Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/72

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dont nous parlons, vous avez donné au public un gage certain de sa ruine, la raison et l’éloquence : voilà des armes que l’on peut désormais employer avec confiance contre les préjugés. Oui, plus je réfléchis, et plus je suis porté à croire que celui dont il est question, ne conserve encore aujourd’hui des restes de son ancien empire, que parce qu’il n’a point encore été approfondi, parce que l’esprit philosophique ne s’est point encore porté particulièrement sur cet objet. On croit peut-être assez généralement qu’il est injuste et pernicieux ; mais le croire ce n’est point le sentir : pour imprimer aux esprits ce sentiment profond, pour leur donner ces fortes secousses, nécessaires pour les arracher à un préjugé qui s’appuie encore sur la force d’une ancienne habitude, il faudroit ramener souvent leur attention sur le tableau des injustices et des malheurs qu’il entraîne.

C’est à vous de rendre ce service à l’humanité, illustres Écrivains, à qui des talens supérieurs imposent le noble devoir d’éclairer vos semblables ; c’est à vous qu’il est donné de commander à l’opinion ; et quand votre pouvoir fut-il plus étendu que dans ce siècle avide des jouissances de l’esprit, où vos Ouvrages devenus l’occupation et les délices d’une foule innombrable de citoyens, vous donnent une si prodigieuse influence sur les mœurs et sur les idées des peuples ? Combien de coutumes barbares, combien de préjugés aussi funestes que respectés n’avez-vous pas détruits, malgré les profondes racines qui sembloient devoir ôter l’espoir de les ébranler ? Hélas ! le génie sait faire triompher l’erreur même, lorsqu’il s’abaisse à la protéger ; que ne pourrez-vous donc pas quand vous montrerez la vérité aux hommes, non pas la vérité austère gourmandant les passions, imposant des devoirs, demandant des sacrifices ; mais la vérité douce, touchante, réclamant les droits les plus chers de l’humanité, secondant le vœu de toutes les âmes sensibles et trouvant tous les cœurs disposés à la recevoir ? Quelle résistance éprouverez-vous, quand vous attaquerez avec toutes les forces de la raison et du génie un préjugé odieux, déjà beaucoup affoibli par le progrès des lumières, et dont on s’étonnera d’avoir été l’esclave, dès que vous l’aurez peint avec les couleurs qui lui conviennent ?

Grâces immortelles soient donc rendues à la Compagnie savante, qui la première a donné l’exemple de tourner vers cet objet l’émulation des Gens de Lettres. Cette idée, aussi belle