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Page:Œuvres de C. Tillier - III.djvu/53

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SUR LA RÉFORME ÉLECTORALE.

lords sont plus riches que les rois, où un marchand pourrait soudoyer une armée. En France, quel particulier aurait assez d’argent pour acheter la moitié plus une des consciences d’un arrondissement ? Puis, s’il est en France des choses qui se troquent pour des places, ces mêmes choses ne se vendent pas pour de l’argent compté.

Le peuple serait perturbateur ! Et dans quel but ? Que gagne-t-il aux révolutions ? Vous savez bien, vous, à qui les révolutions profitent. Au milieu des troubles civils vos bois poussent, vos épis mûrissent ; mais le peuple, c’est sur le sol de pierre des ateliers qu’il récolte ses moissons. Si vous coupez les mains à l’industrie, vous le réduisez à la misère. Quand il a vécu sept à huit jours de son chétif mobilier, de son dernier lambeau de toile, il se fait une besace et va mendier. Vous parlez de guerres civiles, mais prenez-vous le peuple pour un loup affamé qui aiguise ses dents à l’odeur de la chair morte ? Que trouvera-t-il sur les champs de bataille ? Les femmes allaiteront-elles leurs nourrissons avec du sang et les hommes mangeront-ils des cadavres ? Allons au pis, supposons la France, par suite d’un changement de gouvernement, vaincue, envahie, déchirée en parts comme le manteau de Jésus-Christ, retranchée des nations comme sa cousine germaine, la malheureuse Pologne, le sol restera et la propriété par dessus ; le riche aura toujours de quoi manger. Il n’a pas peur, lui, que les cosaques du Don ou de l’Ukraine emportent sur leurs porte-manteaux chacun un morceau de sa propriété. Si le joug lui pèse trop, il vend son domaine et emporte sa patrie dans son portefeuille. Partout où l’argent a cours, le riche trouve une patrie. Mais le pauvre, il faut qu’il reste sous la dure main de l’oppresseur, qu’il meure où il est né ; de son berceau à sa tombe, il n’y a que la distance de la mairie au cimetière. C’est une plante attachée au sol, qui ne peut se détourner du pied qui la foule et doit recevoir la pluie comme le soleil. Ne dites donc point que le peuple serait perturbateur. S’il voulait l’anarchie, il la ferait ; vous ne sauriez l’en empêcher,