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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/130

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deux maisons écartées hors de l’enceinte du village ou de la ville d’Ashby, il se trouva dans un chemin creux, entre deux monticules couverts de noisetiers et de houx, tandis que çà et là quelques chênes rabougris étendaient leurs branches sur une route raboteuse et pleine d’ornières profondes qu’y avaient faites récemment les voitures employées au transport des matériaux de tout genre nécessaires à la construction des galeries du tournoi ; et l’obscurité du lieu était encore rendue plus grande par le feuillage et les rameaux des arbres qui interceptaient le peu de clarté que la lune aurait pu y verser dans une belle nuit d’été. On entendait encore le bruit lointain des amusements qui avaient lieu dans la ville, mêlés de temps en temps aux bruyants éclats de rire, ou interrompus par des acclamations, ou bien par les sauvages accords d’une musique éloignée. Tout cela, rappelant l’état de confusion de la ville, où affluaient de nobles guerriers, avec leurs suites dissolues, causait une sorte de malaise au gardeur de pourceaux.

« La Juive avait raison, se dit-il à lui-même : par le ciel et par saint Dunstan, je voudrais être arrivé sain et sauf au terme de mon voyage avec le trésor que je porte. Il y a ici un tel nombre, je n’ose pas dire de voleurs errants, mais de chevaliers et d’écuyers errants, de moines et de ménestrels errants, de jongleurs et de bouffons errants, qu’un homme avec un seul marc d’argent sur lui serait en danger ; à plus forte raison un pauvre gardeur de pourceaux avec une bourse pleine de sequins. Je voudrais bien être sorti de l’ombrage de ces maudits buissons, afin que je pusse au moins apercevoir les clercs de saint Nicolas avant qu’ils ne me tombassent sur les épaules. »

Gurth hâta donc si marche pour gagner le champ ouvert auquel aboutissait le sentier mais il ne fut point assez heureux pour accomplir son souhait. Au moment même où il avait atteint l’extrémité supérieure de l’avenue, endroit dans lequel le taillis était le plus épais, quatre hommes s’élancent sur lui, comme il l’avait appréhendé, deux de chaque côté de la route, et le saisissent tellement à l’improviste, que toute résistance même praticable eût été trop tardive.

« Remettez votre course, dit l’un, nous sommes les libérateurs du bien public, et nous débarrassons le voyageur du fardeau qui le gêne.

— Vous ne me débarrasseriez pas si aisément du mien, » murmura le porcher, dont sûrement l’honnêteté ne pouvait se prêter au