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Page:Œuvres de C. Tillier - III.djvu/31

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SUR LA RÉFORME ÉLECTORALE.

vous recevez, et de l’autre… vous encaissez. Vous êtes, sur le sol de la France, des trous qui absorbent tout, qui ne s’emplissent jamais, et ne laissent rien échapper. L’argent de l’impôt, au lieu de revenir au peuple en travail et en commerce, comme l’eau de l’océan revient en pluie à la terre, se condense entre vos mains en domaines ajoutés sans cesse l’un au bout de l’autre. Encore quelques générations, et l’humble arpent de patrimoine que vous avez reçu de vos modestes ancêtres sera devenu une vaste terre qui, dans son enceinte, enveloppera des communes.

Vous dites que vous représentez nos intérêts. Mais nos intérêts ne sont pas les vôtres. Vous possédez et nous n’avons rien. Vous produisez et nous consommons. Vous voulez vendre cher et nous voulons acheter bon marché. À vous, il vous faut la douane qui interdit, et à nous, l’importation qui amène. Votre impôt, c’est l’impôt foncier ; le nôtre, c’est la contribution indirecte. Les lucarnes de nos chaumières paient autant de contributions foncières que les fenêtres de vos belles maisons, et vos vins fins ne paient pas plus de contributions indirectes que notre piquette. Vous voulez le maintien des abus, et nous, nous en demandons la réforme. Vous êtes stationnaires parce que l’état de choses actuel vous profite ; nous sommes progressifs parce qu’il nous nuit. Des voyageurs sont roule ensemble ; les uns grelottent de froid dans la cour de l’auberge, en attendant le cocher ; les autres boivent avec le cocher dans une salle bien chaude, à la santé de ceux qui attendent. Telle est votre position et la nôtre.

Que nous importent à nous vos discours de tribune, vos majorités qui se sont et se défont ? Aux bonnes nous ne gagnons rien, aux mauvaises nous perdons toujours quelque chose. Je vois bien à la chambre le parti des légitimistes et le parti de l’opposition bourgeoise. Mais le parti du peuple, où est-il ? ou, s’il y est, de combien d’hommes est-il composé ?

Prenez l’homme le plus désintéressé de la chambre, M. Dupin par exemple, accepterait-il de son homme d’affaires un mémoire d’ouvrage, motivé comme il suit :