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Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/196

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voisine. Et cette porte fut la Porte-des-Morts. Très nombreux, comme après des jours de peste, des chars funéraires stationnaient près de la grille. Des cris de veuves retentissaient ; des enfants orphelins appelaient lamentablement ; des jeunes hommes en deuil sanglotaient des noms d’épouses. De nouveau le roi apparut près des cochers épouvantés. Frissonnant, la voix coupée de râles, il balbutia : « Entrez par une autre porte ! »

Les chevaux durent tourner encore et l’on prit une route pavoisée et fleurie qui conduisait à la Porte-Militaire. De ce côté de la ville triomphait un peuple en liesse. Des fanfares éclataient, on entendait dans le lointain toute la fière rumeur d’une armée heureuse, des hennissements de chevaux, des cliquetis de boucliers joyeusement heurtés comme des coupes en une danse guerrière. Par intervalle les commandements des capitaines se répondaient, monotones et sonores : et très loin, avec un bruit de vagues montantes, roulaient les innombrables machines de guerre sur leurs roues de bronze. Mais cette armée victorieuse ramenait un convoi de prisonniers. Entravés de cordes, l’épaule meurtrie d’un joug de bois,