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Page:Œuvres de C. Tillier - III.djvu/28

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LETTRES AU SYSTÈME.

dez encore un petit emploi, comment voulez-vous qu’on vous nomme, et par qui vous fera-t-on arrêter ? Entre vous, mendiants qu’on salue, mendiants qu’on élit, mendiants qu’on décore, et les mendiants qu’on arrête, quelle différence y a-t-il, si ce n’est celle des besaces ?

Ne savez-vous pas, vous qui faites des statistiques, qu’en France la population surabonde, et que les ressources sont exiguës ; qu’un billet de banque de mille francs y représente au moins deux familles ; que la misère est montée jusqu’aux professions libérales, misère déguisée par le luxe, mais qui enfonce sa griffe sous les tissus fins et les étoffes de prix ; que la France enfin, sauf le respect que je lui dois, est une lice qui a moins de tétines que de nourrissons ? Si vous ne voulez pas savoir cela, vous, les électeurs le savent, le voient et doivent y mettre ordre. Dans un gouvernement constitutionnel, les électeurs sont une puissance absolue ; quand ils élèvent la voix, il faut qu’on les écoute. Ils sont responsables non-seulement du mal qu’ils laissent faire, mais encore du bien qu’ils n’ordonnent pas.

Pour moi, si j’étais les électeurs de France, j’exigerais que le gouvernement assurât le plus grand nombre d’existences possible. Je ne me contenterais pas de lui faire abaisser les gros traitements, je lui imposerais la loi de ne point accorder de fonctions rétribuées à des hommes déjà pourvus de fortune, et je ne mettrais d’exception que pour ces grandes spécialités qui apparaissent de loin en loin et ne peuvent se remplacer. J’exigerais qu’il chassât de ses antichambres tous ces riches insatiables qui viennent effrontément solliciter le pain du pauvre, et ne donnent pas un sou de travail pour cent francs d’appointements qu’ils reçoivent. Je ne me plains pas, moi, comme le font tant d’autres, que les impôts soient trop élevés, je me plains seulement qu’on les emploie mal. Avec un milliard de budget bien employé, que de prospérité on répandrait à la surface de la France !

Si j’étais les électeurs de France, j’interdirais encore aux dépu-