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Page:Œuvres de C. Tillier - III.djvu/61

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SUR LA RÉFORME ÉLECTORALE.

électoral au chef-lieu de département, les électeurs resteront au coin de leur feu ou à la queue de leur charrue : vous n’aurez que ceux auxquels le gouvernement aura fourni des moyens de locomotion.

Je ne finirai point comme les avocats de la cour d’assises, qui, dans leurs péroraisons, ont toujours soin de dire au jury qu’ils sont certains de l’acquittement de leur prévenu. Oh ! non, mes amis du peuple n’obtiendront pas le suffrage universel. Nos juges sont trop intéressés à nous faire perdre notre cause, pour que nous la gagnions. Les électeurs ne se soucient pas de se défaire d’un privilège qui, pour beaucoup d’entre eux, vaut un domaine. Les députés, de leur côté, n’aiment pas voir, dans les collèges électoraux, des visages inconnus. Mais, comme un capitaine de navire qui, son vaisseau sombrant, cherche à en sauver la chaloupe, je demanderai qu’on nous fasse du moins les concessions que je vais dire.

On veut que la propriété soit représentée. Si cela est bien, pourquoi la petite propriété ne le serait-elle pas comme la grande ? On ne dira pas sans doute qu’il y a plus de matière électorale dans un sac de blé que dans un double décalitre. Alors, pourquoi ne pas donner à chaque propriétaire la faculté de céder, à qui bon lui semblera, ses contributions, pour faire partie du cens électoral de ce dernier ? Partisans de la capacité terrienne, cette mesure serait conforme à vos idées. Chacun contribuerait à l’élection en proportion de sa fortune.

Je n’ai plus qu’un mot à dire des électeurs : c’est relativement au scrutin. Je voudrais que l’urne où ils déposent leurs bulletins fût de verre, et que tout le monde vît ce qu’on met dedans. C’est à la face de la nation, et la main sur le cœur, qu’un citoyen français doit voter. Les électeurs sont des fonctionnaires ; comme fonctionnaires, ils sont responsables de leurs actes, sinon devant la loi, du moins devant l’opinion publique. Vous n’avez pas le droit de faire grâce aux uns de la désapprobation de leurs concitoyens, et de priver les autres de leur estime. Applaudir et blâmer, voilà ce qui fait