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Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/165

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LA CAPTIVE

seulement — cela même serait divin — les graves bœufs creusant des sillons noirs dans les plaines crépusculaires ! Comme elle se pencherait éperdument à sa fenêtre et comme elle jetterait vers les campagnes en travail de longs et fraternels baisers !

Hélas ! la route qui passe en bas est déserte à jamais : elle n’a ni commencement ni fin et les arbres noirs qui la bordent ont un grondement solennel d’eaux qui coulent vers l’Océan. Dans sa douleur, la princesse déchire ses vêtements ; ses colliers arrachés égrènent leurs gemmes avec un bruit railleur, et, sous les lambeaux de sa pourpre déchirée, elle s’apparaît tout entière dans les miroirs qui exaltent l’inutile gloire de sa riche nubilité.

À la fin, pourtant, la porte va s’ouvrir : Si c’était l’heure du pardon ! Si le beau vainqueur vêtu de lumière allait entrer ! Si quelque voix éprise allait crier : « Je viens te délivrer de toi ! »

Non, c’est une esclave qui offre, en des coupes d’émeraude, des fruits rares et des vins précieux. Et cette esclave porte aussi des habits de pourpre ; elle laisse aussi ruisseler à terre le lourd trésor de ses cheveux, et, de corps et