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Page:Œuvres de C. Tillier - III.djvu/47

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SUR LA RÉFORME ÉLECTORALE.

passeport, qui n’ait de ce mot plein la bouche. L’intérêt de l’État ! Mais l’intérêt de l’État, c’est l’intérêt de tous, or, je vous le demande, comment l’intérêt de tous serait-il compromis, si l’intérêt de tous était représenté ? La majorité peut comprendre mal ses intérêts ; mais c’est un axiome de justice que la satisfaction du plus grand nombre doit être préférée à celle du plus petit. Or, quand la majorité a déclaré qu’elle est satisfaite, toute discussion est terminée.

Le peuple ferait mauvais usage de ses droits ! Mais comment savez-vous cela ? avez-vous aussi le privilège de prédire ? Voici un homme qui comparaît devant la cour d’assises ; c’est vrai, dit-il : j’ai volé à cet homme son argent, mais je prévoyais qu’il en ferait mauvais usage ; au lieu de me punir, récompensez-moi : j’ai agi dans l’intérêt de l’État, je suis un bon citoyen, et ce procureur du roi qui requiert contre moi est un séditieux. — Cet argument que vous trouveriez détestable dans la bouche d’un voleur, pourquoi serait-il bon dans la vôtre ? La différence des positions fait-elle celle des consciences, et l’iniquité, quand elle porte un habit noir, peut-elle se faire passer avec impunité pour la justice ?

Encore une petite parabole, s’il vous plaît. On procède dans un village à l’affouage de la forêt commune ; le maire fait distribuer à chacun sa portion de bois. — Toi, Jacques, dit-il à un pauvre homme, je confisque ton bois à mon profit. — Et pourquoi cela, monsieur le maire, répond Jacques. — Parce que je suppose que tu es un homme négligent, et de cette supposition, je conclus que tu mettrais le feu au village. Ne te fâche point, Jacques ; c’est dans ton intérêt que j’agis.

Bonaparte, quand des lauriers de Marengo il voulut se faire un diadème, disait que les assemblées primaires faisaient un mauvais usage de leurs droits. Louis XVIII, vingt ans plus tard, dit que les électeurs à trois cents francs qu’il nous avait octroyés, faisaient un mauvais usage de leurs droits. Vous-mêmes, selon Charles X, vous faisiez un mauvais usage de vos droits, quand vous vouliez