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Page:Œuvres de C. Tillier - III.djvu/57

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SUR LA RÉFORME ÉLECTORALE.

par le pape. Est-ce donc les hommes qui ont dégénéré ? Non. Ce sont les institutions. Avec des esclaves et un million de soldats vous pouvez faire un empire ; vous pouvez, si vous le voulez, avoir des rois pour porter la queue de votre pourpre. Mais pour faire un peuple, il faut des citoyens. Faites revivre par des institutions démocratiques le peuple héroïque de 93, et que les autocrates fassent, tant qu’ils en voudront, des congrès et des protocoles, la constitution que vous aurez fondée sera à l’épreuve de leurs boulets. Ils n’auront pour vous attaquer qu’un nombre limité de soldats : vous aurez pour vous défendre un nombre infini de citoyens, qui aimeront mieux perdre la vie que la liberté, parce que sans la liberté la vie serait pour eux un supplice. Avec des institutions démocratiques, la France aurait bientôt repris sur les autres nations la supériorité que Charlemagne et Napoléon lui avaient un instant donnée, mais qui s’est ensevelie dans la tombe du premier et que l’aigle du second a emportée avec elle en remontant aux cieux, supériorité d’autant plus durable qu’elle dépendrait non des chances d’une campagne, mais des institutions politiques, du peuple lui-même et non de son chef.

Concluez, direz-vous. Ce que je demande, c’est le suffrage universel, le suffrage universel sans restriction. Je voudrais qu’à 25 ans accomplis tout Français fût électeur ; à 25 plutôt qu’à 21, parce qu’à cet âge les fumées de la jeunesse sont déjà dissipées, que l’intelligence et la raison sont à peu prés dans toute leur maturité, que la plupart ont un établissement et que beaucoup sont déjà chefs de famille. Quoi ! les mendiants aussi, direz-vous ? Oui, mon beau monsieur, les mendiants aussi ; seulement vous pouvez ajouter à la loi un article qui leur impose l’obligation de mettre le jour de l’élection une chemise blanche et de se faire la barbe. Au fait, je conviens que les mendiants sont des électeurs qui n’offrent pas toutes les garanties possibles, mais de ce qu’ils sont véhémentement soupçonnés, faut-il les tenir pour atteints et convaincus ? Respectons en eux le caractère de citoyens, dont leur misère ne les