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Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/174

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vine. Et il y avait là des gens de toute sorte : des soldats impérieux, de timides valets d’armée, des scribes ironiques, un sage des bords du Gange, émacié par des jeûnes effroyables, dévêtu par d’éternelles aumônes et que le conquérant traînait à sa suite, par vanité.

Lorsque le jour parut, tous ces hommes sortirent du temple, frissonnant d’avoir médité ; et sur la place ils se questionnèrent entre eux, anxieusement. Les uns avaient vu d’étranges figures grimaçantes et cruelles, mi-voilées de brouillards sanglants ; d’autres annoncèrent des dieux grotesques aux ventres énormes, aux stupides faces joyeuses. Quelques-uns aussi parlèrent d’un dieu souriant qui de sa main désignait le monde et agitait ensuite les bras comme pour s’excuser.

Mais le sage silencieux rentra dans le temple et demanda au vieillard : « Pourquoi donc, ô montreur de dieux, n’as-tu pas donné à tous ces hommes la même vision. J’ai veillé avec eux et, parmi des musiques de paradis, j’ai vu éclore et grandir une ineffable aurore de splendeur et de bonté. Pourquoi donc leur as-tu menti, pourquoi mes frères de l’armée n’ont-ils pas connu le rêve de Dieu ? » — « Étranger,