier voyage un motif pour éprouver son ami, sans songer qu’il s’exposait lui-même à une épreuve dans laquelle il aurait succombé sans lui.

Le succès de cette entreprise et le dénoûment des scènes qui s’y rapportent sont détaillés dans la XIIe lettre de la Ve partie, et dans la IIIe de la VIe de manière à n’avoir plus rien d’obscur à la suite de l’abrégé précédent. Edouard, aimé de deux maîtresses sans en posséder aucune, paraît d’abord dans une situation risible ; mais sa vertu lui donnait en lui-même une jouissance plus douce que celle de la beauté, et qui ne s’épuise pas comme elle. Plus heureux des plaisirs qu’il se refusait que le voluptueux n’est de ceux qu’il goûte, il aima plus longtemps, fut moins subjugué, resta libre, et jouit mieux de la vie que ceux qui l’usent. Aveugles que nous sommes, nous la passons tous à courir après nos chimères. Eh ! ne saurons-nous jamais que de toutes les folies des hommes il n’y a que celles du juste qui le rendent heureux ?