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Page:Œuvres de C. Tillier - III.djvu/64

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LETTRES AU SYSTÈME.

talent et de vertu ont une profession qui les fait vivre et qu’ils ne consentiront jamais, eux hommes de bon sens autant que de vertu, à quitter les avantages durables de leur clientèle pour les avantages passagers d’un emploi incertain, qu’une dissolution de la chambre peut leur enlever.

Le comité-Barrot met en question l’exclusion des députés rétribués de la chambre. Ils ont, dit M. Barrot, des connaissances pratiques dont le pouvoir législatif peut faire profit. Sans doute, M. Barrot ; mais si vous aviez une servante menteuse, voleuse, grondeuse, paresseuse, coureuse, etc., etc., la garderiez-vous parce qu’elle saurait faire les confitures ou l’eau de gruau ? Voilà la question. N’est-ce pas, en effet, une chose bien extraordinaire que dans un pays comme la France, où abondent tous les genres de mérite, on choisisse pour contrôler les actes du gouvernement, précisément ses créatures. Quand un homme vient pour témoigner en justice, on lui demande s’il n’est point au service de l’une des deux parties. Que répondrait le député fonctionnaire salarié, si on lui faisait cette question ? Il est vrai, dirait-il, que c’est le ministère qui m’a fait fonctionnaire salarié ; tous ces honneurs, tout ce bien-être dont je suis en possession, c’est à lui que j’en suis redevable. D’un mot il peut me faire surgir à un emploi plus élevé ; d’un autre mot il peut me destituer. Cependant, je ne suis pas au service du ministère. — Je vous le demande, à vous prolétaire qui êtes derrière les banquettes, cette réponse serait-elle de nature à vous rassurer sur l’indépendance de votre représentant ? N’est-ce pas que c’est une législation bien sage et bien digne d’un grand peuple, que celle qui exige d’un chétif témoin, dans la plus chétive des contestations, plus d’indépendance que d’un député de la nation ? Et voyez comme sont contradictoires les arrêts de notre fol honneur, cet autre législateur plus absolu encore que le premier ! ces mêmes hommes qui, juges d’un tribunal de première instance, se croiraient déshonorés s’ils recevaient un lièvre d’un plaideur, ne se font aucun scrupule de recevoir tous les mois une bourse