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Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/190

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Pour le distraire de son étrange mal, on lui parla d’une lointaine princesse de l’Inde dont les voyageurs attestaient la surnaturelle beauté. Là-bas, disait-on, vers le pays des cinq fleuves, les peuples nommaient en une longue rumeur d’admiration la reine de Sirinagor. Des conquérants étaient venus, offrant des gemmes et des fleurs inconnues, répandant de rares parfums aux pieds de la reine implorée. Mais elle, hautainement distraite, les frappait tous avec le lotus d’or qui était son sceptre. Il y avait en elle un tel pouvoir d’être aimée que les plus farouches, songeant à l’insulte reçue, souriaient doucement comme à des souvenirs de caresses. Souvent elle sortait à pied, toute seule, dans les rues de sa capitale. Confiante elle traversait les respectueuses foules de mâles frémissants d’inutiles désirs. Les jeunes hommes, avec un voluptueux désespoir, la regardaient passer, si glaciale et si blanche qu’elle semblait gardée par une magique brume polaire. Et le ténébreux parfum qui s’exhalait de sa chair était si puissant que les femmes mêmes n’osaient avoir de haine. Les épouses méprisées à cause d’elle et les mères dont les fils étaient morts de l’aimer, ne faisaient pas même à son pas-